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Date : 20160330


Dossier : T-64-11

Référence : 2016 CF 355

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 30 mars 2016

En présence de monsieur le juge Boswell

ENTRE :

RESPONSIVE BRANDS INC.

demanderesse

et

2248003 ONTARIO INC., MARC PICARD et MICHAEL URQUHART

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               Il s’agit d’une action en contrefaçon d’une marque de commerce et en commercialisation trompeuse intentée par Responsive Brands Inc., propriétaire de la marque de commerce « Mister Transmission », contre Marc Picard, Michael Urquhart, et leur société, 2248003 Ontario Inc. Lors du procès en première instance, l’action intentée contre M. Picard et M. Urquhart, en leur qualité personnelle, a été retirée par Responsive Brands Inc., et une ordonnance à cet effet a été émise le 3 mars 2016. Par conséquent, l’action est maintenant intentée uniquement contre 2248003 Ontario Inc., ci-après appelée défenderesse dans les motifs qui suivent.

[2]               Une ordonnance de disjonction des aspects responsabilité et dommages-intérêts a été émise avant le début du procès; par conséquent, les présents motifs ne traitent que de la responsabilité.

[3]               Responsive Brands Inc., la demanderesse, allègue que la défenderesse contrefait ses marques de commerce parce que les noms commerciaux de la défenderesse qui sont, supposément, « Master Transmission » et « Master Transmission & Driveline » ressemblent à « Mister Transmission » au point de prêter à confusion. La demanderesse allègue également que la défenderesse fait passer ses biens et services pour ceux de la demanderesse, et qu’en raison de la confusion et de la commercialisation trompeuse, le fonds commercial associé aux marques de commerce de la demanderesse a perdu de la valeur. La défenderesse nie avoir utilisé le nom « Mister Transmission » et plaide que le logo et l’image de marque de Master Transmission & Driveline ne sont pas semblables à Mister Transmission au point de prêter à confusion, plus particulièrement parce que les mots « mister » et « master » revêtent des significations différentes, « master » faisant référence aux compétences et habiletés de M. Picard et de M. Urquhart.

II.                Contexte

[4]               Depuis les années 1970, Mister Transmission [Mister] fait de la publicité à la radio et à la télévision, et maintenant, elle utilise également Internet et les médias sociaux. Mister est une marque nationale reconnue de services spécialisés en boîtes de vitesse pour véhicules automobiles. Selon Randall A. Moore, président et chef de la direction de Mister Transmission International, le budget de publicité de Mister est d’environ 800 000 $ à 1 000 000 $ par année. Ce budget est largement consacré à la promotion des diverses marques de commerce et divers logos et refrains publicitaires de Mister. Les franchisés de Mister contribuent à un fonds de publicité qui est utilisé avec d’autres fonds de la société pour annoncer les services spécialisés en boîtes de vitesse dans quelque 65 points de service à l’échelle du Canada, y compris dans environ 45 points de service en Ontario.

[5]               Mister fait beaucoup de publicités pendant les émissions sportives. Ses publicités radiodiffusées se terminent toujours avec son refrain publicitaire. Ses publicités télévisées se terminent par la diffusion du logo orange ou de son nom, et parfois, par quelques secondes du refrain publicitaire. Mister a fait des tests en matière de sensibilisation des consommateurs. Elle mène aussi une campagne sur l’indice de service à la clientèle; lorsqu’un client fait faire des réparations, on lui demande comment il a entendu parler de Mister. M. Moore a témoigné qu’à l’exception du marché francophone, la proportion de gens qui connaissent la marque Mister pour ses services spécialisés en boîtes de vitesse est de plus de 90 %, et que la plupart des personnes qui peuvent chanter son refrain publicitaire n’ont jamais mis les pieds dans un établissement Mister.

[6]               Mister possède une franchise à Orillia, en Ontario, où la défenderesse [Master] exerce également ses activités. Mister a consacré plus de 500 000 $ de son budget annuel de publicité à la région du Grand Toronto; cette publicité touche également la région d’Orillia, donc de nombreux résidents voient et entendent les publicités nationales de Mister. Chris et Christina Jansen, qui exploitent la franchise Mister à Orillia, ont témoigné lors du procès qu’ils dépensent environ 20 000 $ par année pour leur publicité locale, annonçant dans les journaux locaux, l’annuaire téléphonique et les stations de radio locales, et en assistant à des salons de l’automobile. Leurs publicités locales ne portent pas sur les réparations de moteur, les changements d’huile, les remplacements de freins ou de tuyau d’échappement, les réparations de la suspension ni les services automobiles généraux.

[7]               Dans son témoignage, M. Urquhart a affirmé que, lorsque Master a commencé à exercer ses activités à Orillia en juin 2010, M. Picard et lui disposaient de fonds limités. Ils ont commencé par faire de la publicité dans les Pages Jaunes et des brochures locales, de même que dans le bulletin local Perkolator chaque semaine pendant quelques années. Ils ont également créé une page Web et une page Facebook. Master n’a aucun refrain publicitaire. M. Urquhart indique que le slogan est « Building Relationships One Transmission at a Time. » Master annonce sur un panneau d’affichage situé sur l’autoroute 12, entre Rama et Brechin (Ontario). Sur ce panneau d’affichage, on peut lire [traduction] « “Transmission problems”, avec un point d’interrogation, ainsi que “lifetime warranty”, “Memorial Avenue” et le numéro de téléphone ». Le nom de Master n’est pas indiqué sur ce panneau. M. Picard a déclaré que Master attire un grand nombre de clients qui travaillent à un casino situé à proximité, parce que Master offre des rabais aux employés du casino et fait de la publicité dans le guide des employés.

[8]               Avant de lancer leur entreprise, M. Urquhart et M. Picard travaillaient ensemble dans un garage Mister situé à Barrie (Ontario). M. Urquhart a été reconstructeur de boîtes de vitesses pendant de nombreuses années, et M. Picard a été gérant du commerce pendant environ six mois. Vers la fin de 2009 ou au début de 2010, ils ont discuté avec Mark D’Angeli, un représentant de Mister, de la possibilité d’établir une franchise de Mister dans la région d’Hunstville, mais ils n’ont jamais déposé de demande officielle de franchise parce que la base de clientèle de cette région n’était pas assez importante.

[9]               M. Moore a témoigné qu’un certain temps après l’ouverture de l’entreprise de M. Urquhart et de M. Picard à Orillia, M. D’Angeli l’a informé que le nom de la défenderesse était « Master Transmission », ce qui a incité M. Moore à téléphoner à M. Urquhart. M. Moore affirme qu’il a dit à M. Urquhart qu’il lui fallait trouver un autre nom, du genre Orillia Transmission ou Mike’s Transmission, mais pas Master Transmission comme ce nom prêtait à confusion. Selon M. Moore, M. Urquhart lui a répondu qu’il devait en discuter avec M. Picard. Cependant, M. Urquhart a affirmé dans son témoignage qu’il a appris que Mister avait des réserves à l’égard du nom Master lorsqu’il a reçu une lettre de cessation et d’abstention. Il maintient que M. Moore ne lui a pas téléphoné.

