Date : 20160422
Dossiers : IMM-4831-15
IMM-5145-15
Référence : 2016 CF 365
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 22 avril 2016
En présence de monsieur le juge Gleeson
ENTRE : |
TAMAZI GECHUASHVILI |
demandeur |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS :
I. Nature de la question
[1] Ce sont des demandes de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 [LIPR] de deux décisions distinctes, mais reliées qui touchent le demandeur. La première [IMM483115] est une décision d’un commissaire de la Section de l’immigration [SI] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada qui a établi que le ministre s’est acquitté du fardeau de prouver que le demandeur est interdit de territoire au Canada en vertu de l’alinéa 37(1)b) de la LIPR, car il y a des motifs raisonnables de croire que le demandeur s’est livré à une activité relevant de la criminalité organisée dans le contexte de la criminalité internationale, à savoir le passage de clandestins.
[2] La deuxième est une décision d’un agent d’immigration supérieur de Citoyenneté et Immigration Canada [CIC] refusant la demande de résidence permanente du demandeur au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada après avoir constaté que le demandeur est interdit de territoire en vertu de l’alinéa 37(1)b) de la LIPR, en invoquant la décision de la SI précitée pour appuyer la décision.
[3] Les parties conviennent que la constatation d’une erreur susceptible de révision exigeant un réexamen de la décision de la SI dans le dossier IMM483115 déboucherait forcément sur une conclusion selon laquelle la décision de CIC en cours d’examen dans le dossier IMM514515 doit également être renvoyée pour réexamen.
[4] J’en conclus que les demandes devraient être autorisées pour les motifs qui suivent.
II. Contexte
[5] Le demandeur est un citoyen de 64 ans de la Géorgie qui, le 1er février 2011, a fait une demande de résidence permanente au Canada au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada.
[6] En juin 2011, les agents de la GRC, assistés par la PPO, ont arrêté le demandeur près de la frontière américaine avec deux autres citoyens canadiens, Robert Cormeau et Michael Robertson, et deux ressortissants étrangers. Lors des entrevues, MM. Cormeau et Robertson ont déclaré séparément aux autorités qu’ils se livraient à une opération de passage clandestin, en faisant traverser la frontière des ÉtatsUnis au Canada à deux ressortissants étrangers. Ils ont également déclaré que le demandeur était le chef de l’opération et qu’il devait payer MM. Cormeau et Robertson pour leur rôle.
[7] En novembre 2013, l’Agence canadienne des services frontaliers [ASFC] a produit un rapport visé par le paragraphe 44(1) contre le demandeur exprimant l’opinion que celuici était interdit de territoire en vertu de l’alinéa 37(1)b) de la LIPR en raison de sa participation à une activité criminelle transnationale, après avoir planifié et organisé le passage clandestin de personnes à travers la frontière des ÉtatsUnis au Canada et y avoir participé. L’ASFC a déféré le demandeur aux fins d’enquête.
[8] L’enquête a eu lieu à deux dates distinctes devant la SI en juin 2015 et concernait à la fois le demandeur et Mirian Vashakidze. Ce dernier n’est pas un demandeur dans le cadre de cette demande de contrôle judiciaire.
[9] Dans ses observations écrites après l’audience, le demandeur a demandé à la SI conformément à la règle 38 des Règles de la Section de l’immigration, DORS/2002229, de reporter sa décision jusqu’à ce que la Cour suprême du Canada ait résolu les questions juridiques relatives à la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire JP c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2013 CAF 262, 368 DLR (4e) 524 [JP] et la décision de la Cour d’appel de la ColombieBritannique dans l’affaire R c. Appulonappa, 2014 BCCA 163, 373 DLR (4th) 1. Le ministre s’est opposé à cette demande.
[10] Le 30 septembre 2015, et avant que la Cour suprême du Canada ait résolu l’incertitude juridique entourant l’interprétation de l’alinéa 37(1)b) de la LIPR, la SI a rendu sa décision, en concluant que le ministre s’était acquitté du fardeau de prouver que le demandeur et Mirian Vashakidze étaient interdits de territoire au Canada et a émis une ordonnance d’expulsion à l’encontre de ces deux personnes. La SI n’a pas expressément abordé la demande présentée par le demandeur en vertu de la règle 38 dans les observations après l’audience.
