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Date : 20160405


Dossier : T-1359-14

Référence : 2016 CF 168

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 5 avril 2016

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

SUNCOR ENERGY INC.

demanderesse

et

L’OFFICE CANADA-TERRE-NEUVE DES HYDROCARBURES EXTRACÔTIERS ET LE COMMISSAIRE À L’INFORMATION DU CANADA

défendeurs

JUGEMENT PUBLIC ET MOTIFS

(Jugement et motifs confidentiels publiés le 9 février 2016)

I.                   INTRODUCTION

[1]               Suncor Energy Inc. (la « demanderesse ») sollicite un contrôle judiciaire, conformément à l’article 44 de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985) ch. A-1 (la « Loi sur l’accès »), d’une décision rendue par l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers (l’« Office ») en date du 15 mai 2014. Dans cette décision, l’Office a jugé que certains renseignements n’étaient pas protégés contre la divulgation en raison d’un privilège accordé aux termes du paragraphe 119(2) de la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada – Terre-Neuve-et-Labrador, L.C. 1987, ch. 3 (la « Loi sur l’Accord »), qu’il s’agissait de renseignements personnels relevant du domaine public et que ces renseignements n’étaient donc pas soustraits à la communication.

[2]               Par ordonnance datée du 10 juillet 2014, la protonotaire Tabib a accordé l’autorisation d’ajouter le commissaire à l’information du Canada (le « commissaire ») en tant que partie à la présente demande.

[3]               Par ordonnance datée du 11 août 2014, le protonotaire Morneau a émis une ordonnance de confidentialité à l’égard de tous les documents présentés dans le cadre de cette demande qui rendraient le contrôle judiciaire théorique s’ils étaient rendus publics, et tout autre document dont l’Office serait autorisé à refuser la communication, en cas de demande faite en vertu de la Loi sur l’accès.

[4]               La demanderesse a déposé un avis de requête en date du 4 août 2015 pour demander l’autorisation de déposer un affidavit supplémentaire de M. Glen Burke, qui est le directeur commercial et du développement des activités – Côte Est du Canada de la demanderesse. La demanderesse a également demandé l’autorisation de contre-interroger M. Trevor Bennett, gestionnaire des ressources d’information et coordonnateur de l’accès à l’information de l’Office.

[5]               À la suite d’une directive émise le 7 août 2015, la requête a été entendue le 13 août 2015 avant l’audition de la demande de contrôle judiciaire. Cette requête a été rejetée avec dépens à l’issue de la cause, au motif que les critères d’admissibilité et de pertinence visant l’admission de l’affidavit supplémentaire n’ont pas été respectés. De plus, aucune circonstance particulière ne justifiait le contre-interrogatoire de Trevor Bennett à un stade si tardif de la procédure.

II.                CONTEXTE

[6]               La demanderesse est une société énergétique canadienne, dont le siège est à Calgary, en Alberta. Elle se livre à des activités d’exploration et de forage de pétrole au large des côtes de Terre-Neuve-et-Labrador, entre autres.

[7]               L’Office est un organisme de droit public chargé de la surveillance du forage et de l’extraction du pétrole au large des côtes de Terre-Neuve-et-Labrador. Il réglemente les activités des exploitants de l’industrie du pétrole et du gaz, y compris celles de la demanderesse.

[8]               Le commissaire, en vertu de l’article 30 de la Loi sur l’accès à l’information, est autorisé à recevoir et à examiner les plaintes déposées en vertu de cette loi.

[9]               Par lettre datée du 7 février 2014, l’Office a demandé, aux termes de la Loi sur l’accès, la communication des renseignements suivants :

[traduction]

1.         Veuillez fournir les formulaires de demande envoyés, la correspondance, la réponse de l’Office, le montant des crédits de travail et autres documents et pièces jointes connexes pour chaque numéro de programme figurant dans la lettre de l’OCTNLHE du 13 mars 2012.

2.         Veuillez fournir tous les dossiers relatifs à des consultations, à des divulgations, à des emprunts ou à des copies faites de ces mêmes numéros de programme (joints), y compris, sans toutefois s’y limiter, les conventions de responsabilité, la correspondance, les transmissions, les formulaires d’aliénation sur papier, les courriels et les factures.

[10]           Par lettre datée du 31 mars 2014, l’Office a informé la demanderesse au sujet de la demande et lui a transmis les documents pertinents pour examen. Ces documents comprenaient une demande, datée du 24 mars 2009, faite par [CENSURÉ], un employé de la demanderesse, pour des renseignements concernant les procédures et les coûts liés à la commande de certains rapports géophysiques et géologiques. Les documents comprenaient également une liste des rapports demandés, des devis pour l’impression et la reliure de ces documents et une facture de l’Office pour la récupération et l’expédition des rapports. Les noms de [CENSURÉ], [CENSURÉ], [CENSURÉ] et [CENSURÉ], employés de la demanderesse, figurent dans les documents.

[11]           La demanderesse a répondu par lettre datée du 15 avril 2014 et a indiqué qu’elle était d’avis que les documents en question constituaient des renseignements fournis à l’Office conformément à la partie III de la Loi sur l’Accord et qu’ils étaient, par conséquent, protégés aux termes du paragraphe 119(2) de cette Loi, et que leur divulgation était interdite aux termes du paragraphe 24(1) de la Loi sur l’accès.