[10]           Quoi qu’il en soit, après que Master eut reçu la lettre de cessation et d’abstention datée du 31 août 2010, M. Urquhart indique que lui et M. Picard se sont demandé s’il s’agissait d’un plan visant à faire du tort à Master puisqu’ils ne considéraient pas que les noms prêtaient à confusion. Il dit qu’ils ont pensé changer le nom de leur entreprise, mais ils n’estimaient pas que celui-ci portait à confusion étant donné qu’il s’agit d’un tout autre mot ayant une signification totalement différente. Au moment de choisir le nom de leur entreprise, M. Urquhart a dit qu’ils ont envisagé plusieurs noms. Lorsque « master » a été proposé, possiblement par M. Picard, M. Urquhart a estimé que ce nom représentait tout ce qu’il voulait évoquer à propos de ses compétences, et que c’était plus qu’un simple nom générique comme « Mike’s Transmission ». Il a témoigné que, à ses yeux, le mot « master » exprimait tout ce qu’il voulait évoquer au sujet de ses compétences, puisque ce mot est synonyme d’excellence au travail, peu importe la tâche à accomplir. Le logo de Master a été dessiné par un ancien client de l’entreprise de silencieux Midas que M. Picard avait dirigée à Orillia avant de démarrer Master avec M. Urquhart.

III.             Preuve de confusion

[11]           Lors du contre-interrogatoire, M. Moore a affirmé qu’il n’était pas au courant que l’on avait communiqué avec le siège social de Mister à propos des impôts et de la taxe de vente harmonisée de Master. Il n’a pas non plus entendu parler de sociétés de cartes de crédit, de créanciers, de compagnies d’assurances ni d’autres personnes qui auraient communiqué avec le siège social de Mister à propos des affaires financières et commerciales de Master. Il a ensuite reconnu qu’il n’avait eu connaissance d’aucune erreur bancaire concernant Mister et Master, et qu’à sa connaissance, personne n’a communiqué avec lui au sujet des programmes de rabais pour les employés de Casino Rama offerts par Master. Le Bureau d’éthique commerciale et les Pages Jaunes n’ont pas non plus communiqué avec lui au sujet de Master. Il n’a eu connaissance d’aucune confusion dans les médias concernant le travail caritatif effectué par Master à Orillia, et aucun mérite n’a été attribué à Mister au lieu d’être attribué à Master. Il n’est pas non plus au courant qu’il y a une entreprise qui se nomme Master Transmission and Engine Rebuilders et une autre qui se nomme Master Transmission and Diagnostic Import and Domestic Limited.

[12]           La demanderesse a convoqué comme témoin M. Rober Roxburgh, directeur général de King-O-Matic Industries. Cette entreprise est, selon M. Roxburgh, le plus important distributeur de composants de boîte de vitesses et de ligne d’arbre de transmission au Canada. À la demande de la demanderesse présentée avant le procès, M. Roxburgh a fait des recherches dans la base de données de King-O-Matic sur les garages spécialisés dans les boîtes de vitesses au Canada. Outre le nom de Master, ses recherches ont révélé l’existence de clients dont les noms sont Master Auto and Transmission et Auto-Master Transmission Automatic, de même que plusieurs franchises de Master Mechanic. Pendant le contre-interrogatoire, il a déclaré que ses recherches n’avaient pas révélé l’existence de Master Transmission Inc. à Verdun (Québec), et qu’il n’avait jamais entendu parler de Master Transmission and Engine Rebuilders, de Master Transmission and Diagnostic Import and Domestic Limited, ni de Masters Automotive. M. Roxburgh ne se souvient pas d’avoir été incapable de remplir correctement les demandes présentées par Master Transmission & Driveline et celles présentées par Mister Transmission.

[13]           Lors de son témoignage, M. Jansen a mentionné qu’à une occasion, un fournisseur de pièces, Inter-Continental Gear & Brake, avait par inadvertance produit une facture et envoyé des pièces à sa franchise Mister, lesquelles pièces avaient été commandées par Master. Mme Jansen et lui ont également témoigné au sujet de la fréquence des livraisons reçues destinées à Master et d’appels téléphoniques de gens qui voulaient savoir où est située leur entreprise sur l’avenue Memorial.

[14]           C’est Mme Jansen qui, durant la semaine précédant le procès de cette cause, a répondu à un appel téléphonique d’un client potentiel nommé Josiah Smith qui voulait savoir comment se rendre chez Mister à Orillia. La demanderesse a appelé M. Smith à témoigner au procès afin de présenter une preuve selon laquelle M. Smith aurait confondu les services spécialisés en boîtes de vitesse offerts par Master et ceux offerts par Mister à Orillia. Cependant, le témoignage de M. Smith était biaisé par le fait qu’à l’insu de M. Jansen, Mister Transmission International a accepté de couvrir les frais de réparation de la boîte de vitesses de M. Smith en échange de son témoignage. Néanmoins, le témoignage de M. Smith a présenté, au mieux, qu’il y avait de la confusion uniquement quant à l’emplacement du garage Mister, et non qu’il avait confondu les noms Master et Mister, ainsi que les services offerts. En effet, après avoir été dirigé chez Mister par une personne de chez Blaine’s Automotive, où il a d’abord fait inspecter son camion, M. Smith a téléphoné à quelques endroits pour comparer les prix, notamment en téléphonant chez Master, où il a parlé avec M. Picard. Ce dernier lui a répondu qu’il ne pouvait s’occuper de son camion cette journée-là.

[15]           Comme élément de preuve supplémentaire de la confusion, la demanderesse a présenté un affidavit de M. Donald Gilks, un membre à la retraite du service de police de la ville de Toronto. Au procès, il a été contre-interrogé sur son affidavit concernant la façon dont son véhicule s’est retrouvé à être réparé par M. Picard chez Master plutôt que chez Mister à Orillia. Après un tournoi de golf ayant eu lieu le jour d’avant, M. Gilks a commencé à avoir des problèmes avec son camion. Il a demandé au concierge de l’hôtel où il avait séjourné la nuit précédente s’il y avait un garage Mister Transmission à Orillia, puis il lui a demandé s’il pouvait téléphoner en son nom. M. Gilks a donné son numéro de téléphone et a été rappelé par une jeune femme mentionnant qu’elle travaillait chez Mister Transmission et qu’elle ferait venir une dépanneuse. Le conducteur de la dépanneuse est venu chercher M. Gilks et son camion, et les a laissés chez Master sur l’avenue Memorial, et non chez Mister, sur l’avenue Brodie. Mme Jansen a dit dans son témoignage que le conducteur de la dépanneuse s’était ensuite excusé de son erreur, et qu’aucun autre incident de la sorte n’était survenu.