[11] Elle a jugé au paragraphe 30 de sa décision : [traduction] qu’ « il est raisonnable de définir l’interdiction de territoire pour “entrée illégale de personnes” en vertu de l’alinéa 37(1)b) en se fondant sur l’article 117(1) de la LIPR (M.P.S.E.P. c. J.P. et G.J., 2013 CAF 262) ». Elle a de nouveau cité l’arrêt JP lors de la définition des éléments requis pour satisfaire aux dispositions applicables de la LIPR. Enfin, la SI a invoqué la décision du juge en chef McLachlin dans Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 RCS 100, paragraphe 116, en ce qui concerne la proposition selon laquelle la norme de preuve pour les questions de fait est celle des motifs raisonnables de penser.
[12] Le 27 novembre 2015, la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt B010 c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 58, aux paragraphes 5, 76 et 77, 390 DLR (4th) 385 [B010], a annulé la décision que la Cour d’appel fédérale avait rendue dans l’arrêt JP et a jugé que l’alinéa 37(1)b) ne s’applique qu’aux personnes qui se livrent à des activités d’entrée illégale des demandeurs d’asile afin de tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou tout autre avantage matériel dans le cadre de la criminalité transnationale organisée. Le même jour, le juge en chef McLachlin a rendu une décision unanime dans l’affaire R c. Appulonappa, 2015 CSC 59, 390 DLR (4th) 425, en accueillant l’appel dans ce cas aussi. Je me concentre uniquement sur les conclusions de l’affaire B010 aux fins du présent contrôle judiciaire.
III. Question en litige et analyse
A. Question en litige
[13] Le demandeur soulève un certain nombre de questions relatives au défaut de la SI d’aborder expressément l’application de l’article 38, l’interprétation de l’exigence de la mens rea en vertu de l’alinéa 37(1)b) et le caractère raisonnable de la décision. Toutefois, compte tenu de mes conclusions sur l’incidence de l’arrêt B010, je ne dois traiter que le caractère raisonnable de la décision selon la question suivante : à la lumière de la décision de la Cour suprême du Canada en B010, la SI atelle commis une erreur en omettant de rendre une décision express ou implicite selon laquelle le demandeur avait tiré un avantage financier direct ou indirect ou tout autre avantage matériel du passage de clandestins dans le cadre de la criminalité transnationale organisée?
B. Analyse
(1) La loi
[14] En rendant sa décision, la SI a explicitement invoqué la décision que la Cour d’appel fédérale avait rendue dans l’affaire JP, dans laquelle la Cour avait conclu aux paragraphes 79, 84 et 144 :
[79] La décision de la Commission d’interpréter l’alinéa 37(1)b) de la LIPR en lien avec le paragraphe 117(1) de la loi, tel qu’il était alors libellé, n’est pas seulement raisonnable, mais aussi, à mon avis, correcte.
[…]
84. Je conclus donc que la Cour est liée par l’arrêt B010 en ce qui concerne les questions suivantes :
[…]
b) la Commission a agi de façon raisonnable en s’appuyant sur le paragraphe 117(1) de la LIPR, tel qu’il était alors libellé, pour définir le concept de « passage de clandestins « à l’alinéa 37(1)b) sans l’exigence d’un gain ou d’un avantage financier ou matériel;
[…]
144 Enfin, je répondrais comme suit aux questions certifiées par le juge Zinn dans l’affaire relative à M. Hernandez :
[…]
Question 2 : L’expression « passage de clandestins « figurant à l’alinéa 37(1)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, doitelle nécessairement être exécutée par le passeur en vue d’en tirer, « directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel «, aux termes du Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée?
Réponse 2 : Non.
[15] Cette interprétation de l’alinéa 37(1)b) de la LIPR a été infirmée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt B010, où le juge en chef McLachlin s’est exprimé unanimement au nom de la Cour en déclarant aux paragraphes 5 et 76 :
[5] Je conclus que l’al. 37(1)b) de la LIPR s’applique uniquement aux personnes qui agissent pour faire entrer illégalement des demandeurs d’asile afin d’en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel dans le cadre de la criminalité transnationale organisée. En arrivant à cette conclusion, je décris en quoi consiste la conduite qui peut emporter interdiction de territoire au Canada et exclusion du processus de détermination du statut de réfugié pour criminalité organisée. Conformément à mes motifs dans l’arrêt connexe R. c. Appulonappa, 2015 CSC 59 (CanLII), [2015] 3 R.C.S. 754, je conclus que des actes d’aide humanitaire et d’assistance mutuelle (y compris d’entraide familiale) ne constituent pas du passage de clandestins au sens de la LIPR.
[…]
[76] Les moyens d’interprétation législative – le sens clair et grammatical des mots; le contexte législatif et international; l’intention du législateur – mènent tous inexorablement à la conclusion que l’al. 37(1)b) s’applique uniquement aux personnes qui posent des gestes pour assurer l’entrée illégale de demandeurs d’asile dans un pays afin d’en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou tout autre avantage matériel dans le cadre de la criminalité transnationale organisée. D’après moi, le migrant qui contribue à sa propre entrée illégale au pays ou qui aide d’autres réfugiés ou demandeurs d’asile à entrer illégalement au pays alors qu’ils tentent collectivement d’y trouver refuge n’est pas interdit de territoire au sens de l’al. 37(1)b).
[16] Dans les observations orales, j’ai recherché les points de vue des parties sur la question de savoir si ces demandes doivent être examinées en fonction de l’état actuel de la loi ou de la loi telle qu’elle existait au moment où la SI a rendu sa décision. Le défendeur a exprimé l’avis que la Cour est tenue d’appliquer la loi telle qu’elle existe aujourd’hui, un point de vue qui est conforme à la jurisprudence – l’évolution de la common law a un effet rétroactif (ColombieBritannique c. Imperial Tobacco Canada Ltée, [2005] 2 RCS 473, paragraphe 72; Ipex Inc. c. Lubrizol Advanced Materials Inc., 2015 ONSC 6580, paragraphes 22 à 25).
(2) Avantage financier ou tout autre avantage matériel
[17] Un examen de la décision et du dossier m’amène à conclure que la SI n’en a pas tenu compte ou a fait une constatation explicite ou implicite sur la question de savoir si le demandeur a, directement ou indirectement, tiré un avantage financier ou tout autre avantage matériel de la criminalité transnationale.
[18] La SI a explicitement invoqué l’arrêt JP dans le but de définir l’interdiction de territoire pour passage de clandestins ainsi que les éléments requis pour satisfaire à l’alinéa 37(1)b) et au paragraphe 117(1) de la LIPR (la décision de la SI, paragraphes 30 et 33). Les éléments cités ne comprenaient pas d’exigence à l’effet que le demandeur avait agi en vue de tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou tout autre avantage matériel dans le cadre de la criminalité transnationale organisée. En outre, comme le demandeur l’a déclaré, la SI n’aborde aucun avantage financier ou tout autre avantage matériel potentiel revenant au demandeur.
[19] En outre, le ministre a présenté les observations suivantes en réponse à la requête du demandeur demandant que la SI retarde sa décision en attendant la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire B010 (dossier certifié du tribunal, vol. 1, pages 317 et 318) :
[traduction]
M. Gechuashvili affirme que l’état actuel de la loi en ce qui concerne le passage de clandestins est incertain. Il soutient qu’il existe plusieurs révisions judiciaires en suspens pour se prononcer sur les questions de fond qui se posent en l’espèce, dans son cas, à savoir si l’article 117(1) de la LIPR devrait exiger un avantage financier ou tout autre avantage matériel direct ou indirect, ou si l’article luimême a une portée excessive sur le plan constitutionnel.
Demande de report sine die en vertu de l’article 38
Le ministre soutient que l’état actuel de la loi est clair; que l’article 117(1) de la LIPR n’est pas trop vaste et qu’il n’y a pas d’exigence actuelle d’un avantage matériel ou financier pour les conclusions à faire en vertu de l’article 37(1)b) de la LIPR. L’accueil de la demande de M. Gechuashvili conformément à la règle 38 en ce qui concerne la décision laissée en suspens serait inapproprié, car ce n’est qu’une spéculation de penser que les décisions de la Cour suprême du Canada dans les affaires J.P. ou Appulonappa auront effectivement une incidence en l’espèce. La Cour peut très bien être d’accord avec le statu quo et maintenir l’état actuel de la loi comme on l’a fait en rejetant l’autorisation d’appel dans l’affaire B010. Du point de vue de l’équité, le cas doit donc être évalué selon l’état actuel de la loi. Si la loi devait être renversée à l’avenir, M. Gechuashvili peut demander la réparation adéquate à ce momentlà, le cas échéant [les caractères ne sont pas gras dans l’original].
