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Date : 20160330


Dossier : IMM-4282-15

Référence : 2016 CF 359

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 30 mars 2016

En présence de monsieur le juge Gleeson

ENTRE :

ANEMA NTIA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (L.C., 2001, ch. 27) de la décision d’un agent d’immigration supérieur de Citoyenneté et Immigration Canada de rejeter la demande d’évaluation des risques avant le renvoi de la demanderesse après avoir jugé qu’elle ne serait exposée ni à une possibilité sérieuse de persécution à son retour au Nigéria, en vertu de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, ni à un risque de torture, à une menace pour sa vie ou à un risque de peines et de traitements cruels et inusités, en vertu de l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

[2]               La demanderesse est une citoyenne du Nigéria qui est arrivée au Canada en 2005 munie d’un visa d’étudiant et qui a reçu, après ses études, l’autorisation d’exercer une activité professionnelle dans son domaine jusqu’en décembre 2008.

[3]               La demanderesse a demandé l’asile en juin 2009, affirmant craindre d’être persécutée par le gouvernement nigérian et les sociétés pétrolières en raison de ses activités politiques et de celles de son père, en opposition à l’exploration pétrolière au Nigéria, surtout dans le delta du Niger.

[4]               En juillet 2011, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a rejeté la demande d’asile de la demanderesse, jugeant qu’elle n’était pas une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger en vertu des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, respectivement.

[5]               La Section de la protection des réfugiés a conclu que les éléments de base de la demande d’asile manquaient de crédibilité et qu’il n’y avait pas de risque raisonnable ni de possibilité sérieuse que la demanderesse soit persécutée par le gouvernement nigérian et les sociétés pétrolières dans sa région en raison de ses opinions politiques, réelles ou perçues, ou de son appartenance à un groupe social particulier si elle retournait au Nigéria. Elle a fourni les raisons détaillées qui l’ont amenée à conclure que la preuve de la demanderesse manquait de crédibilité quant aux risques auxquels elle s’exposerait et à l’existence d’un lien avec un motif de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés. Les conclusions concernant la crédibilité ont amené la Section de la protection des réfugiés à conclure que la demanderesse n’avait pas fourni un lien personnalisé entre sa situation et la preuve documentaire objective se rapportant à la dégradation environnementale du delta du Niger par les sociétés pétrolières et à la réponse du gouvernement à l’égard des personnes qui mènent des activités politiques dans cette région.

[6]               Cette Cour a rejeté la demande d’autorisation de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés en octobre 2011.

[7]               Dans ses observations orales, l’avocat de la défenderesse a reconnu qu’en présentant une demande d’évaluation des risques avant le renvoi, sa cliente, qui se représentait elle­même à ce moment­là, n’avait pas présenté de nouvelle preuve à l’agent qui contredisait les conclusions de la Section de la protection des réfugiés concernant la crédibilité. En outre, la preuve personnalisée des activités politiques présumées de la demanderesse avant l’évaluation des risques avant le renvoi était la même que celle dont la Section de la protection des réfugiés disposait. Toutefois, la demanderesse s’appuie sur la partie suivante de la décision de l’agent pour soutenir que celui­ci avait tiré une conclusion favorable concernant la crédibilité (dossier certifié du tribunal, pages 7 et 8) :

[traduction]
La demanderesse affirme qu’elle a témoigné dans le cadre d’une procédure judiciaire au Canada qui concernait une poursuite contre une agence de voyage; elle fournit l’assignation à témoigner et la décision de la cour. Elle maintient qu’elle présente ces documents pour démontrer qu’elle a été considérée comme un témoin crédible, contrairement aux conclusions de la Section de la protection des réfugiés relativement à sa demande d’asile. J’accorde à ces documents une faible valeur probante et peu d’importance, car la crédibilité de la demanderesse n’est pas un facteur dans mon analyse. [Non souligné dans l’original.] Je souligne aussi que la demande d’évaluation des risques avant le renvoi ne constitue pas un examen ni un appel des conclusions de la Section de la protection des réfugiés. De plus, l’objectif d’une demande d’évaluation des risques avant le renvoi n’est pas de réexaminer la demande d’asile rejetée de la demanderesse ni de faire appel de la décision défavorable de la Section de la protection des réfugiés. Cette demande vise plutôt à réaliser une évaluation en fonction de nouveaux faits ou éléments de preuve qui démontrent que la demanderesse sera exposée à un risque de persécution ou de torture, à une menace pour sa vie ou à un risque de peines et de traitements cruels et inusités dans son pays d’origine.

[8]               La demanderesse fait valoir qu’en raison de la conclusion favorable concernant la crédibilité, l’agent devait examiner le motif d’opinion politique ou d’appartenance à un groupe social particulier en fonction des faits présentés dans la demande d’évaluation des risques avant le renvoi que la Section de la protection des réfugiés a pris en compte pour rendre sa décision. La demanderesse soutient que le défaut de la part de l’agent de faire cela rend la décision déraisonnable. Avec tout le respect que je dois à la demanderesse, je ne suis pas d’accord.