[16]           Après examen et considération de la preuve afin de déterminer s’il y a eu de la confusion dans l’esprit des consommateurs entre les marques de commerce et les noms commerciaux de Mister et Master, je conclus qu’au mieux, il n’y avait pas assez d’éléments de preuve indiquant qu’il y a réellement eu confusion dans l’esprit des consommateurs ou que des consommateurs ont été trompés depuis l’ouverture de Master à Orillia, il y a environ cinq ans et demi. C’est le conducteur de la dépanneuse, et non M. Gilks en tant que consommateur des services spécialisés en boîtes de vitesse, qui a confondu l’adresse de Mister. M. Gilks n’avait jamais entendu parler de Master avant d’être transporté à son insu à cet endroit.

[17]           La preuve de M. Smith, même si elle est biaisée, montre qu’il y a eu confusion relativement à l’emplacement du commerce Mister à Orillia, et non entre les noms Master et Mister ni entre les services spécialisés en boîtes de vitesse. En outre, même si les erreurs de livraison du courrier indiquent qu’il y a une certaine confusion chez divers employés de services de messagerie, encore une fois, il ne s’agit pas d’une preuve de confusion dans l’esprit des consommateurs à l’égard des services respectifs offerts par les parties. La livraison et la facturation erronées à Mister de pièces commandées par Master ne sont pas non plus la preuve d’une confusion réelle, parce que cela semble être davantage une erreur commise par un employé d’Inter-Continental Gear & Brake, un fournisseur tiers, qu’un cas réel de confusion d’un acheteur potentiel de services spécialisés en boîtes de vitesse.

IV.             Probabilité de confusion

[18]           Malgré l’absence d’éléments de preuve convaincants ou suffisants qu’il y a réellement eu confusion dans l’esprit des consommateurs ou qu’ils ont été trompés, il est nécessaire, néanmoins, d’examiner et d’analyser la probabilité de confusion entre les marques de commerce et les noms commerciaux des parties.

[19]           Mister possède plusieurs marques de commerce déposées, la première ayant été obtenue en 1980 pour le nom « Mister Transmission » (TMA 239 868) en lien avec les services décrits comme étant des services de [traduction] « réparation, de remplacement, de renouvellement et d’installation de boîtes de vitesse pour véhicules automobiles, [et] l’exploitation d’un centre de réparation et de remplacement de boîtes de vitesse ». Les parties ont accepté, dans la soumission conjointe des faits du dossier conjoint du procès, que la première utilisation de cette marque au Canada remonte au 1er août 1974. Le nom de domaine de Mister sur Internet est « mistertransmission.com ».

[20]           Mister possède également des marques de commerce déposées pour « Hey Mister Mister Transmission You’re A Friend Of Mine » et pour la marque de commerce et le logo figurant ci-dessous, la couleur de fonds de ce dernier étant un orange éclatant :

[21]           Master ne possède pas de marque de commerce déposée. Elle a déposé un nom commercial, « Master Transmission & Driveline », aux termes de la Loi sur les noms commerciaux, L.R.O. 1990, ch. B.17, le 29 juin 2010, l’activité exercée indiquée étant des [traduction] « services pour véhicules automobiles et boîtes de vitesses ». Certains éléments de preuve présentés lors du procès démontrent que la défenderesse utilise également le nom « Master Transmission » et qu’on l’appelle simplement par ce nom. Au cours de son témoignage, M. Moore a indiqué que Master était connue par la forme abrégée de son nom commercial. M. Roxburgh a affirmé qu’étant donné que la base de données de King-O-Matic acceptait un nombre limité de caractères, Master est inscrite sous la dénomination « Master Transmission »; cependant, il a reconnu que toutes les factures envoyées à Master utilisent le nom commercial complet et que Master n’a pas choisi comment King-O-Matic allait inscrire son nom dans sa base de données.

[22]           En outre, le nom de domaine de Master est « mastertransmission.ca ». Son localisateur de ressources uniforme (URL) pour Facebook est « www.facebook.com/mastertransmission », bien que le nom indiqué sur la page Facebook soit Master Transmission & Driveline. Le nom « Master Transmission » figure également sur l’un des bordereaux de livraison de Thor Motors Limited faisant partie du dossier conjoint du procès, même s’il n’y a pas d’élément de preuve montrant comment et pourquoi ce nom a été utilisé. Enfin, le logo de Master figurant sur la feuille de rapport d’inspection visuelle utilisée (sur fond de couleur foncée) dans le commerce situé sur l’avenue Memorial à Orillia et sur le site Web, ressemble à ce qui suit :

A.                Loi sur les marques de commerce

[23]           Aux termes de l’article 19 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 [la Loi], les marques de commerce déposées de la demanderesse lui procurent le droit exclusif à l’emploi de celles-ci, dans tout le Canada, en ce qui concerne ces produits et services, tel qu’il est décrit dans l’enregistrement. Il y a violation de ce droit si une personne utilise un nom commercial ou une marque de commerce qui crée de la confusion avec les marques déposées de la demanderesse. Une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial si son utilisation cause de la confusion de la manière et dans les circonstances décrites à l’article 6 de la Loi. De plus, le droit du propriétaire de la marque de commerce déposée à l’utilisation exclusive de cette dernière est réputé être violé par une personne qui est non admise à l’employer en vertu de la Loi et qui « soit vend, distribue ou annonce des produits ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion » (alinéa 20(1)a)).

[24]           La Loi fournit la définition suivante du terme « confusion », à l’article 2 :

créant de la confusion Relativement à une marque de commerce ou un nom commercial, s’entend au sens de l’article 6.

confusing, when applied as an adjective to a trade-mark or trade-name, means a trade-mark or trade-name the use of which would cause confusion in the manner and circumstances described in section 6

[25]           Selon les circonstances en l’espèce, lorsque la demanderesse soutient que le nom commercial de la défenderesse viole ses marques de commerce déposées, le paragraphe 6(4) est particulièrement pertinent; il prévoit ce qui suit :

(4) L’emploi d’un nom commercial crée de la confusion avec une marque de commerce, lorsque l’emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom et les produits liés à cette marque sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom et les services liés à cette marque sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale. [Je souligne]

(4) The use of a trade-name causes confusion with a trade-mark if the use of both the trade-name and trade-mark in the same area would be likely to lead to the inference that the goods or services associated with the business carried on under the trade-name and those associated with the trade-mark are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the goods or services are of the same general class. [Emphasis added]