[20] Dans ses observations orales, le défendeur a attiré l’attention de la Cour vers un certain nombre de paragraphes de la décision où la SI fait référence aux éléments de preuve indiquant que le passage de clandestins a été effectué à des fins de gain financier. La preuve indique effectivement que d’autres membres du groupe devaient être indemnisés pour leur participation et que le demandeur était le chef. La question est donc de savoir si ces faits constituent un fondement suffisant pour que la Cour complète les motifs de la SI (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. TerreNeuveetLabrador (Conseil du Trésor), [2011] 3 RCS 708, paragraphe 15 [Newfoundland Nurses]). À mon avis, ce n’est pas le cas, en particulier à la lumière de l’observation dont a fait part le ministre à la SI, une observation que la SI semble avoir accepté implicitement par son invocation susmentionnée de l’arrêt JP.
[21] Pour en arriver à ce point de vue, je suis conscient que la Cour suprême du Canada a souscrit à l’observation du professeur Dyzenhaus sur la signification du caractère raisonnable dans le contexte de l’examen des motifs d’un décideur : [traduction] « Autrement dit, même si les motifs qui ont en fait été donnés ne semblent pas tout à fait convenables pour étayer la décision, la cour de justice doit d’abord chercher à les compléter avant de tenter de les contrecarrer [non souligné dans l’original] » (Newfoundland Nurses, paragraphe 12). Toutefois, il a également été reconnu par la Cour suprême que l’attention respectueuse aux motifs qui auraient pu être offerts sur la foi du dossier ne constitue pas une invitation à reformuler la décision d’un tribunal : « Il peut arriver parfois qu’une juridiction de révision ne puisse manifester la déférence voulue sans offrir d’abord au décideur administratif la possibilité d’exposer les motifs de sa décision » (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, [2011] 3 RCS 654, paragraphes 54 et 55; JMSL c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CAF 114, paragraphes 29 et 38, 372 DLR (4th) 567 [JMSL]).
[22] Dans ce cas, la décision de la SI est muette sur ce qu’est une question cruciale lors de l’examen de l’alinéa 37(1)b) et ainsi, je souscris à l’opinion exprimée par le juge Rennie dans l’arrêt Komolafe c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 FC 431, paragraphes 10 et 11, 16 Imm LR (4th) 267, où il déclare ce qui suit :
[10] L’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c TerreNeuveetLabrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 (CanLII), [2011] 3 RCS 708, ne valide pas la décision. L’arrêt Newfoundland Nurses établit que le contrôle judiciaire porte sur la décision en soi, et non sur le processus décisionnel. Lorsqu’elles sont manifestes, les lacunes de la preuve peuvent être comblées s’il est possible de le faire en s’appuyant sur la preuve et sur des inférences logiques, virtuellement comprises dans le résultat, mais non expressément tirées [les caractères ne sont ni gras ni soulignés dans l’original]. La cour de révision examine le dossier dans le but de confirmer la décision.
[11] L’arrêt Newfoundland Nurses ne donne pas à la Cour toute la latitude voulue pour fournir des motifs qui n’ont pas été donnés, ni ne l’autorise à deviner quelles conclusions auraient pu être tirées ou à émettre des hypothèses sur ce que le tribunal a pu penser. C’est particulièrement le cas quand les motifs passent sous silence une question essentielle [les caractères ne sont ni gras ni soulignés dans l’original]. Il est ironique que l’arrêt Newfoundland Nurses, une affaire qui concerne essentiellement la déférence et la norme de contrôle, soit invoqué comme le précédent qui commanderait au tribunal ayant le pouvoir de surveillance de faire le travail omis par le décideur, de fournir les motifs qui auraient pu être donnés et de formuler les conclusions de fait qui n’ont pas été tirées. C’est appliquer la jurisprudence à l’envers. L’arrêt Newfoundland Nurses permet aux cours de contrôle de relier les points sur la page quand les lignes, et la direction qu’elles prennent, peuvent être facilement discernées. Ici, il n’y a même pas de points sur la page.