[9]               Les questions soulevées se rapportent à des conclusions de fait et à une combinaison de faits et de lois, notamment l’évaluation de la preuve documentaire dont l’agent disposait. La norme de contrôle applicable est le caractère raisonnable (Dunsmuir c. Nouveau­Brunswick, [2008] 1 RCS 190, paragraphe 51 [Dunsmuir]).

[10]           Il est bien établi dans la jurisprudence qu’une demande d’évaluation des risques avant le renvoi présentée par une personne dont la demande d’asile a été rejetée ne constitue pas un appel ni un réexamen de la décision de la Section de la protection des réfugiés de rejeter la demande d’asile (Raza c. Canada [Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration], 2007 CAF 385, paragraphes 12 et 13, 370 NR 344 [Raza]). Cette demande vise plutôt à permettre à une personne dont la demande d’asile a été rejetée de démontrer qu’en raison de changements dans la situation de son pays d’origine ou de circonstances personnelles depuis la décision de la Section de la protection des réfugiés, elle est maintenant exposée à des risques. Si une personne qui présente une demande d’évaluation des risques avant le renvoi ne répond pas à ces critères, la demande sera rejetée (Torvar c. Canada [Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration], 2015 CF 490, paragraphe 16 [Torvar]).

[11]           De toute évidence, l’agent comprenait l’objectif et la portée de la demande d’évaluation des risques avant le renvoi, et il a évalué la demande en se fondant sur ces critères. Je ne suis pas d’accord avec l’affirmation de la demanderesse selon laquelle la reconnaissance par l’agent que la crédibilité n’est pas un facteur dans son analyse constitue une conclusion favorable concernant la crédibilité de la demanderesse qui doit être prise en compte par la Section de la protection des réfugiés, nonobstant le fait que cette dernière a jugé que la demanderesse n’était pas crédible. À mon avis, la déclaration de l’agent qui est citée ci­dessus fait simplement référence au fait que les éléments de preuve présentés dans la demande d’évaluation des risques avant le renvoi ne soulèvent pas de question relative aux conclusions antérieures de la Section de la protection des réfugiés concernant la crédibilité. En l’espèce, l’agent avait non seulement le droit de s’appuyer sur les conclusions défavorables antérieures de la Section de la protection des réfugiés concernant la crédibilité, mais était en fait lié par celles­ci, sauf dans la mesure où la demanderesse aurait présenté de nouveaux éléments de preuve, au sens de l’alinéa 113a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, qui contredisent les conclusions défavorables concernant la crédibilité (Raza, paragraphes 12 et 13; Torvar, paragraphe 17; Cupid c. Canada [Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration], 2007 CF 176, paragraphe 4, 155 ACWS [3d] 396).

[12]           Comme la demanderesse n’a pas présenté de nouveaux éléments de preuve, au sens de l’alinéa 113a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, qui démontrent un changement dans sa situation personnelle ou qui ont une incidence sur les conclusions de la Section de la protection des réfugiés concernant la crédibilité, l’agent n’était pas tenu de fournir des raisons détaillées pour l’évaluation du lien présumé entre les activités politiques présumées de la demanderesse et l’appartenance à un groupe social particulier. La Section de la protection des réfugiés a déjà conclu que les éléments de base de la demande d’asile n’étaient pas crédibles, et cette conclusion s’applique toujours.

[13]           L’agent a examiné les éléments de preuve de la demanderesse qui portaient sur les problèmes de corruption et de violation des droits de la personne au Nigéria. Il revenait raisonnablement à l’agent d’évaluation des risques avant le renvoi de conclure qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve démontrant que la demanderesse serait exposée à un risque personnalisé à son retour au Nigéria du fait que celle­ci n’avait pas présenté de nouveaux éléments de preuve pouvant démontrer l’existence d’un risque personnalisé.

[14]           En examinant les affirmations de la demanderesse selon lesquelles le groupe Boko Haram mène ses activités dans les régions du nord du Nigéria et elle ne serait pas en sécurité dans n’importe quelle région du pays, y compris à Lagos, l’agent reconnaît que les actes de violence attribuables au groupe Boko Haram constituent un problème d’actualité au Nigéria. Cependant, il conclut que la violence est concentrée dans les régions du nord et du centre du pays, que la région du sud, plus particulièrement Lagos, fournit à la demanderesse une possibilité de refuge intérieur viable, et que la demanderesse n’a pas démontré que cette possibilité de refuge intérieur n’était pas raisonnable. À mon avis, cette conclusion fait partie de la gamme des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, paragraphe 47).

[15]           Les parties n’ont pas relevé de questions aux fins de certification.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

« Patrick Gleeson »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

IMM-4282-15

 

INTITULÉ :

ANEMA NTIA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 MARS 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GLEESON

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 30 MARS 2016

 

COMPARUTIONS :

Joana Mennie

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

John Locar

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bellissimo Law Group

Avocats­procureurs

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous­procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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