[26]           Pour déterminer si les marques de commerce ou les noms commerciaux créent de la confusion, le paragraphe 6(5) de la Loi indique que la Cour doit tenir compte de :

…toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de produits, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

…all the surrounding circumstances including

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

(c) the nature of the goods, services or business;

(d) the nature of the trade; and

(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

B.                 Jurisprudence pertinente

[27]           La Cour suprême du Canada a conclu que, même s’il est mentionné en dernier lieu au paragraphe 6(5), le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux est souvent « le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion » (Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27, au paragraphe 49, [2011] 2 RCS 387 [Masterpiece]). En outre, toutes les circonstances de l’espèce doivent être prises en considération, et la liste des circonstances n’est pas exhaustive et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte (voir Mattel Inc. c. 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22, au paragraphe 54, [2006] 1 R.C.S. 772 [Mattel]). Les circonstances de l’espèce peuvent comprendre des antécédents de concurrence entre les parties sans qu’il n’y ait de confusion (Pink Panther Beauty Corp. c. United Artists Corp., [1998] 3CF 534, 80 C.P.R. (3d) 247 [Pink Panther]; Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd., [1987] ACF no 1123, 19 CPR (3d) 3, au paragraphe 29 (CAF) [Mr. Submarine]).

[28]           La preuve d’une confusion réelle est une circonstance de l’espèce pertinente, mais une telle preuve n’est pas nécessaire. La Cour peut tenir compte de l’absence de preuve de confusion réelle au moment d’évaluer la probabilité de confusion (voir Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior SA, 2002 CAF 29, au paragraphe 19, [2002]3 RCF 405 [Christian Dior]), et la durée pendant laquelle il n’y a pas eu de preuve de confusion réelle peut également constituer un facteur (voir Mr. Submarine). Une conclusion défavorable peut être tirée de l’absence d’une telle preuve dans le cas où elle pourrait avoir été facilement accessible si l’allégation de probabilité de confusion était justifiée (Mattel, au paragraphe 55). Habituellement, on évalue le risque de confusion à la date de l’audience, mais on essaie de démontrer l’existence de ce risque sur une durée déterminée (voir Alticor Inc. c. Nutravite Pharmaceuticals Inc., 2005 CAF 269, au paragraphe 16, 257 D.L.R. (4th) 60).

[29]           Lors de l’évaluation du risque de confusion, la Cour suprême a indiqué que le critère applicable est celui du consommateur plutôt pressé qui n’a qu’un vague souvenir de la marque d’un demandeur qui est habituellement prudent, mais qui ne s’arrête pas pour examiner de près les ressemblances et les différences entre deux marques de commerce ou deux noms commerciaux (voir Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, aux paragraphes 20 et 33, [2006] 1 RCS 824 [Veuve Clicquot]; voir aussi Masterpiece, aux paragraphes 40 et 41, et Mattel, aux paragraphes 56 à 58). Le critère applicable n’est pas celui de la comparaison côte à côte des deux marques ou des deux noms, puisqu’un consommateur ordinaire pressé ne le ferait pas (Masterpiece, au paragraphe 40). La Cour suprême a indiqué que dans le cas des achats de biens onéreux, les consommateurs prendront plus de précautions, mais la probabilité de confusion est toujours fondée sur la première impression du consommateur qui voit les marques ou les noms pour la première fois (Masterpiece, au paragraphe 67).

[30]           Il incombe à la demanderesse de démontrer l’existence de la probabilité de confusion selon la prépondérance des probabilités; la question de savoir s’il existe une probabilité de confusion est principalement une question de fait (voir Veuve Clicquot, au paragraphe 14).

[31]           Avant de déterminer si la demanderesse a établi qu’il existe une probabilité de confusion, les principes généraux notés par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Marlboro Canada Limitée c. Philip Morris Products S.A., 2012 CAF 201, 216 ACWS (3d) 994; autorisation d’interjeter appel refusée, [2012] SCCA no 413 [Philip Morris] sont dignes de mention. Dans la décision Philip Morris, la juge Johanne Gauthier fait remarquer (au paragraphe 59) ce qui suit :

•           Une marque symbolise un lien entre un produit et sa source. Lorsqu’on évalue la probabilité de confusion, l’attention doit se porter sur ce lien ou cette association dans l’esprit du consommateur mythique; voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., [...] [2006] 1 R.C.S. 772 [Mattel]). Il faut prendre en considération la totalité du contexte factuel, notamment les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi.

•           Le fait qu’« il [soit] peu probable [que les consommateurs] basent leur choix sur une première impression » est dénué de pertinence. C’est une erreur que de faire abstraction de la probabilité de confusion en examinant ce que le consommateur était susceptible de faire au vu de la marque sur le marché. Voir Masterpiece Inc., paragraphes 71, 73 et 74.

•           Il y a confusion quant à la source (qui n’a pas à être déterminée avec précision) dans le cas où le public (le consommateur mythique) conclurait vraisemblablement que deux produits (dont l’un est de marque plus ancienne ou plus récente que l’autre) ont la même source. Sont assimilées aux sources proprement dites les sources qui leur sont liées telles qu’un donneur ou un preneur de licence.

•           Les mesures prises pour éviter la confusion n’entrent pas en ligne de compte dans le contexte d’une action en contrefaçon intentée sous le régime de l’article 20 de la Loi; voir David Vaver, Intellectual Property Law: Copyright, Patents, Trademarks, 2e éd., Toronto, Irvin Law, 2011 [Vaver], page 533; et Pink Panther Beauty Corp. c. United Artists Corp., [1998] 3 C.F. 534 (C.A.).

•           La preuve d’une confusion réelle ou de l’absence d’une telle confusion sur une longue période est un facteur de grand poids qui doit être pris en considération dans le cadre des circonstances de l’espèce sous le régime du paragraphe 6(5) de la Loi; voir Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd., (1987) 19 C.P.R. (3d) 3, [1988] 3 C.F. 91 (C.A.) [Mr. Submarine], paragraphe 34; et Mattel, paragraphe 55.

[32]           Compte tenu des dispositions législatives et de la jurisprudence qui précèdent, il est approprié maintenant de se pencher sur la question afin de déterminer s’il y a une probabilité de confusion entre les marques de commerce déposées de la demanderesse et le nom commercial de la défenderesse.

C.                 Caractère distinctif inhérent

[33]           Le facteur de risque à évaluer est le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et noms commerciaux respectifs des parties, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues. En ce qui concerne le caractère distinctif, ce facteur est défavorable à la demanderesse et favorable à la défenderesse. « Mister Transmission » n’est pas un mot inventé ni un mot unique; le second mot de la marque de commerce à deux mots est une simple description des services offerts. Comme il est indiqué par la Cour d’appel fédérale dans Pink Panther :

[23]      Une marque possède un caractère distinctif inhérent lorsque rien en elle n’aiguille le consommateur vers une multitude de sources. La marque qui peut faire allusion à de nombreuses choses ou qui [...] se limite à décrire les marchandises ou leur origine géographique, jouira d’une protection moindre. Inversement, si la marque est un nom unique ou inventé, de sorte qu’elle ne peut faire référence qu’à une seule chose, la portée de sa protection sera plus grande.