[12]           La demanderesse a également indiqué que si les documents ne sont pas exempts, certaines parties doivent être censurées parce qu’elles comportent des renseignements personnels, des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques, et des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d’entraver des négociations contractuelles ou autres aux termes du paragraphe 19(1) et des alinéas 20(1)b) et 20(1)d), respectivement, de la Loi sur l’accès.

[13]           L’Office a répondu à la demanderesse par l’entremise d’un courriel daté du 28 avril 2014 dans lequel il a déclaré que certains noms ne seraient pas censurés, y compris le nom de [CENSURÉ], au motif que son statut d’employée de Suncor est accessible au public sur son profil LinkedIn. L’Office a également indiqué que, sans preuve d’un préjudice précis résultant de la divulgation des noms et des numéros du programme, il n’y avait aucune raison de ne pas communiquer les renseignements demandés.

[14]           Enfin, l’Office a déclaré qu’on ne s’abstiendrait pas de divulguer les estimations des frais d’expédition puisque ce n’était que des estimations, faites en conformité avec les frais normaux affichés sur le site Web de l’Office. L’Office a également déclaré qu’il n’y avait aucune raison de s’abstenir de divulguer le nombre de rapports demandés ou les rapports et les prix présentés sur le site Web de l’Office.

[15]           La demanderesse a répondu à l’Office au moyen d’un courriel daté du 6 mai 2014. Elle a déclaré que, bien que l’affiliation de [CENSURÉ] avec Suncor était accessible au public, le fait qu’elle avait correspondu avec l’Office ne l’était pas.

[16]           L’Office a répondu à la demanderesse le même jour, l’informant que [CENSURÉ] n’était pas la personne-ressource principale en ce qui concerne la demande et qu’elle avait été incluse en copie pour la plupart des messages. Il a, en outre, indiqué qu’après consultation du conseiller juridique, il était convaincu qu’il n’y avait aucun motif valable de s’abstenir de divulguer son nom; cependant, les numéros de téléphone et les adresses électroniques seraient censurés.

[17]           Par lettre datée du 15 mai 2014, l’Office a informé la demanderesse que, lorsque les noms de ses employés pouvaient être confirmés sur Internet, ils ne seraient pas cachés du demandeur. Il a joint les documents qu’il avait l’intention de communiquer et a invoqué l’article 44 de la Loi sur l’accès à l’information, qui prévoit le contrôle judiciaire de sa décision. Il a conclu en faisant remarquer que si aucune demande de contrôle judiciaire n’était déposée, les documents seraient communiqués le 5 juin 2014.

[18]           La demanderesse a déposé la présente demande de contrôle judiciaire le 3 juin 2014. À l’appui de cette demande, elle a déposé l’affidavit de M. Glen Burke; cet affidavit a été assermenté le 2 septembre 2014.

[19]           En réponse, l’Office a déposé l’affidavit de M. Trevor Bennett; cet affidavit a été assermenté le 23 septembre 2014.

[20]           Aucun contre-interrogatoire n’a été mené sur les affidavits déposés.

III.             QUESTIONS EN LITIGE

[21]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

1)      Quelle est la norme de contrôle applicable?

2)      L’Office a-t-il commis une erreur en concluant que les documents devaient être divulgués?

IV.             DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[22]           Les dispositions suivantes de la Loi sur l’accès à l’information sont applicables en l’espèce :

19 (1) Sous réserve du paragraphe (2), le responsable d’une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant les renseignements personnels visés à l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

19 (1) Subject to subsection (2), the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Act that contains personal information as defined in section 3 of the Privacy Act.

(2) Le responsable d’une institution fédérale peut donner communication de documents contenant des renseignements personnels dans les cas où :

(2) The head of a government institution may disclose any record requested under this Act that contains personal information if

a) l’individu qu’ils concernent y consent;

(a) the individual to whom it relates consents to the disclosure;

b) le public y a accès;

(b) the information is publicly available; or

c) la communication est conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

(c) the disclosure is in accordance with section 8 of the Privacy Act.

20 (1) Le responsable d’une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant:

20 (1) Subject to this section, the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Act that contains

b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers;

(b) financial, commercial, scientific or technical information that is confidential information supplied to a government institution by a third party and is treated consistently in a confidential manner by the third party;

d) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d’entraver des négociations menées par un tiers en vue de contrats ou à d’autres fins.

(d) information the disclosure of which could reasonably be expected to interfere with contractual or other negotiations of a third party.

24. (1) Le responsable d’une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant des renseignements dont la communication est restreinte en vertu d’une disposition figurant à l’annexe II.

24. (1) The head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Act that contains information the disclosure of which is restricted by or pursuant to any provision set out in Schedule II.

[23]           L’article 22 et le paragraphe 119(2) de la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada – Terre-Neuve-et-Labrador sont pertinents et prévoient ce qui suit :

22. L’Office établit et gère un centre, dans la province, où sont conservés les données géologiques et géophysiques et les échantillons d’hydrocarbures extracôtiers.

22. The Board shall establish, maintain and operate a facility in the Province for the storage and curatorship of all geophysical records and geological and hydrocarbon samples relating to the offshore area.