[23] La SI était muette sur une question essentielle, une question qui incombait au ministre, et non au demandeur, de trancher en vertu de l’alinéa 37(1)b) de la LIPR, et ce, avant la SI. La Cour, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, n’est pas en mesure de conclure que le ministre s’est acquitté du fardeau de la preuve sur ce point, en particulier lorsque la SI n’a pas abordé la question expressément ou implicitement. Par conséquent, la Cour ne peut pas être sûr que la SI aurait atteint le même résultat en abordant cette question de savoir si le demandeur a tiré, directement ou indirectement, un avantage financier ou tout autre avantage matériel du passage de clandestins dans le cadre de la criminalité transnationale organisée, et il s’ensuit que la décision était déraisonnable et que les deux questions devraient être renvoyées pour réexamen (JMSL, paragraphes 38 et 39).
IV. Question certifiée
[24] Enfin, le demandeur a soumis les questions à certifier suivantes telles qu’elles sont énoncées au paragraphe 20 de la réponse :
[TRADUCTION]
a) selon l’interprétation exacte des articles 37 et 38 des Règles de la Section de l’immigration, DORS/2002229 [RSI], la SI estelle tenue de « communiquer », oralement ou par écrit, sa décision interlocutoire aux parties avant de rendre sa décision définitive ou dans le cadre de celleci?
b) selon l’interprétation de l’article 49 des RSI, la phrase « peut prendre toute mesure nécessaire pour régler la question » donnetelle droit à la SI, comme le défendeur semble le laisser entendre, de statuer sur des demandes interlocutoires sans communiquer sa décision aux parties?
[25] Le défendeur s’est opposé à la demande du demandeur quant aux questions à certifier susmentionnées en soutenant qu’aucune d’entre elles ne satisfait aux exigences énoncées par la Cour d’appel fédérale.
[26] La Cour d’appel fédérale a énoncé le critère de la certification des questions aux fins d’un appel en vertu de l’alinéa 74d) de la LIPR, à plusieurs reprises (Zazai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 89, paragraphes 10 à 12 et 36, Imm LR (3d) 167; Zhang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CAF 168, paragraphe 9, 28 Imm LR (4th) 231). Ces arrêts établissent que la Cour ne peut certifier une question en vertu de l’alinéa 74(d) que si elle 1) est déterminante quant à l’issue de l’appel; 2) transcende les intérêts des parties au litige et porte sur des questions ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale. En outre, la question doit découler de l’affaire ellemême. En l’espèce, la demande a été tranchée alors que la SI n’a pas réglé une question cruciale : déterminer si le demandeur a tiré un avantage financier ou tout autre avantage matériel du passage de clandestins dans le cadre de la criminalité transnationale, et non pas sur la foi de points relevés dans les questions à certifier que le demandeur a proposées. J’en conclus donc que cette affaire ne soulève pas de questions qui sont appropriées pour la certification en vertu de l’alinéa 74d) de la LIPR.
V. Conclusion
[27] Après avoir constaté que la décision de la SI dans le dossier IMM483115 était déraisonnable et noté que la décision de l’agent d’immigration supérieur de CIC dans le dossier IMM514515 invoquait la décision de la SI, les deux décisions sont renvoyées pour réexamen. Aucune question n’est certifiée.
JUGEMENT
LA COUR accueille les demandes, annule les décisions et réachemine les questions pour un nouvel examen par un tribunal constitué différemment. Aucune question n’est certifiée.
« Patrick Gleeson »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
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Dossiers : |
IMM-4831-15 IMM-5145-15
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INTITULÉ : |
TAMAZI GECHUASHVILI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
Toronto (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE : |
Le 15 mars 2016
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JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE GLEESON
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DATE DES MOTIFS : |
Le 31 mars 2016
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COMPARUTIONS :
Nikolay Chsherbinin
|
Pour le demandeur
|
Judy Michaely
|
Pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Nikolay Chsherbinin Chsherbinin Litigation Toronto (Ontario)
|
Pour le demandeur
|
William F. Pentney Sousprocureur général du Canada Toronto (Ontario)
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Pour le défendeur
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