Date : 20160331
Dossier : T-1485-15
Référence : 2016 CF 362
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 31 mars 2016
En présence de monsieur le juge Annis
ENTRE : |
ROBERT MUIR |
demandeur |
et |
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée aux termes de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, (L.R.C. (1985), ch. F-7) contestant une décision de l’agent du Centre d’expertise d’allègement pour les contribuables de la Direction générale des appels (l’agent), confirmant la décision (rendue au premier palier) de l’agent responsable de l’allègement pour les contribuables de refuser d’accorder au demandeur un allègement d’intérêts et de pénalités découlant de son établissement de cotisation de 2005, conformément au paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, S.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi).
[2] Le demandeur sollicite une ordonnance annulant la décision afin que l’affaire soit renvoyée afin qu’une nouvelle décision soit rendue. Conformément à la norme de la décision raisonnable, qui ne fait l’objet d’aucune controverse entre les parties, la Cour conclut qu’il n’y a pas d’erreur susceptible de révision nécessitant son intervention.
[3] Le demandeur a soulevé deux questions. La première repose sur un fondement factuel selon lequel, dans sa décision, l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) a omis de prendre en compte ses erreurs de traitement et dans l’établissement de la cotisation relativement à la déclaration de revenus de 2005 du demandeur ayant fait l’objet de soumissions à trois occasions différentes, selon lui. La deuxième observation du demandeur est que l’agent n’a pas apprécié raisonnablement ses difficultés financières en fonction des éléments de preuve qui lui ont été présentés.
I. Erreurs de traitement alléguées de la part de l’ARC
[4] En ce qui concerne la première question portant sur les erreurs de traitement alléguées dans l’établissement de la cotisation à l’égard de la déclaration de revenus de 2005 du demandeur, le dossier ne va pas dans le sens des allégations factuelles avancées par le demandeur sur lesquelles se fonde cette observation.
[5] Le demandeur affirme qu’il a d’abord produit sa déclaration de revenus de 2005 avec sa déclaration de revenus de 2004 en 2006. Il n’y a aucun élément de preuve dans le dossier qui appuie cette allégation, et en effet, l’élément de preuve subséquent montre qu’il a reconnu qu’il n’avait pas produit sa déclaration de revenus de 2005, comme il l’avait allégué.
[6] Le demandeur a soutenu, de façon semblable, qu’il avait produit sa déclaration de 2005 vers la fin de 2006 ou de 2007, après que l’ARC l’a avisé à trois reprises que sa déclaration de 2005 était en souffrance. Encore une fois, le dossier n’appuie pas cette allégation, et en effet, le demandeur l’a reconnu dans ses observations du 1er novembre 2012, lorsqu’il a demandé l’allègement pour les contribuables. Voici un passage tiré de l’observation :
[traduction] Lorsque M. Muir a examiné l’avis qu’il a reçu après que les deux déclarations avaient prétendument été envoyées à l’ARC, et qu’il a constaté que les renseignements relatifs à ses revenus de 2005 n’étaient pas inclus, il s’est rendu compte que sa déclaration de 2005 n’avait pas dû avoir été soumise. M. Muir a alors de nouveau demandé à sa comptable de produire sa déclaration de 2005 en lui fournissant des renseignements sur ses revenus de 2005.
La comptable, qui a fait une erreur remettant en question sa capacité à satisfaire à des normes professionnelles élémentaires, a soumis les renseignements qu’il lui a fournis à titre de redressement d’une T1 dans la déclaration de 2004 de M. Muir, et non à titre de déclaration de revenus de 2005.
[Non souligné dans l’original.]
[7] Puisque ces renseignements ont été soumis à titre de redressement d’une T1 de sa déclaration de 2004, l’ARC a établi une nouvelle cotisation pour sa déclaration de 2004. Le demandeur a reçu sa nouvelle cotisation pour 2004 en août 2007. Son avocat a reconnu que les montants correspondaient aux revenus de 2005 du demandeur. Cette « confusion » ne peut être attribuée qu’au défaut du demandeur de décrire correctement ses montants de revenus de 2005. Après que le demandeur a finalement rempli sa déclaration de revenus de 2005 en 2011 à la suite de l’établissement de cotisation de l’ARC, une nouvelle cotisation a été établie pour la déclaration de 2004 en rajoutant les montants initiaux soumis en 2006.
[8] Après août 2006, le demandeur n’a pris aucune autre mesure pour remplir sa déclaration de 2005, malgré la réception de cotisations établies pour les années 2006, 2007 et 2009. L’ARC a fini par établir sa propre cotisation pour les revenus de 2005 du demandeur, conformément au paragraphe 152(7) de la Loi, qui permet au ministre d’établir une cotisation à l’égard d’un contribuable qui n’a pas rempli sa déclaration de revenus pour une année donnée.
[9] C’est après avoir reçu la cotisation du ministre le 31 janvier 2011 que le demandeur a soumis ses montants de revenus de 2005. Le 14 juillet 2011, l’ARC a fourni au demandeur une nouvelle cotisation tenant compte de ses montants.