[34]           De plus, les marques de commerce qui utilisent des mots communs à un marché ou à une industrie ont un faible caractère distinctif (voir Tradition Fine Foods Ltd c. Oshawa Group Ltd., 2004 CF 1011, au paragraphe 38). En l’espèce, des éléments de preuve ont été présentés au procès selon lesquels les mots « mister » et, notamment, « master » ne sont pas inhabituels dans l’industrie de la réparation automobile. Une des marques de la demanderesse contient une image générique d’une boîte de vitesse (tout comme le logo et la signalisation de la défenderesse), et il est difficile de voir comment la marque de la demanderesse est originale et distinctive comme le serait un mot inventé ou unique, ou un logo original.

[35]           Néanmoins, les éléments de preuve présentés lors du procès et dans le dossier conjoint du procès montrent que les marques de commerce de la demanderesse et son nom sont bien connus partout au Canada. Ils sont, en un mot, répandus. À ce titre, même si les marques et le nom de la demanderesse ne possèdent pas un caractère distinctif inhérent, ils ont définitivement acquis un caractère distinctif en raison de l’usage et de la reconnaissance à l’échelle du Canada au cours des dernières décennies. Cet aspect du premier facteur énoncé dans la loi joue en faveur de la demanderesse, de telle sorte que le caractère distinctif acquis des marques de la demanderesse contrebalance leur absence de caractère distinctif inhérent.

[36]           Tout bien pesé, les doubles aspects de ce facteur, soit le caractère distinctif inhérent et acquis, ne favorisent ni l’une ni l’autre des parties.

D.                Période d’utilisation

[37]           Le deuxième facteur énoncé dans la loi est la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage. M. Moore a indiqué dans son témoignage que les marques et les noms de la demanderesse étaient utilisés depuis les années 1970. La défenderesse a reconnu et convenu dans l’exposé conjoint des faits que la date de la première utilisation de « Mister Transmission » était le 1er août 1974. Le nom commercial de Master est utilisé seulement depuis juin 2010. Par conséquent, ce facteur favorise la demanderesse.

E.                 Genre de produits, de services ou d’entreprises

[38]           M. Picard a témoigné qu’environ 50 pour cent des demandes de réparation de Master concernaient des boîtes de vitesses, et que le reste concernait des réparations comme les freins, la suspension ou le train avant. M. Jansen a dit à la Cour que son commerce Mister n’avait pas fait de publicité pour les réparations de moteur, les changements d’huile, les remplacements de freins ou de tuyau d’échappement et les réparations de la suspension, et qu’il n’offrait pas de services automobiles généraux. Néanmoins, il y a un important niveau de chevauchement dans les services en matière de boîtes de vitesse offerts par Mister et Master, même si Master offre d’autres types de services d’entretien et de réparation de véhicules automobiles.

[39]           En vue de l’évaluation de ce facteur, la Cour suprême a donné les conseils suivants dans Masterpiece :

[67]      La Cour a affirmé que les consommateurs qui sont à la recherche de biens onéreux sont moins susceptibles de confondre des marques de commerce, mais le critère demeure celui de la « première impression ». [...]

[68]      Bien qu’il faille l’appliquer dans toutes les situations, le critère fondé sur l’hypothèse, qui sert à décider s’il y a probabilité de confusion, est assez souple pour refléter la remarque faite par le juge Binnie dans Mattel, par. 58 :

Il prend naturellement plus de précautions s’il achète une voiture ou un réfrigérateur, que s’il achète une poupée ou un repas à prix moyen...

[69]      Toutefois, ces précautions ou cette attention, qui constituent l’un des éléments du critère — plus large — fondé sur l’hypothèse, doivent avoir trait à l’attitude du consommateur s’apprêtant à faire un achat important ou coûteux lorsqu’il voit la marque de commerce, et non pas à ses recherches ou précautions ultérieures. Le juge Rand a affirmé ce qui suit dans General Motors Corp. c. Bellows, [1949] R.C.S. 678, p. 692 :

[traduction] Les mots dans cette situation [réfrigérateurs] contribuent‑ils aux vagues impressions ou souvenirs erronés de la personne ordinaire qui s’apprête à faire un achat? [Je souligne.]

[70]      Cette question porte principalement sur l’attitude du consommateur qui s’apprête à faire un achat. Or, l’examen convenable de la nature des marchandises, des services ou de l’entreprise en cause doit tenir compte du fait que la probabilité que des marques de commerce créent de la confusion peut être moins grande lorsque le consommateur est à la recherche de marchandises ou de services importants ou onéreux. Il n’en demeure pas moins que cette probabilité moins grande est toujours fondée sur la première impression du consommateur lorsqu’il voit les marques en question. Le consommateur à la recherche de marchandises ou de services onéreux pourra n’avoir qu’un vague souvenir d’une marque de commerce qu’il a déjà vue, et il portera probablement un peu plus attention à la marque de commerce qui identifie les marchandises ou services qu’il est en train d’examiner, notamment quant aux similitudes ou différences entre cette marque et celle déjà vue. Comme l’a affirmé le juge Binnie dans Mattel, les marques de commerce sont des raccourcis offerts aux consommateurs. Cette affirmation s’applique peu importe que les consommateurs soient à la recherche de marchandises ou de services plus ou moins onéreux.

[40]           La preuve présentée au procès concernant le coût d’une réparation de la boîte de vitesse était, au mieux, que la nature de la réparation requise et le temps pour l’exécuter dictaient le coût. En outre, rien n’indique qu’il y a une différence importante quant à la qualité des services offerts par Master ou Mister en matière de boîte de vitesse. En l’espèce, ce facteur tend à favoriser la demanderesse, parce que même si les activités de Mister sont davantage axées sur les services et les réparations en matière de boîte de vitesses que celles de Master, les deux exploitent une entreprise qui offre des services et des réparations en matière de boîte de vitesses aux consommateurs de la région d’Orillia.

F.                  Nature du commerce

[41]           Ce facteur évalue les coutumes et usages du commerce ainsi que les caractéristiques des marchés sur lesquels les marques de commerce sont censées servir leurs intérêts (voir Joseph E Seagram & Sons Ltd v. Canada (Registrar of Trade Marks), [1990] ACF no 909, au paragraphe 36, 23 ACWS (3d) 486). Il évalue également la manière de commercialiser et de vendre des biens ou des services (voir Lesters Foods Ltd. c. Lesters Delicatessen and Hot Smoked Meat Inc., 2008 QCCS 2010, aux paragraphes 64 et 65, [2008] QJ no 4197).

[42]           Il y a un commerce Mister à Orillia, et d’un point de vue géographique et de prestations de services, il convoite le même marché des services en matière de boîtes de vitesse que Master, de sorte que la nature des commerces se chevauche. Master et Mister font toutes deux de la publicité dans les médias locaux. Cependant, Mister bénéficie d’une publicité nationale fortement axée sur la radio et la télévision, et sur l’utilisation d’un refrain publicitaire distinctif, alors que Master n’a pas ces avantages. Selon M. Moore, les activités Mister découlent principalement de l’industrie des flottes de véhicules tels que ceux de UPS (15 %), des garages automobiles locaux et de commerces tels que Midas, qui réfèrent leurs clients chez Mister (de 30 à 40 %) et des clients de détail (45 %). Master vise une clientèle locale, contrairement à la demanderesse, sauf dans la mesure où son commerce d’Orillia est l’un des trois endroits où les consommateurs d’Orillia peuvent obtenir des services en matière de boîtes de vitesse.

[43]           Ce facteur favorise également la demanderesse, et même si les activités de Mister sont davantage axées sur les services en matière de boîtes de vitesse que celles de Master, toutes les deux exploitent une entreprise offrant des services en matière de boîtes de vitesse aux consommateurs de la région d’Orillia, de sorte que la nature des commerces ainsi que leurs marchés se chevauchent.

G.                Degré de ressemblance

[44]           Le dernier facteur énoncé dans la loi examine le degré de ressemblance entre les marques de commerce et les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. À cet égard, la Cour d’appel fait remarquer ce qui suit dans Pink Panther :

34        Bien sûr, il est inutile de procéder à cette analyse lorsque les marques sont identiques. Toutefois, lorsqu’elles sont similaires, le registraire ou le tribunal doivent évaluer l’impression qu’elles font sur le public. Même s’il faut examiner la marque comme un tout (et non la disséquer pour en faire un examen détaillé), il est tout de même possible d’en faire ressortir des caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public.

[45]           Dans Masterpiece, le juge Marshall Rothstein a affirmé ce qui suit au paragraphe 64 : « Il est vrai que dans certains cas le premier mot sera l’élément le plus important pour établir le caractère distinctif d’une marque de commerce, mais j’estime qu’il est préférable de se demander d’abord si l’un des aspects de celleci est particulièrement frappant ou unique. »

[46]           En l’espèce, puisque « transmission » est un mot générique, le mot « Mister » représente l’élément unique ou distinctif de la marque de commerce de la demanderesse, même s’il ne possède pas un caractère distinctif inhérent considérablement élevé. Il en va de même pour le nom commercial de la défenderesse, dans la mesure où elle est simplement appelée « Master Transmission ». Les mots « mister » et « master » ont une présentation semblable, puisqu’une seule lettre les distingue. Leurs noms de domaine respectifs n’ont pour différence que cette seule lettre (bien que l’un des noms de domaine se termine par « .com » alors que l’autre se termine par « .ca »).

[47]           En outre, un consommateur pourrait mal lire ces mots, que ce soit parce qu’il se trouve à une certaine distance ou parce qu’il n’y a jeté qu’un coup d’œil rapide, et pourrait confondre ces mots semblables. Par exemple, compte tenu de la prédominance des mots « Master TRANSMISSION » au-dessus des mots « & DRIVELINE » sur l’enseigne de la défenderesse sur l’avenue Memorial, un consommateur pourrait confondre « Master TRANSMISSION » et « Mister TRANSMISSION » et ne pas voir ou remarquer les mots « & Driveline », qui sont présentés en plus petits caractères que les mots « Master TRANSMISSION ».

[48]           Globalement, les noms « Mister Transmission » et « Master Transmission & Driveline » ne se ressemblent pas. Cependant, « Mister Transmission » et « Master Transmission » ont un son semblable, bien qu’ils ne soient certainement pas des homonymes ou semblables au point que l’un puisse être facilement prononcé comme l’autre. Cela dit, pour le consommateur moyen pressé, ils le seraient peut-être, puisque les premiers mots de chaque nom sont identiques à une lettre près et que le son de ces premiers mots est semblable.

[49]           Outre la présentation et le son des marques de commerce et des noms commerciaux, les idées qu’ils suggèrent ou le « concept » sous-jacent peuvent également être un facteur de différenciation. Par exemple, dans Ikea Ltd/Ikea Ltée v Idea Design Ltd, [1987] FCJ No 104, 3 ACWS (3d) 244 [Ikea], le juge Jean-Eudes Dubé a conclu que, bien que les marques IKEA et IDEA étaient semblables d’un point de vue phonétique, il n’y avait pas de risque de confusion parce que [traduction] « la lettre "k" dans "Ikea" ressort nettement et évoque grandement l’aspect scandinave de la marque, alors que la marque "IDEA" évoque principalement un concept ou une pensée » (page 478). Bien que M. Urquhart ait fait part de la raison pour laquelle le mot « master » a été choisi pour faire partie du nom commercial de la défenderesse, c’est-à-dire pour communiquer son expertise en tant que mécanicien spécialisé en boîtes de vitesse, un membre du public ne serait pas au courant de cette raison. À première vue, les mots « mister » et « master » sont tous deux des titres de civilité précédant un nom d’homme. Contrairement aux noms dans Ikea, les mots « mister » et « master » ne sont pas considérablement différents quant à l’idée ou au concept qu’ils évoquent.

[50]           Ce dernier facteur d’origine législative favorise la demanderesse. Le degré de ressemblance entre les marques de commerce de la demanderesse et les noms commerciaux de la défenderesse, plus particulièrement la façon dont ils sont utilisés sur leurs sites Web respectifs, est tel qu’il y a un risque de confusion chez les clients potentiels souhaitant obtenir des services en matière de boîtes de vitesse dans la région d’Orillia. Un consommateur plutôt pressé qui n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce de la demanderesse et qui est habituellement prudent, mais qui ne s’arrête pas pour examiner de près les ressemblances et les différences entre ces marques de commerce et les noms commerciaux de la défenderesse pourrait ne pas savoir avec exactitude quelle entreprise lui fournit les services en matière de boîtes de vitesse.