(2) Sous réserve de l’article 18 et des autres dispositions du présent article, les renseignements fournis pour l’application de la présente partie, de la partie III ou de leurs règlements, sont, que leur fourniture soit obligatoire ou non, protégés et ne peuvent, sciemment, être communiqués sans le consentement écrit de la personne qui les a fournis, si ce n’est pour l’application de ces lois ou dans le cadre de procédures judiciaires relatives intentées à cet égard.

119. (2) Subject to section 18 and this section, information or documentation provided for the purposes of this Part or Part III or any regulation made under either Part, whether or not such information or documentation is required to be provided under either Part or any regulation made thereunder, is privileged and shall not knowingly be disclosed without the consent in writing of the person who provided it except for the purposes of the administration or enforcement of either Part or for the purposes of legal proceedings relating to such administration or enforcement.

V.                OBSERVATIONS

A.                Observations de la demanderesse

[24]           La demanderesse soutient que le paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord accorde un droit à la protection de l’information fournie à l’Office conformément à la partie II ou III de cette loi. Elle fait valoir que les documents en question comportent des renseignements, en particulier des rapports géologiques et géophysiques, dont elle a besoin pour mener ses opérations.

[25]           En outre, en vertu du paragraphe 119(3) de la Loi sur l’Accord, les renseignements qui sont demandés dans le cadre de procédures judiciaires ne doivent pas être divulgués à ces fins. Elle laisse entendre que l’information a été sollicitée en lien avec des litiges en cours dans lesquels la demanderesse est impliquée.

[26]           La demanderesse fait remarquer que, conformément à l’article 4 de la Loi sur l’Accord, cette loi a préséance sur toute autre loi fédérale, y compris la Loi sur l’accès.

[27]           La demanderesse souligne plusieurs erreurs que l’Office a commises dans sa décision selon laquelle les documents devraient être divulgués. Elle conteste la conclusion de l’Office selon laquelle les renseignements personnels sont accessibles au public et susceptibles de divulgation et indique que certains renseignements ne doivent pas être censurés conformément aux alinéas 20(1)b) et 20(1)d) de la Loi sur l’accès.

[28]           La demanderesse soutient que les documents demandés comportent des renseignements personnels, y compris les noms, les postes ou les coordonnées de plusieurs de ses employés actuels ou anciens. Elle soutient que ces renseignements ne sont pas exempts en vertu de l’alinéa 19(2)b) et doivent donc être censurés.

[29]           Même si les noms et les postes de [CENSURÉ], [CENSURÉ] et [CENSURÉ] sont accessibles sur LinkedIn, rien dans leurs profils publics ne mentionne la correspondance électronique incluse dans les documents. En outre, la demande ne requiert aucun renseignement sur une personne donnée.

[30]           Le fait que ces personnes aient des profils sur Internet ne signifie pas qu’elles ont renoncé à leur droit à la vie privée, en particulier lorsque l’information qui est accessible au public ne concerne pas des emplois ou des fonctions en particulier. Selon la demanderesse, si les noms étaient censurés, rien dans le document censuré ne limiterait la valeur de la divulgation au demandeur.

[31]           En outre, la demanderesse soutient qu’il y a des questions de sécurité personnelle qui se posent dans le cadre de la demande. Elle fait valoir que, lorsque des renseignements personnels sont en cause, le droit à la vie privée l’emporte sur le droit à l’accès, en invoquant la décision de l’arrêt Cie H.J. Heinz du Canada Ltée c. Canada (Procureur général), [2006] 1 R.C.S. 441, aux paragraphes 26 et 29. La demanderesse est engagée dans un litige continu sur l’information sismique qui peut être lié à la demande. Elle fait valoir que la divulgation des renseignements personnels des employés peut les exposer au harcèlement.

[32]           La demanderesse conteste ensuite la conclusion de l’Office selon laquelle certains renseignements ne doivent pas être censurés conformément à l’alinéa 20(1)b) de la Loi sur l’accès. Elle reconnaît que cette disposition de la Loi sur l’accès établit quatre conditions : premièrement, que les renseignements soient financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques; deuxièmement, qu’ils soient de nature confidentielle; troisièmement, qu’ils soient fournis à l’Office par un tiers; et, quatrièmement, qu’ils soient traités de façon confidentielle par ce tiers. Elle se réfère à la décision rendue dans Air Atonabee Ltd. c. Canada (Ministre des Transports) (1989), 27 F.T.R. 194.

[33]           En ce qui concerne la première condition, la demanderesse soutient que les documents comprennent des renseignements techniques, y compris les noms et les numéros de rapports géophysiques; les coûts liés à la commande de rapports; la procédure de commande de rapports; les numéros de programme des rapports demandés; un accord de divulgation de l’Office, y compris un calendrier des documents décrivant les rapports précis demandés par la demanderesse en 2009; la correspondance électronique interne et les estimations de coûts échangées entre l’Office et ses employés; et une correspondance électronique interne confirmant que la demanderesse avait l’intention de demander des rapports sismiques.

[34]           La demanderesse fait valoir que le deuxième critère est satisfait, c’est-à-dire que les renseignements demandés sont confidentiels parce qu’ils ne sont pas accessibles au public et qu’ils ont été communiqués dans l’espoir qu’ils ne seraient pas divulgués. Elle fait valoir que les renseignements doivent demeurer confidentiels afin de protéger l’intégrité de ses opérations et d’éviter leur divulgation à des concurrents.

[35]           Quant à la troisième condition, la demanderesse fait valoir que la question de savoir si les renseignements ont été fournis à l’Office par un tiers est une question de fait, en invoquant la décision Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), [2012] 1 R.C.S. 23. En l’espèce, la demanderesse, un tiers, a fourni les renseignements à l’Office.

[36]           Enfin, elle a traité la correspondance comme étant confidentielle. Elle fait remarquer que tous ses employés incluent un avis de confidentialité dans leur correspondance par courriel; par conséquent, les documents sont soustraits à la divulgation.

[37]           La troisième question soulevée par la demanderesse est que l’Office a commis une erreur en concluant que certains renseignements ne doivent pas être censurés, conformément à l’alinéa 20(1)d) de la Loi sur l’accès. En l’espèce, elle fait valoir qu’il est nécessaire de démontrer qu’il y a une interférence avec les négociations contractuelles, pas seulement un renforcement de la concurrence, en invoquant la décision rendue dans Oceans Ltd. c. Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers (2009), 356 F.T.R. 106. Elle fait valoir que les documents comportent des renseignements qui seraient avantageux pour ses concurrents et désavantageux pour elle, dans le cadre de négociations futures, y compris les éventuelles négociations de règlement relativement au litige sur l’information sismique en cours.

[38]           La demanderesse, en invoquant la décision rendue dans Timiskaming Indian Band c. Canada (Minister of Indian and Northern Affairs) (1997), 132 F.T.R. 106, dit qu’elle ne sait pas qui demande la divulgation. Elle fait valoir que si la divulgation est faite à une partie au litige sur l’information sismique, sa capacité d’intenter une poursuite et d’engager des négociations de règlement importantes serait gravement entravée.

B.                 Observations de l’Office

[39]           L’Office fait valoir que l’invocation par la demanderesse du paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord et du paragraphe 24(1) de la Loi sur l’accès l’oblige à prouver que l’information a été fournie à l’Office pour l’application des parties II ou III de la Loi sur l’Accord.

[40]           L’Office est chargé, aux termes de l’article 22 de la Loi sur l’Accord, de recueillir et d’enregistrer les renseignements relatifs aux zones extracôtières. Les rapports géologiques et géophysiques, que la demanderesse a demandés en 2009, ont été recueillis en vertu de la partie I de la Loi sur l’Accord. À ce titre, les documents en cause dans la présente instance ne sont pas protégés en vertu du paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord.

[41]           En outre, le paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord ne protège que les renseignements ou les documents fournis à l’Office. Bien que certaines pièces de correspondance proviennent de la demanderesse, ce n’est pas le cas des renseignements qui figurent dans les documents. Les rapports sont accessibles sur le site Web de l’Office. Le devis d’un tiers pour les frais de reproduction ne constitue pas une information fournie par la demanderesse.

[42]           L’Office reconnaît que les documents demandés comportent des renseignements personnels. Elle a offert de censurer toutes les coordonnées des employés mentionnés, ainsi que les noms des employés dont le lien avec la demanderesse n’est pas connu du public.

[43]           L’Office estime, en outre, qu’il a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire de divulguer les noms de ces employés dont l’affiliation avec la demanderesse était accessible au public.

[44]           En réponse à l’argument de la demanderesse selon lequel la divulgation des noms des employés, conformément à l’alinéa 19(2)b) de la Loi sur l’accès, peut éventuellement exposer les employés au harcèlement dans le cadre du litige en cours, l’Office avance deux arguments. Premièrement, il soutient qu’un litige sans rapport ne fait pas exception à la divulgation de l’information en vertu de la Loi sur l’accès. Deuxièmement, la déclaration de la demanderesse selon laquelle ses employés pourraient être la cible de harcèlement ne repose sur aucun fondement probatoire.

[45]           En réponse aux arguments de la demanderesse concernant l’alinéa 20(1)b) de la Loi sur l’accès, l’Office invoque les quatre éléments examinés dans la décision Air Atonabee, précitée. Il fait valoir que l’information doit avoir une valeur intrinsèque; une information administrative n’est pas considérée comme étant financière, commerciale, scientifique ou technique comme on l’a expliqué dans l’arrêt Merck Frosst, précité, paragraphes 139 à 141.

[46]           L’Office fait valoir que la preuve de la demanderesse, comme il est indiqué dans l’affidavit de Glen Burke, démontre que l’information technique présumée n’est qu’un résumé du contenu des courriels. L’affidavit ne démontre pas que les documents sont conformes au sens ordinaire du mot « technique ».

[47]           L’Office estime, en outre, que les documents ne répondent pas aux critères quant au fait que les renseignements doivent être objectivement confidentiels, comme il en a été question dans l’arrêt Air Atonabee, précité.

[48]           En ce qui concerne le troisième critère, à savoir que les renseignements doivent être fournis à l’Office par un tiers, l’Office fait valoir que ni les rapports demandés, ni les devis pour la récupération et la reproduction n’ont été fournis par la demanderesse. Par conséquent, l’Office souligne que la demanderesse n’a pas respecté cette exigence.

[49]           Enfin, l’Office fait valoir que la demanderesse n’a fourni aucune preuve étayant que les renseignements demandés ont toujours été traités comme étant confidentiels, tel qu’il est indiqué dans la décision rendue dans Toronto Sun Wah Trading Inc. c. Canada (Procureur général) (2007), 62 C.P.R. (4th) 337, au paragraphe 25. Il fait valoir que la simple affirmation que l’information est exonérée conformément à l’alinéa 20(1)b) est insuffisante pour s’acquitter du fardeau de démontrer qu’une exemption existe, en invoquant la décision rendue dans Oceans Ltd., précitée.

[50]           En réponse aux observations de la demanderesse au sujet de l’alinéa 20(1)d) de la Loi sur l’accès, l’Office fait valoir que la demanderesse n’a pas réussi à établir un risque vraisemblable de préjudice probable. En invoquant la décision rendue dans Saint John Shipbuilding Ltd. c. Canada (Ministre des Approvisionnements et Services) (1990), 67 D.L.R. (4th) 315, aux paragraphes 5 et 22, l’Office estime que la spéculation sur le préjudice est insuffisante pour justifier une exemption en vertu de l’alinéa 20(1)d). Il fait remarquer qu’il n’y a aucune preuve indiquant que la communication des documents entraînerait probablement des interférences avec une négociation particulière.

C.                 Observations du commissaire

[51]           Le commissaire souscrit aux observations avancées par l’Office concernant le paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord. Il fait valoir que, contrairement à la position de la demanderesse, la Loi sur l’Accord n’a pas préséance sur la Loi sur l’accès. Au contraire, la Loi sur l’Accord n’a préséance que sur une loi fédérale qui s’applique à la zone extracôtière; voir l’alinéa 4(2)b) de la Loi sur l’Accord.

[52]           En ce qui concerne les renseignements personnels qui figurent dans les documents demandés, la seule information qui soit personnelle concerne les noms des employés de la demanderesse, leurs numéros de téléphone et le titre de leur poste. L’affiliation de [CENSURÉ], de [CENSURÉ] et de [CENSURÉ] avec la demanderesse est annoncée dans leurs profils LinkedIn. Contrairement aux faits de la décision Commissaire à l’information du Canada c. Canada (Ressources naturelles) (2014), 464 F.T.R. 308, les renseignements personnels en cause étaient publics lorsque la demande a été faite.

[53]           Étant donné qu’ils étaient publics, le commissaire fait valoir que l’Office a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire de les divulguer en vertu du paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès.

[54]           Le commissaire soutient que les principes de la Loi sur l’accès exigeaient que les renseignements, qui peuvent être divulgués, soient divulgués dans la mesure du possible; voir la décision rendue dans l’arrêt Ontario (Sûreté et Sécurité publique) c. Criminal Lawyers’ Association, [2010] 1 R.C.S. 815, aux paragraphes 66 et 67. Si la Cour constate que l’exercice du pouvoir discrétionnaire est déraisonnable, les noms, les titres de postes et les numéros de téléphone doivent être censurés, et le contenu des documents ainsi que le nom de domaine des adresses électroniques doivent être communiqués. Après la censure des renseignements personnels, les documents ne révéleront aucune information sur une personne identifiable; on ne peut donc pas s’abstenir de les divulguer aux termes du paragraphe 19(1).

[55]           Enfin, même si la demanderesse fait valoir que les renseignements personnels ne sont pas pertinents à la demande de renseignements, le commissaire affirme que les motifs de la demanderesse ou la pertinence des renseignements figurant dans le document ne doivent pas être pris en considération. Il invoque les décisions rendues dans Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada), [2003] 1 R.C.S. 66, aux paragraphes 32 et 33, et Toronto Sun Wah Trading Inc. c. Canada (Procureur général), précitée, au paragraphe 41.

[56]           En réponse aux observations de la demanderesse au sujet de l’alinéa 20(10)b) de la Loi sur l’accès, le commissaire fait valoir que la demanderesse n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que la divulgation révélerait des renseignements techniques. Il fait valoir que les arguments de la demanderesse sont des déclarations vagues et spéculatives qui ne sont pas fondées sur des éléments de preuve.

[57]           En outre, le commissaire soutient que l’inclusion d’un avis de confidentialité à la fin d’un courriel est insuffisante pour justifier la protection des renseignements, en invoquant la décision rendue dans la décision Canadian Broadcasting Corp. c. National Capital Commission (1998), 147 F.T.R. 264, aux paragraphes 30 et 31.

[58]           Le commissaire soutient que la demanderesse ne s’est pas acquittée de son fardeau de la preuve, selon la prépondérance des probabilités, pour démontrer que la divulgation nuirait aux négociations contractuelles. Par conséquent, la demanderesse n’a démontré aucune erreur susceptible de révision que l’Office aurait commise en décidant de ne pas censurer certains renseignements, conformément à l’alinéa 20(1)d) de la Loi sur l’accès.

[59]           Le commissaire fait valoir qu’il n’y a aucune preuve indiquant que les renseignements figurant dans les documents sont pertinents aux négociations de règlement. En outre, il fait valoir que la demanderesse n’a pas prouvé que la divulgation risquerait vraisemblablement d’interférer avec de telles négociations, en invoquant la décision rendue dans la décision Bande des Blood c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [2004] 2 R.C.F. 60, au paragraphe 56.

VI.             DISCUSSION ET PROCÉDURE

A.                Norme de contrôle

[60]           La première question à aborder concerne la norme de contrôle applicable. Le fait que l’information soit soustraite à la communication en vertu du paragraphe 19(1) de la Loi sur l’accès est susceptible de révision selon la norme de la décision correcte; voir la décision rendue dans l’arrêt Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada), précité, au paragraphe 19.

[61]           La dérogation à l’obligation de divulgation aux termes de l’article 20 de la Loi sur l’accès est également assujettie à la norme de la décision correcte; voir la décision rendue dans la décision Société canadienne des postes c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux) (2004), 247 F.T.R. 110, aux paragraphes 24 et 27.

[62]           Les décisions qui sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte n’ont pas droit à la retenue. La Cour effectue sa propre analyse et décide si elle est d’accord avec le décideur. Si la cour de révision est en désaccord avec les conclusions du décideur, elle doit substituer sa propre opinion et fournir la bonne réponse; voir la décision rendue dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 50.

[63]           L’exercice du pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès est susceptible de révision selon la norme du caractère raisonnable; voir la décision rendue dans l’arrêt Commissaire à l’information (Canada) c. Canada (Ministre des Ressources naturelles), précité.

[64]           Après le contrôle judiciaire, la norme du caractère raisonnable exige que les motifs invoqués soient justifiables, transparents, intelligibles et qu’ils se situent dans une série d’issues possibles acceptables; voir l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47.

B.                 Primauté de la Loi sur l’accès

[65]           La prochaine question à examiner est la pertinence de la Loi sur l’Accord à cette demande. Comme il est indiqué ci-dessus, la demanderesse affirme que cette loi a préséance sur la Loi sur l’accès et qu’elle a le droit de résister à la divulgation des renseignements demandés, sur la foi du privilège créé par le paragraphe 119(2).

[66]           L’argument de la demanderesse à propos de la primauté est nouveau, mais, à mon avis, mal fondé. Je suis d’accord avec les observations des défendeurs qu’en présentant cette proposition, la demanderesse interprète mal l’article 4 de la Loi sur l’Accord. Cet article prévoit ce qui suit :

4. Les dispositions de la présente loi et de ses textes d’application l’emportent sur les dispositions incompatibles de toute loi fédérale d’application extracôtière — sauf la Loi sur l’Accord sur les revendications territoriales des Inuit du Labrador — et de ses textes d’application.

4. In case of any inconsistency or conflict between

(a) this Act or any regulations made thereunder, and

(b) any other Act of Parliament that applies to the offshore area or any regulations made under that Act, except the Labrador Inuit Land Claims Agreement Act, this Act and the regulations made thereunder take precedence.

[67]           L’article 4 de la Loi sur l’Accord est assujetti à l’interprétation selon les règles ordinaires de l’interprétation législative. Selon la décision rendue dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, l’approche moderne de l’interprétation législative consiste à discerner l’intention du législateur en lisant la formulation des dispositions en cause selon une analyse textuelle, contextuelle et téléologique pour trouver un sens qui soit en harmonie avec la Loi dans son ensemble.

[68]           En appliquant ces principes, l’article 4 de la Loi sur l’Accord doit être lu dans le sens que cette loi n’a préséance que sur les autres lois applicables aux zones extracôtières de la province de Terre-Neuve-et-Labrador et la réglementation de ces zones extracôtières, appartenant à la province de Terre-Neuve et-Labrador.

C.                 Paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord

[69]           La demanderesse a-t-elle droit au privilège du paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord? Cette disposition crée un privilège contre la divulgation de l’information, dans certaines circonstances, en particulier quand une personne cherche la divulgation de l’information qui a été fournie à l’Office pour l’application des parties II et III de la Loi sur l’Accord.

[70]           Selon la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dagg c. Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 R.C.S. 403, au paragraphe 51, l’accès à l’information constitue la règle générale en vertu de la Loi sur l’accès. Cette présomption en faveur de la divulgation est, cependant, assujettie à certaines exceptions nécessaires; voir le paragraphe 2(1) de la Loi sur l’accès.

[71]           L’interdiction de la divulgation prévue au paragraphe 24(1) de la Loi sur l’accès représente une telle exception. Cette disposition interdit la divulgation d’une information qui est « restreinte en vertu d’une disposition figurant à l’annexe II ».

[72]           L’annexe II de la Loi sur l’accès comprend l’article 119 de la Loi sur l’Accord.

[73]           Le privilège créé par le paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord est limité. Cette disposition exige une détermination factuelle : premièrement, les renseignements ou les documents ont-ils été fournis pour l’application des parties II ou III de la Loi? Deuxièmement, la divulgation de cette information était-elle requise aux fins de l’administration et de l’application de ces parties?

[74]           Selon la décision rendue dans Toronto sun wah trading inc. c. Canada (Procureur général), précitée, au paragraphe 9, il incombe à une partie qui souhaite bénéficier d’une dérogation à l’obligation de divulgation de prouver son droit à une telle dérogation.

