Date : 20160225
Dossier : IMM-715-16
Référence : 2016 CF 247
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 25 février 2016
En présence de monsieur le juge Annis
ENTRE : |
SYL MARKAJ |
demandeur |
et |
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE |
défendeur |
ORDONNANCE ET MOTIFS
[1] Le demandeur sollicite une ordonnance de sursis de son renvoi vers l’Albanie, qui doit avoir lieu le 27 février 2016, en attendant une décision de la Cour relativement à sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision d’un agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs [l’agent] en date du 18 février 2016 de rejeter sa demande de report du renvoi.
[2] Le demandeur, un citoyen de l’Albanie, est entré au Canada le 1er octobre 2012 et a présenté une demande d’asile fondée sur sa peur de retourner en Albanie, parce que, comme il est homosexuel, il allègue qu’il sera soumis à de mauvais traitements et que les autorités ne lui fourniront pas ou ne peuvent pas lui fournir la protection nécessaire.
[3] La demande d’asile du demandeur a finalement été refusée par la Section de la protection des réfugiés (SPR) le 16 mars 2015. La SPR a conclu que le demandeur, en tant qu’homosexuel, aurait accès à la protection de l’État en Albanie. La demande ultérieure d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de la SPR présentée par le demandeur a été rejetée par la Cour, le 27 juin 2015.
[4] Le demandeur a sollicité une demande de report de son renvoi de façon à lui permettre d’être admissible au dépôt d’une évaluation des risques avant renvoi [ERAR] dans un délai de trois semaines et parce qu’il a présenté une nouvelle preuve qui confirme son risque en tant qu’homosexuel s’il est renvoyé en Albanie.
[5] La nouvelle preuve présentée par le demandeur se compose d’un rapport médico-légal d’un expert retenu par le demandeur, qui lors de l’examen des documents sur les conditions dans le pays et sur la foi de sa propre expérience et de la connaissance des conditions en Albanie, a reconnu qu’il existe un risque réel pour les homosexuels en Albanie.
[6] Une requête en sursis est régie par le critère à trois volets énoncé dans l’arrêt Toth c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 NR 302, 6 Imm LR (2d) 123 (CAF) : [TRADUCTION] « qu’il existe une question sérieuse à trancher, que le demandeur subirait un préjudice irréparable s’il était renvoyé, que la prépondérance des inconvénients milite en faveur de l’octroi du sursis et que le demandeur doit satisfaire à chaque critère ».
[7] Une norme élevée pour la détermination d’un grave problème s’applique pour annuler une décision d’un agent de renvoi, selon laquelle le demandeur doit démontrer une probabilité d’avoir gain de cause dans le cadre de la demande sous-jacente d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de refuser un report de renvoi : Wang c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 148, [2001] 3 CF 682, au paragraphe 11. De plus, la discrétion de l’agent de reporter le renvoi d’une personne est limitée, sauf si le défaut de reporter exposera le demandeur à un danger de mort, des sanctions extrêmes ou un traitement inhumain ou lorsqu’il y a des considérations particulières fondées sur une menace pour la sécurité d’une personne. La norme de contrôle de la décision de l’agent d’exécution de la loi est celle du caractère raisonnable (Baron c Canada (ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, [2010] 2 RCF 311, au paragraphe 51).
[8] J’en conclus que la décision de l’agent de refuser de reporter le renvoi, sur la foi de l’admissibilité en attente du demandeur à une demande d’ERAR dans un délai de trois semaines, est raisonnable. En vertu de l’article 48 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés [LIPR], l’agent est tenu d’exécuter les ordonnances de renvoi dès que possible, ce qui comprend l’interdiction d’un an pour les personnes qui ont déjà présenté une demande d’ERAR comme le prévoit l’alinéa 112(2)b.1) de la Loi.
[9] De plus, il n’y a aucun fondement pour une demande en vertu de l’article 7 de la Charte, comme allégué par le demandeur à l’égard de la constitutionnalité de l’alinéa 112(2)b.1) de la LIPR, à la lumière de la récente décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Peter c Canada (ministre de la Sécurité publique et Protection civile), 2016 CAF 51 [Peter], qui a confirmé la décision de Peter c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 FC 1073. Les faits allégués dans cette affaire sont semblables de par leur nature et leur degré de risque à ceux que la Cour d’appel a jugés dans l’affaire Peter comme étant insuffisants pour fournir un fondement factuel à une demande présentée en vertu de l’article 7 de la Charte.
[10] La décision de l’agent de conclure qu’il n’a pas le pouvoir d’évaluer le bien-fondé d’une décision prise par la SPR, dans le cadre de l’avis d’expert présenté par le demandeur, est également raisonnable. En termes d’expertise, la SPR est considérée comme étant un expert en matière d’évaluation de la protection de l’État. Par conséquent, la Cour manifeste une retenue élevée à l’égard de ses décisions. En outre, le demandeur a présenté à la Cour une demande d’autorisation de révision judiciaire de la décision de la SPR, qui a été refusée, ce qui signifie que la décision est définitive et ne peut pas faire l’objet d’une contestation indirecte.
[11] Dans de telles circonstances, l’agent n’aurait pas dû admettre, ni prendre en considération un rapport produit par un expert médico-légal que le demandeur avait retenu pour fournir un avis selon lequel, en effet, la SPR a commis une erreur en concluant à une protection adéquate de l’État pour le demandeur en Albanie sur la foi des mêmes rapports sur les conditions dans le pays dont disposait la SPR et de la connaissance personnelle de l’expert des circonstances périlleuses pour les homosexuels en Albanie.
[12] Le témoignage d’opinion de l’expert aurait peut-être pu avoir lieu devant la SPR, bien que cela se fait toujours à la discrétion de la Commission de refuser d’admettre un témoignage d’opinion sur la question même qu’elle doit trancher en ce qui concerne le caractère adéquat de la protection du demandeur par l’État. En tout état de cause, la SPR ne serait pas liée par les avis concernant le caractère adéquat de la protection de l’État.
[13] Toutefois, au stade d’une demande de report de renvoi, l’opinion de l’expert ne constitue pas une nouvelle preuve qui n’aurait pas été présentée devant la SPR. De plus, l’agent n’a pas la compétence d’évaluer l’opinion de l’expert, ce qui est dans la nature d’une attaque indirecte contre une décision définitive de la SPR concernant la protection de l’État accordée au demandeur en Albanie.
[14] Par conséquent, le demandeur n’a pas établi l’existence d’un problème grave; par conséquent, la requête pour sursis d’exécution de son renvoi est rejetée.
LA COUR ORDONNE que la requête en sursis à l’exécution du renvoi soit rejetée.
« Peter Annis »
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
IMM-715-16
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INTITULÉ : |
SYL MARKAJ c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
Toronto (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE : |
Le 22 février 2016
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JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE ANNIS
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DATE DES MOTIFS : |
Le 25 février 2016
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COMPARUTIONS :
H. J. Yehuda Levinson |
Pour le demandeur
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Rafeena Rashid |
Pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Levinson and Associates Avocats-procureurs Toronto (Ontario)
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Pour le demandeur
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William F. Pentney Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario)
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Pour le défendeur
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