H.                Circonstances de l’espèce

[51]           Aux termes du paragraphe 6(5) de la Loi, « toutes les circonstances de l’espèce » doivent être prises en compte pour décider si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion. Les facteurs indiqués explicitement au paragraphe 6(5) ne sont pas une liste exhaustive des circonstances de l’espèce pertinentes ou déterminantes dans un cas particulier. Les circonstances de l’espèce peuvent comprendre la preuve d’une confusion réelle. Comme il est indiqué par la Cour d’appel dans la décision Christian Dior :

[19]      ... Bien que la question à laquelle il faut répondre soit celle de savoir s’il existe un « risque de confusion » et non une « confusion effective » ou « des cas concrets de confusion », l’absence de « confusion effective » est un facteur auquel les tribunaux accordent de l’importance lorsqu’ils se prononcent sur le « risque de confusion ». Une inférence négative peut être tirée lorsque la preuve démontre que l’utilisation simultanée des deux marques est significative et que l’opposant n’a soumis aucun élément de preuve tendant à démontrer l’existence d’une confusion. (Voir Pink Panther, précitée, au paragraphe 36, et Multiplicant Inc. c. Petit Bateau Valton S.A. (1994), 55 C.P.R. (3d) 372 (C.F. 1re inst.); Bally Schuhfabriken AG/Bally’s Shoe Factories Ltd. c. Big Blue Jeans Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.); Monsport Inc. c. Vêtements de Sport Bonnie (1978) Ltée (1988), 22 C.P.R. (3d) 356 (C.F. 1re inst.) [...]

[52]           Les circonstances de l’espèce peuvent également comprendre la prise en compte de l’existence d’autres marques de commerce ou noms commerciaux qui ont des caractéristiques des noms de commerce ou des noms commerciaux de l’une ou de l’autre des parties (voir, par exemple, Advance Magazine Publishers Inc. c. Farleyco Marketing Inc., 2009 CF 153, au paragraphe 104, 175 ACWS (3d) 215). Les éléments de preuve en l’espèce laissent entendre que les mots « mister » et « master » sont associés à l’industrie automobile et sont utilisés dans celle-ci en référence à des produits et à des services autres que les services en matière de boîtes de vitesse. Bien qu’il y ait un fournisseur de services en matière de boîtes de vitesse à Georgetown (Ontario) appelé « Auto-Master Transmission Automatic », ce nom commercial ne porte pas atteinte aux marques de commerce de la demanderesse de la même façon que celui de la défenderesse, puisque le mot « master » fait partie d’un mot composé alors que le nom commercial de la défenderesse ne fait précéder le mot « transmission » que du mot « master ».

[53]           Des noms semblables dans l’annuaire téléphonique peuvent également être un aspect des circonstances de l’espèce permettant d’évaluer le risque de confusion. La Cour a fait observer ce qui suit dans Mr. Submarine :

29        [traduction] ... À mon avis, il n’est pas improbable qu’une personne ayant une connaissance vague ou même précise du nom commercial MR. SUBMARINE puisse, en cherchant ce nom dans un annuaire téléphonique, que le nom y figure ou non […] et en trouvant MR. SUBS’N PIZZA, conclure à tort que ce nom commercial, bien que ce ne soit pas celui de l’appelant, est d’une certaine manière lié à MR. SUBMARINE dans le cadre d’un contrat de licence ou autrement. Il en irait de même dans un cas où les noms figureraient à proximité l’un de l’autre dans une liste d’inscriptions téléphoniques. [...] Il s’ensuit, à mon avis, que l’emploi des marques de commerce et des noms commerciaux de l’intimé constitue une contrefaçon de la marque de commerce de l’appelant.

[54]           En l’espèce, la liste des Pages Jaunes faisant partie du dossier conjoint du procès montre le nom « Master » immédiatement au-dessus de celui de « Mister »; il n’y a, par exemple, aucun nom intermédiaire.

[55]           La preuve d’une confusion réelle ou de l’absence d’une telle confusion sur une longue période est « un facteur de grand poids qui doit être pris en considération dans le cadre des circonstances de l’espèce » (Phillip Morris, au paragraphe 59). En l’espèce, la preuve d’une confusion présentée au procès montre une confusion minime chez des tiers au cours de la période de cinq ans environ qui s’est écoulée depuis que Master a lancé son entreprise. La demanderesse a été incapable de produire des éléments de preuve démontrant une confusion réelle où un acheteur de services en matière de boîtes de vitesse a confondu les services de Master avec ceux de Mister. Cependant, la demanderesse a présenté certains éléments de preuve démontrant une confusion parmi le personnel de services de messagerie, ce qui peut être considéré comme une preuve de confusion réelle (voir, par exemple, Precision Door & Gate Services Ltd. c. Precision Holdings of Brevard, Inc., 2012 CF 496, aux paragraphes 36 et 37). L’absence de confusion réelle chez les clients des services en matière de boîte de vitesses joue en la faveur de Master.

[56]           Néanmoins, dans les circonstances en l’espèce, une conclusion défavorable ne doit pas être tirée de l’absence de preuve de confusion réelle. Une telle preuve n’est pas nécessaire pour déterminer si une violation des noms de commerce de la demanderesse a eu lieu. La question pertinente est le « risque de confusion » et non la « confusion réelle ».

[57]           Le critère à satisfaire est le risque de confusion, pas la confusion réelle. Si, dans la région d’Orillia, des consommateurs occasionnels ordinaires de services en matière de boîtes de vitesse plutôt pressés sont susceptibles de se tromper par rapport à la source de ces services, le critère prévu par la loi est rempli. Mister et Master offrent toutes deux des services en matière de boîtes de vitesse et leurs noms ont un son semblable, particulièrement lorsque l’accent est mis sur le premier mot du nom. Malgré le caractère distinct limité des marques de commerce de Mister en raison d’un manque d’originalité, ses marques de commerce ont, au cours de nombreuses décennies, acquis un caractère hautement distinctif. Mister et Master exploitent toutes deux une entreprise offrant des services en matière de boîtes de vitesse aux consommateurs de la région d’Orillia, et la nature des commerces ainsi que leurs marchés se chevauchent. Bref, je suis d’avis qu’il y a un risque de confusion entre les marques de commerce de la demanderesse et les noms commerciaux de la défenderesse.

V.                Autres questions

[58]           La demanderesse sollicite une déclaration comme quoi la défenderesse a fait passer ses services pour ceux de la demanderesse. Cependant, une telle déclaration n’est pas justifiée dans les circonstances en l’espèce, puisque la demanderesse n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve démontrant une dépréciation de l’achalandage, la tromperie du public en raison d’une fausse représentation ou un préjudice réel ou potentiel subi par la demanderesse (voir Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Apotex Inc., [1992] 3 R.C.S. 120, page 132, 1992 CanLII 33 (CSC)). Bien que la demanderesse n’ait pas nécessairement besoin de prouver une telle fausse représentation, puisque la Cour a conclu qu’il y a un risque de confusion (voir David Cameron éd., Canadian Trade-Mark Law Benchbook, 2e éd., [Toronto : Carswell, 2014] à la page 201), elle doit tout de même démontrer que la défenderesse a déprécié l’achalandage lié aux marques de commerce de la demanderesse et qu’il y a un préjudice réel ou potentiel.

[59]           La demanderesse n’a pas présenté d’éléments de preuve démontrant la dépréciation de l’achalandage lié aux marques de commerce, et aucun élément de preuve présenté à la Cour ne démontre que Mister a perdu le contrôle de sa réputation, de son image ou de son achalandage. En outre, il n’y a pas d’élément de preuve démontrant une perte commerciale encourue par Mister (hormis l’incident où le conducteur de la dépanneuse a conduit M. Gilks à l’emplacement de Master), et aucun élément de preuve n’a été présenté à la Cour pour démontrer que la défenderesse a réellement utilisé les marques de commerce de la demanderesse (Nissan Canada Inc. c. BMW Canada Inc., 2007 CAF 255, aux paragraphes 33 à 37, 159 ACWS (3d) 275).

[60]           En ce qui concerne les autres demandes de déclarations et d’ordonnances contre la défenderesse sollicitées par la demanderesse, lesquelles sont énoncées au paragraphe 1 de sa déclaration ayant été modifiée à trois reprises, je suis d’avis que soit elles sont inutiles, soit elles ne sont pas étayées par les éléments de preuve présentés à la Cour. Plus particulièrement, la demande en dommages-intérêts punitifs et exemplaires de la demanderesse n’est pas justifiée puisqu’aucun élément de preuve présenté à la Cour ne démontre des actes ou une conduite de la part de la défenderesse qui justifierait de tels dommages-intérêts. Par conséquent, ces demandes sont rejetées.

VI.             Conclusion

[61]           Compte tenu des motifs qui précèdent, la Cour détermine et déclare ce qui suit :

(a)                La défenderesse a porté atteinte aux marques de commerce de la demanderesse en violation de l’alinéa 20(1)a) de la Loi

(b)               La défenderesse a appelé l’attention du public sur ses produits, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion, en violation de l’alinéa 7b) de la Loi.

(c)                La demanderesse a droit à une injonction intérimaire et permanente empêchant la défenderesse de :

i.                    porter davantage atteinte aux marques de commerce de la demanderesse;

ii.                  se servir des mots « Master Transmission » ou d’un dessin pouvant créer de la confusion avec les marques de commerce déposées de la demanderesse;

iii.                appeler l’attention du public sur l’entreprise de la défenderesse de manière à vraisemblablement causer de la confusion avec les marques de commerce de la demanderesse;

iv.                faire passer les services de la défenderesse comme étant ceux de la demanderesse;

v.                  déclarer de quelque manière que ce soit que la défenderesse est associée à la demanderesse ou est titulaire d’une licence d’une des marques de commerce de la demanderesse.

(d)               La demanderesse a également droit à une restitution des profits et aux dommages-intérêts qui pourront être décidés après avoir entendu les questions liées à la quantification énoncées et définies dans l’ordonnance datée du 18 octobre 2015, prévoyant la disjonction des phases de responsabilité et de dommages-intérêts de la présente poursuite.

[62]           De plus, la défenderesse est enjointe de modifier ou de faire modifier sans délai et à ses propres frais :

(a)                toutes ses publicités et sa signalisation visibles aux membres du public afin d’y enlever toute référence à Master Transmission;

(b)               tous les sites Web et tous les textes, codes, métabalises, titres, publicités et autres moyens faisant la promotion de Master Transmission sur Internet ou dirigeant les internautes au site Web de la défenderesse plutôt qu’au site Web de la demanderesse.

[63]           Étant donné les circonstances en l’espèce, il n’y a aucun motif d’adjuger les dépens sur la base avocat-client ou sur une base d’indemnisation substantielle. Les dépens de la demanderesse en lien avec la présente poursuite lui seront remboursés en fonction du montant convenu par les parties. Si les parties sont incapables de convenir du montant de ces dépens dans un délai de 15 jours suivant l’achèvement de la phase de quantification de la présente poursuite, l’une ou l’autre des parties sera libre de demander une taxation des dépens conformément aux Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, [les « Règles »].


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.               La poursuite contre les défendeurs individuels, Marc Picard et Michael Urquhart, est par les présentes rejetée conformément à l’ordonnance de la Cour datée du 3 mars 2016.

2.               La défenderesse sera et est par la présente interdite de :

a.                   porter davantage atteinte aux marques de commerce de la demanderesse;

b.                  se servir des mots « Master Transmission » dans une marque de commerce ou un nom commercial futurs adoptés par la défenderesse ou de se servir d’un logo pouvant créer de la confusion avec les marques de commerce déposées de la demanderesse;

c.                   appeler l’attention du public sur l’entreprise de la défenderesse de manière à vraisemblablement causer de la confusion avec les marques de commerce de la demanderesse;

d.                  faire passer les services de la défenderesse comme étant ceux de la demanderesse;

e.                   déclarer de quelque manière que ce soit que la défenderesse est associée à la demanderesse ou est titulaire d’une licence d’une des marques de commerce de la demanderesse.

3.               La défenderesse est enjointe, à ses propres frais, de modifier ou de faire modifier sans délai :

a.                   toutes ses publicités et sa signalisation visibles aux membres du public afin d’y enlever toute référence à Master Transmission;

b.                  tous les sites Web et tous les textes, codes, métabalises, titres, publicités et autres moyens faisant la promotion de Master Transmission sur Internet ou dirigeant les internautes au site Web de la défenderesse plutôt qu’au site Web de la demanderesse.

4.               La demanderesse a et aura également droit à une restitution des profits et aux dommages-intérêts qui pourront être décidés après avoir entendu les questions liées à la quantification énoncées et définies dans l’ordonnance de la Cour datée du 18 octobre 2015, prévoyant la disjonction des phases de responsabilité et de dommages-intérêts de la présente poursuite.

5.               Les dépens de la demanderesse en lien avec la présente poursuite lui seront remboursés en fonction du montant convenu par les parties. Si les parties sont incapables de convenir du montant de ces dépens dans un délai de 15 jours suivant l’achèvement de la phase de quantification de la présente poursuite, l’une ou l’autre des parties sera libre de demander une taxation des dépens conformément aux Règles.

« Keith M. Boswell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-64-11

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

RESPONSIVE BRANDS INC. c. 2248003 ONTARIO INC., MARC PICARD et MICHAEL URQUHART

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Du 19 au 21 octobre 2015

LE 3 NOVEMBRE 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BOSWELL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 30 mars 2016

 

COMPARUTIONS :

Michael Adams

Laughlin Campbell

 

Pour la demanderesse

 

Wesley Jackson

 

Pour les défendeurs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Riches, McKenzie & Herbert LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

Campbell Bader LLP

Avocats

Mississauga (Ontario)

Pour la demanderesse

 

Wesley Jackson Profession Corporation

Brampton (Ontario)

 

Pour les défendeurs

 

 

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