[75]           La demanderesse invoque le privilège, en vertu du paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord, en ce qui concerne les rapports géologiques et géophysiques que l’Office juge recevables par rapport à la demande.

[76]           On ne sait pas dans quelle mesure les rapports étaient fondés sur l’information fournie par la demanderesse en vertu de la Loi sur l’Accord. En outre, l’article 22 de la Loi sur l’Accord impose à l’Office de tenir des registres et des échantillons géophysiques; il n’oblige pas la demanderesse à fournir cette information.

[77]           Les documents se rapportent à la demande de renseignements de 2009 que la demanderesse a présentée à l’Office. Selon l’affidavit de Trevor Bennett qui a été déposé dans le cadre de la présente demande, cette demande n’a pas été faite conformément aux parties II ou III de la Loi sur l’Accord.

[78]           À la lumière de l’interprétation du paragraphe 119(2), selon les principes applicables d’interprétation des lois, il en résulte que la demanderesse n’a pas démontré qu’elle satisfait aux critères législatifs pour bénéficier du privilège prévu au paragraphe 119(2). Elle n’a pas le droit de revendiquer le privilège de non-divulgation de l’information demandée.

D.                Article 19 de la Loi sur l’accès

[79]           Ensuite, l’Office a exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire, en vertu du paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès. Les parties reconnaissent à juste titre que les noms, les coordonnées et les titres de postes des employés de la demanderesse, en cause dans la présente procédure, constituent des renseignements personnels au sens de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985) ch. P-21 (la « Loi sur la protection des renseignements personnels »). Selon la décision rendue dans l’arrêt Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada), précité, la définition de « renseignements personnels » doit être interprétée au sens large.

[80]           L’Office a censuré la plupart des coordonnées des employés de la demanderesse, à savoir [CENSURÉ], [CENSURÉ] et [CENSURÉ], ainsi que le nom de [CENSURÉ]. Cependant, dans les documents que l’Office propose de divulguer, il n’a pas censuré le nom de [CENSURÉ] de la correspondance par courriel en date du 27 mars 2009, du 3 avril 2009, du 6 avril 2009 et du 7 avril 2009, le numéro de téléphone de [CENSURÉ] d’un courriel daté du 24 mars 2009 et le numéro de télécopieur d’un employé de la demanderesse d’un courrier électronique daté du 20 mars 2009.

[81]           À mon avis, compte tenu de la définition de « renseignements personnels » et de la protection conférée en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, cette nouvelle information aurait dû être censurée, et la décision de l’Office de ne pas le faire constituait un exercice déraisonnable de son pouvoir discrétionnaire.

[82]           Sous réserve de mes commentaires dans le paragraphe précédent, l’Office a, à mon avis, raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne la divulgation de l’autre information, conformément à l’alinéa 19(2)b). La demanderesse n’a démontré aucune erreur susceptible de révision dans la manière dont ce pouvoir discrétionnaire a été exercé.

[83]           La question par rapport à l’alinéa 19(2)b) est de savoir si l’Office a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire en déterminant que les renseignements personnels des employés de la demanderesse pouvaient être divulgués puisqu’ils relevaient du domaine public. Dans sa décision, l’Office a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Dans les cas où les employés de Suncor Energy et leur association avec celle-ci peuvent être confirmés sur Internet, ces noms et cette association avec Suncor Energy ne seront pas cachés dans la réponse au demandeur.

[84]            L’utilisation par l’Office des mots [traduction] « sur Internet » fait, à mon avis, référence aux profils de [CENSURÉ], de [CENSURÉ] et de [CENSURÉ] sur LinkedIn.

[85]           LinkedIn est un réseau social ciblant les professionnels et qui permet aux gens de communiquer sur Internet. À mon avis, l’information qui est affichée sur LinkedIn relève clairement du domaine public. Il en résulte que la décision de l’Office à propos de la divulgation de cette information était raisonnable.

E.                 Article 20 de la Loi sur l’accès

[86]           La question qui reste concerne la manière dont l’Office a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu des alinéas 20(1)b) et 20(1)d).

[87]           En ce qui concerne l’alinéa 20(1)b), il incombe à la demanderesse de démontrer que l’information en question répond aux quatre critères énoncés dans cette disposition. Cette exigence a été énoncée par la Cour dans l’arrêt Air Atonabee, précité. L’acquittement de ce fardeau exige des preuves.

[88]           La preuve présentée au nom de la demanderesse figure dans l’affidavit, assermenté le 2 septembre 2014, de M. Glen Burke. Aux paragraphes 25 à 30, inclusivement, de son affidavit, il déclare qu’il a été avisé et qu’il estime que les documents que l’Office propose de divulguer entrent dans le champ d’application de l’alinéa 20(1)b) de la Loi sur l’accès. Au paragraphe 25, il mentionne les documents suivants :

a)    [CENSURÉ]

b)    [CENSURÉ]

c)    [CENSURÉ]

d)    [CENSURÉ]

e)    [CENSURÉ]

f)    [CENSURÉ]

g)    [CENSURÉ]

h)    [CENSURÉ]

i)     [CENSURÉ]

[89]           À la suite de mon examen de l’affidavit de M. Burke, je ne suis pas convaincue qu’il a fourni un fondement probatoire suffisant pour contester la conclusion de l’Office selon laquelle les documents demandés ne doivent pas être exemptés en vertu de l’alinéa 20(1)b). Bien que la demanderesse affirme seulement que les documents comportent des renseignements « techniques », M. Burke ne dit pas comment ces documents tombent dans le sens ordinaire du mot « technique ».

[90]           La demanderesse formule des observations sur la nature « technique » des renseignements demandés, mais il n’y a aucune preuve évidente et manifeste à l’appui de ces observations.

[91]           La demanderesse est-elle un tiers? Sur la foi de la preuve, je suis convaincue que la demanderesse est un « tiers » au sens de l’alinéa 20(1)b).

[92]           Sur la foi de la preuve présentée, je ne suis pas convaincue que l’information est confidentielle ou qu’elle a été constamment traitée de façon confidentielle par la demanderesse.

[93]           Compte tenu de la preuve présentée par la demanderesse et des arguments présentés par les défendeurs, je ne suis pas convaincue que la demanderesse a démontré un exercice déraisonnable du pouvoir discrétionnaire par l’Office, qui a refusé d’exempter les documents demandés en vertu de l’alinéa 20(1)b).

[94]           La question qui reste consiste à savoir si l’Office a commis une erreur en concluant que certains renseignements ne doivent pas être censurés, conformément à l’alinéa 20(1)d) de la Loi sur l’accès.

[95]           Une exemption est possible en vertu de cette disposition lorsque le demandeur peut démontrer que la divulgation de l’information risquerait vraisemblablement d’interférer avec les négociations contractuelles ou d’autres négociations d’un tiers.

[96]           J’ai déterminé et accepté le fait que la demanderesse est un tiers, aux fins de la Loi sur l’accès. Toutefois, en ce qui concerne l’alinéa 20(1)d), je ne suis pas convaincue non plus que la demanderesse a démontré un fondement probatoire adéquat et suffisant pour l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’Office en sa faveur.

[97]           Tel qu’il est susmentionné, la demanderesse a fait valoir qu’elle ne connaissait pas l’identité de la partie demanderesse et a laissé entendre que le demandeur pourrait être impliqué dans un litige avec la demanderesse et que la divulgation des renseignements demandés pourrait interférer avec les négociations de règlement.

[98]           Il n’y a rien dans la preuve présentée par la demanderesse qui appuie cette affirmation. Il n’y a rien dans la preuve présentée par la demanderesse qui démontre que les renseignements demandés, s’ils sont divulgués, pourraient « raisonnablement » interférer avec des négociations contractuelles ou autres.

[99]           Dans ces circonstances, compte tenu de la preuve présentée par la demanderesse, je suis convaincue que l’Office a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire en n’accordant pas à la demanderesse une exemption en vertu de l’alinéa 20(1)d).

[100]       En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est accueillie en partie. L’Office doit censurer les autres renseignements personnels susmentionnés, concernant les employés nommés de la demanderesse.

[101]       La demanderesse a partiellement eu gain de cause. Les parties sont libres de régler la question des dépens. Si elles ne parviennent pas à se mettre d’accord, de brèves observations sur les dépens peuvent être déposées dans un délai de dix (10) jours.

[102]       Les parties disposent de quatorze (14) jours pour faire part à la Cour des passages qui devront être censurés, le cas échéant, avant la publication des motifs publics.


JUGEMENT

LA COUR accueille la présente demande de contrôle judiciaire en partie. L’Office doit censurer les autres renseignements personnels susmentionnés, concernant les employés nommés de la demanderesse. Les parties sont libres de régler la question des dépens. Si elles ne parviennent pas à se mettre d’accord, de brèves observations sur les dépens peuvent être déposées dans un délai de dix (10) jours. Les parties disposent de quatorze (14) jours pour faire part à la Cour des passages qui devront être censurés, le cas échéant, avant la publication des motifs publics.

« E. Heneghan »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1359-14

INTITULÉ :

SUNCOR ENERGY INC. c. L’OFFICE CANADA-TERRE-NEUVE DES HYDROCARBURES EXTRACÔTIERS ET LE COMMISSAIRE À L’INFORMATION DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 août 2015

JUGEMENT PUBLIC ET MOTIFS :

LA JUGE HENEGHAN

DATE :

LE 5 AVRIL 2016

COMPARUTIONS :

James Thistle, Q.C.

Jane Crosbie

Pour la demanderesse

SUNCOR ENERGY INC.

Amy Crosbie

Pour le défendeur (OFFICE CANADA-TERRE-NEUVE DES HYDROCARBURES EXTRACÔTIERS)

Carolina Mingarelli

Pour le défendeur

(COMMISSAIRE À L’INFORMATION DU CANADA)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McInnes Cooper

St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador)

Pour la demanderesse

SUNCOR ENERGY INC.

Curtis Dawe

St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador)

Pour le défendeur (OFFICE CANADA-TERRE-NEUVE DES HYDROCARBURES EXTRACÔTIERS)

Commissariat à l’information du Canada

Pour le défendeur

(COMMISSAIRE À L’INFORMATION DU CANADA)

 

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