[10] Compte tenu de la chronologie des événements qui précède, aucun fondement ne permet au demandeur d’affirmer que l’ARC a fait des erreurs de traitement ou n’a pas fourni d’avis en temps opportun. Le fait que le demandeur a omis à plusieurs reprises et de façon continue de remplir sa déclaration de 2005 avant 2011 n’est attribuable qu’à lui. Même si sa confusion pouvait être considérée comme attribuable à sa comptable, ce pour quoi aucun élément de preuve corroborant n’a été présenté à la Cour, il est difficile d’imaginer que le demandeur n’aurait pas remarqué l’absence de sa cotisation établie pour 2005 après que l’ARC lui a précisément demandé à plusieurs reprises.
[11] Il faut en outre noter que, pendant l’audience, on a fait remarquer à la Cour que la nouvelle cotisation établie pour 2005, datant du 14 juillet 2011, indique que la date de dépôt a été retenue le 22 juin 2007, même si le dossier démontre de façon concluante que la déclaration de 2005 n’a pas été produite avant 2011. L’avocat du défendeur a indiqué qu’en retenant la date de dépôt de 2007 plutôt que de 2011 pour la déclaration de revenus de 2005 (lui accordant probablement le bénéfice du doute en raison de l’erreur de sa comptable), il semblerait que le demandeur bénéficie déjà d’un allègement d’intérêts considérable, et qu’il ne tirerait pas avantage d’un réexamen. Toutefois, la Cour ne s’appuie pas sur ce qui serait des hypothèses, puisque le ministre n’a pas pu confirmer ces faits, étant donné que la date de dépôt susmentionnée n’a été soulevée qu’à l’audience.
II. Défaut allégué d’avoir examiné convenablement la situation financière du demandeur
[12] En ce qui concerne l’observation selon laquelle l’agent n’a pas examiné convenablement la situation financière du demandeur, je constate encore une fois que les faits soumis sont contredits par la preuve documentaire.
[13] Le demandeur affirme qu’il a un revenu mensuel de 4 000 $ et qu’il verse 2 000 $ de ce revenu à l’ARC, ce qui représente plus de la moitié de son revenu mensuel. Il prétend que, compte tenu de ses dépenses mensuelles de 3 190 $, il se retrouve forcé de choisir entre payer ses frais de logement et d’autres besoins essentiels de subsistance, et payer l’ARC. Je rejette l’observation en me fondant sur les faits se trouvant dans le dossier.
[14] D’abord, le montant saisi sur son salaire est seulement de 720 $ par mois. Plus important encore, ses déclarations de revenus indiquent qu’il a gagné de façon constante plus de 100 000 $ par année, et qu’il avait en outre la capacité de dépenser 9 124,77 $ en dépenses discrétionnaires au cours du mois d’août 2012, soit l’unique occasion où l’ARC en a fait la demande. Le demandeur affirme que ces dépenses n’étaient pas discrétionnaires, puisque ces montants ont été utilisés pour payer les frais de scolarité universitaire de ses enfants. La Cour peut tenir pour fait notoire que dans bon nombre de familles canadiennes, on s’attend à ce que les enfants paient eux-mêmes leurs frais de scolarité universitaire à titre d’investissement qui sera recouvré ultérieurement grâce aux avantages découlant des connaissances et des compétences acquises pendant leurs études.
[15] Quoi qu’il en soit, je suis d’accord avec l’interprétation de l’ARC selon laquelle la notion de difficultés financières pour une personne correspond à une précarité financière ou à un manque de ce qui est nécessaire pour satisfaire aux besoins de subsistance de base, c’est-à-dire de la nourriture, des vêtements, un logement, et des éléments non essentiels raisonnables. Même si l’on devait s’étendre sur ce que constitue la notion de difficultés financières, il était raisonnable de la part de l’agent de décider de rejeter la demande d’allègement pour les contribuables du demandeur en vertu de la Loi, lorsqu’il appert que le demandeur est bien en mesure de repayer les arriérés d’impôt non réglés, sans que cela ait d’incidence indue sur un train de vie correspondant à celui d’un contribuable canadien relativement aisé.
[16] Par conséquent, la demande est rejetée.
JUGEMENT
LA COUR rejette la présente demande, avec dépens de 500 $ en faveur du défendeur.
« Peter Annis »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
T-1485-15 |
INTITULÉ : |
ROBERT MUIR c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL |
LIEU DE L’AUDIENCE : |
Toronto (Ontario) |
DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 7 MARS 2016 |
JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE ANNIS |
DATE DES MOTIFS : |
LE 31 MARS 2016 |
COMPARUTIONS :
Ian Latzko |
POUR LE DEMANDEUR |
Laurent Bartleman |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Dioguardi Tax Law Avocats Mississauga (Ontario) |
POUR LE DEMANDEUR |
William F. Pentney Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR |