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Date : 20160323


Dossier : IMM­3438­15

Référence : 2016 CF 346

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 23 mars 2016

En présence de monsieur le juge Boswell

ENTRE :

ZHIHUI ZHONG, ET YANYI FENG, ET JINJUN ZHONG ET JINPENG ZHONG

(PAR L’ENTREMISE DE SON REPRÉSENTANT DÉSIGNÉ, ZHIHUI ZHONG)

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Zhihui Zhong, sa conjointe et leurs deux enfants sont tous citoyens de la Chine. M. Zhong, le demandeur principal [le demandeur], allègue que le Bureau de la sécurité publique (BSP) en Chine est à sa recherche en raison de sa pratique du Falun Gong. Le demandeur a commencé à pratiquer le Falun Gong avec d’autres pratiquants en octobre 2012 pour l’aider à dormir et atténuer ses préoccupations concernant son entreprise. Le demandeur affirme avoir manqué une séance de pratique du Falun Gong le 12 janvier 2014 pour recevoir une livraison à sa quincaillerie, mais qu’il devait rencontrer son ami, M. Chen, plus tard au cours de cette soirée. Cependant, M. Chen n’a pas rencontré le demandeur comme prévu. Incapable de joindre M. Chen par téléphone, le demandeur a alors appelé le frère de M. Chen, qui l’a informé que M. Chen et les autres pratiquants avaient été mis en état d’arrestation. Le demandeur a réalisé qu’il pouvait être en danger. Il a donc été se réfugier au domicile de son oncle. Son oncle a acheté des billets d’avion au demandeur et à sa famille pour qu’ils puissent fuir aux États­Unis. Cet oncle a aussi pris des dispositions avec un passeur pour les faire traverser la frontière canado­américaine, après quoi le demandeur devait rencontrer un ami de son oncle.

[2]  Le demandeur et sa famille ont quitté la Chine le 15 janvier 2014 et sont arrivés à Toronto le 18 janvier 2014. Au début de février 2014, ils ont fait une demande d’asile pour le motif que le demandeur était recherché par le BSP de la Chine puisqu’il pratiquait le Falun Gong. La Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission) a rejeté la demande des demandeurs dans une décision rendue le 31 mars 2015. Les demandeurs ont fait appel de la décision de la SPR devant la Section d’appel des réfugiés (SAR) de la Commission, mais la SAR a refusé les nouveaux éléments de preuve soumis et a rejeté l’appel dans une décision rendue le 2 juillet 2015. Les demandeurs sollicitent maintenant la Cour, aux termes du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 [la Loi], d’annuler la décision de la SAR et de renvoyer l’affaire à un autre commissaire de la SAR aux fins de réexamen.

I.  La décision de la SAR

[3]  La SAR a d’abord pris en considération l’admissibilité des nouveaux éléments de preuve. Le demandeur a soumis une lettre datée du 5 mai 2015 provenant de M. Yonghui He, accompagnée d’un exemplaire de la décision favorable rendue par la SPR pour la demande de M. He. La SAR a cependant rejeté cette lettre puisqu’elle expliquait tout simplement les renseignements déjà présentés dans la lettre antérieure de M. He qui avait déjà été examinée par la SAR; les renseignements additionnels auraient pu raisonnablement être inclus dans la lettre initiale de M. He. De plus, la SAR constate que la lettre n’était pas probante puisque, bien qu’elle affirme que le demandeur soit un véritable pratiquant du Falun Gong, elle ne fournit aucun renseignement à l’égard des compétences de M. He pour évaluer ce qui constitue être un véritable pratiquant. La SAR a aussi signalé que le demandeur a été représenté par un avocat tout au long du processus; la justification du [traduction] « retard flagrant » dans l’acquisition de ce document supposément de valeur probante n’était pas crédible, donc a été rejetée.

[4]  La SAR a aussi refusé les photos de la parade qui a eu lieu à Toronto en mai 2015 dans le cadre des célébrations du Falun Gong. La SAR affirme que ces photos ne présentaient pas de nouveaux éléments de preuve et ne permettaient pas d’évaluer l’authenticité de la pratique du demandeur au Falun Gong. Des photos illustrant la participation du demandeur aux activités de Falun Gong ont déjà été examinées par la SPR et, par conséquent, la SAR n’a pas accepté les photos plus récentes comme nouvel élément de preuve. La SAR refuse d’accepter comme nouvel élément de preuve un autre affidavit du demandeur qui tente de fournir un autre témoignage qui aurait pu être donné à l’audience devant la SPR.

[5]  La SAR refuse également d’accepter comme nouvel élément de preuve la présumée assignation adressée au demandeur, ainsi que le présumé mandat d’arrestation de la personne qui aurait introduit le demandeur au Falun Gong en Chine, sur la base que ces documents auraient pu être présentés à l’audience devant la SPR et qu’il aurait été raisonnable pour les demandeurs de demander à la SPR d’examiner ces documents après l’audience avant qu’elle rende sa décision. Le demandeur a expliqué que ces documents ont été soumis en retard puisqu’il ne comprenait pas leur importance. La SAR est d’avis que cette explication est ni raisonnable, ni crédible, et qu’aucune explication raisonnable n’a été fournie pour le retard de la soumission de ces documents.

[6]  La SAR a aussi rejeté les lettres des parents et de l’oncle du demandeur, concluant que ces lettres auraient pu être présentées à l’audience devant la SPR. À cet égard, la SAR a conclu que l’explication du demandeur selon laquelle on ne lui avait pas demandé de fournir ces lettres était [traduction] « fallacieuse » et que, étant donné que le demandeur était représenté par un avocat, les lettres auraient dû être soumises à la SPR.

[7]  Enfin, en ce qui concerne les livrets bancaires des parents du demandeur, la SAR a conclu que la question sur l’annulation de la pension de ses parents a été traitée à l’audience de la SPR et qu’il aurait été raisonnable de soumettre cet élément de preuve avant l’audience ou avant que la SPR rende sa décision. Par conséquent, puisque la SAR a déterminé qu’aucun nouvel élément de preuve n’a été présenté, aucune audience ne sera tenue.

[8]  Après avoir examiné l’exposé des faits et déterminé qu’elle doit procéder à un examen indépendant de la demande, en application de l’arrêt Huruglica c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 799, [2014] 4 RCF 811, la SAR a alors procédé à traiter le bien­fondé de l’appel. D’abord, la SAR a évalué le témoignage du demandeur devant la SPR au sujet de Zhuan Falun et a pris en considération la conclusion tirée par la SPR selon laquelle le demandeur n’était pas, selon la prépondérance des probabilités, un pratiquant du Falun Gong. Pour sa part, la SAR a conclu ce qui suit après avoir examiné les éléments de preuve du demandeur et son témoignage au sujet de sa pratique du Falun Gong :

[TRADUCTION]

[45]  Le demandeur a répondu à des questions de base concernant le Falun Gong, à savoir qui est le dirigeant du Falun Gong et où il se situe, quand le Falun Gong a commencé et à quel moment les autorités chinoises ont interdit cette pratique en Chine. Les réponses à ces questions de base ne sont pas suffisantes pour déterminer s’il s’agit d’un véritable pratiquant du Falun Gong. Cette information aurait pu être acquise par des recherches, et non forcément par un engagement à la pratique du Falun Gong. Le demandeur a fourni des photos de lui en train de prendre part à des activités du Falun Gong. Même si le demandeur est photographié en train de prendre part à des activités liées au Falun Gong, cela ne signifie pas qu’il est un véritable pratiquant du Falun Gong. Ces photographies ne sont pas suffisantes pour contrer les conclusions négatives tirées par la SPR et la SAR concernant les connaissances extrêmement limitées des demandeurs sur les concepts de base du Falun Gong.

[46]  La SAR conclut que, selon une prépondérance des probabilités, le demandeur n’était pas un pratiquant du Falun Gong en Chine, et il n’est pas un véritable pratiquant du Falun Gong au Canada. Son manque de connaissance des concepts les plus fondamentaux du Falun Zhuan est éloquent.

[9]  Après avoir fait cette constatation, la SAR a déterminé que la SPR a commis une erreur en évaluant une incohérence entre le formulaire Fondement de la demande d’asile du demandeur et les formulaires de renseignements de CIC. Cependant, cette évaluation n’a pas été un facteur déterminant de l’appel en général puisqu’il y avait d’autres questions déterminantes qui appuient la décision de la SPR.

[10]  L’une de ces questions était à savoir si le demandeur était recherché par le BSP et si le BSP avait été au domicile des parents du demandeur pour les interroger. Après avoir examiné la décision de la SPR à cet égard, la SAR a conclu ce qui suit :

[TRADUCTION]

[54]  La SAR estime raisonnable que, si le BSP avait visité la résidence du demandeur à six ou sept différentes occasions, comme le prétend le demandeur, le BSP aurait préparé des documents à l’appui. … Aucun document n’a été soumis à l’audience pour appuyer l’allégation que le BSP était à la recherche du demandeur. Les documents présentés à cet égard à titre de nouvel élément de preuve n’ont pas été acceptés pour les motifs fournis. La SPR a tiré une conclusion négative par rapport à la crédibilité de l’appelant puisqu’il n’a pas présenté de documents provenant du Bureau de la sécurité publique (BSP) pour étayer ces allégations selon lesquelles il était recherché par le BSP. […] Étant donné que l’appelant soutient avoir quitté la Chine puisqu’il était recherché par le BSP et que, selon son témoignage, le BSP continuait de le chercher, il est raisonnable de croire qu’un tel document à l’appui aurait été disponible pour l’audience du 31 octobre 2014 ou avant que la décision soit rendue le 31 mars 2015. [...]

[56]  Dans l’enregistrement, l’appelant a fait mention spontanément, après sa réponse initiale, que ses parents ont perdu leur pension. Aucun document n’a été présenté pour étayer cette allégation, et aucun document n’a été présenté avant la prise de décision le 31 mars 2015. Les documents soumis avec le mémoire d’appel n’ont pas été acceptés en application de la Loi. Puisqu’une enquête sur la situation en Chine n’a pas été menée et que l’appelant n’a pas présenté des documents à l’appui en temps opportun, ces facteurs sont jugés probants. Compte tenu de ce qui précède, la SAR a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant n’est pas recherché par les autorités en Chine.

[11]  De plus, la SAR a convenu avec la SPR que, si le demandeur craignait pour sa vie, il aurait soumis une demande d’asile aux États­Unis dès son arrivée. Bien que la SAR reconnaisse qu’il était possible que le demandeur suivait les directives de son oncle, la SAR a constaté qu’il n’était pas crédible que le demandeur, n’ayant aucun lien familial au Canada, soit entré illégalement au Canada après être entré légalement aux États­Unis. La SAR, tout comme la SPR, a aussi conclu que, selon la prépondérance des probabilités et étant donné que les demandeurs ont quitté la Chine en utilisant leurs propres documents, ils n’étaient pas recherchés par les autorités chinoises.

[12]  Enfin, quant à l’absence de documents à l’appui, la SAR est d’accord avec les conclusions de la SPR et déclare ce qui suit :

[TRADUCTION]

[68]  La SAR partage la conclusion de la SPR quant à l’absence de documents probants. Il est raisonnable de croire, étant donné le caractère flagrant des allégations faites par l’appelant et le fait que le demandeur était conseillé par un avocat expérimenté, que les documents pertinents auraient été soumis avant l’audience de demande d’asile ou avant que la décision soit rendue le 31 mars 2015. À tout le moins, lorsque les lacunes sur le plan de la documentation ont été signalées par la SPR à l’audience du 21 octobre 2014, il est raisonnable de croire qu’un effort aurait été fait pour acquérir les documents requis dès que possible, ou qu’une mention aurait été faite pour signaler que des enquêtes ou des efforts sont en cours pour acquérir de tels documents. Selon les Règles de la SPR, l’appelant était libre de déposer une demande afin de soumettre des éléments de preuve après l’audience. La SAR tire une conclusion défavorable du défaut de l’appelant de produire, en temps opportun, les documents pertinents pour justifier ses allégations, ou du manquement d’indiquer que des efforts considérables sont déployés pour acquérir de tels documents.

[13]  Par conséquent, la SAR a conclu que la SPR n’a pas commis une erreur dans sa décision que le demandeur et sa famille n’avaient ni qualité de réfugiés au sens de la Convention ni qualité de personnes à protéger.

II.  Questions en litige

[14]  Les parties ont soulevé diverses questions, qui peuvent être reformulées comme suit :

  1. Quelle est la norme de contrôle à appliquer pour la décision de la SAR?

  2. La SAR a­t­elle commis une erreur en rejetant les nouvelles preuves en application du paragraphe 110(4) de la Loi?

  3. La décision de la SAR était­elle raisonnable?

III.  Analyse

A.  Quelle est la norme de contrôle à appliquer pour la décision de la SAR?

[15]  La question concernant la norme de contrôle à appliquer par la Cour pour l’examen de la décision de la SAR à la suite de son examen des décisions de la SPR n’est toujours pas réglée. Cette question a été soumise à la Cour d’appel fédérale.

[16]  Entre temps, une approche pragmatique du problème (voir Alyafi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 952, aux paragraphes 46 à 52, 465 FTR 114) suggère que la décision de la SAR soit examinée selon la norme de la décision raisonnable (voir Sisman c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 930, 257 ACWS (3d) 421). La Cour doit faire preuve de déférence à l’égard de l’examen des preuves présentées à la SAR (voir Dunsmuir c. Nouveau­Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 53, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir]; Yin c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1209, au paragraphe 34, 248 ACWS (3d) 422; Mojahed c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 690, au paragraphe 14, 255 ACWS (3d) 687). La décision de la SAR ne devrait donc pas être remise en question pourvu qu’elle soit justifiée, intelligible et transparente, et qu’elle puisse être justifiée au regard des faits et du droit (Dunsmuir, au paragraphe 47). Les motifs répondent aux critères établis « s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre­Neuve­et­Labrador [Conseil du Trésor], 2011 CSC 62, au paragraphe 16, [2011] 3 RCS 708).

B.  La SAR a­t­elle commis une erreur en rejetant les nouveaux éléments de preuve en application du paragraphe 110(4) de la Loi?

[17]  Sauf en réponse aux éléments de preuve présentés par le ministre, un demandeur d’asile ne peut présenter de nouveaux éléments de preuve à la SAR que si les dispositions du paragraphe 110(4) de la Loi, dont le libellé est reproduit ci­dessous, l’autorisent à le faire :

110 (4) Dans le cadre de l’appel, la personne en cause ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de sa demande ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’elle n’aurait pas normalement présentés, dans les circonstances, au moment du rejet.

110 (4) On appeal, the person who is the subject of the appeal may present only evidence that arose after the rejection of their claim or that was not reasonably available, or that the person could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection.

[18]  La détermination du critère applicable pour l’admission de nouveaux éléments de preuve en application du paragraphe 110(4) de la Loi constitue donc une question d’interprétation législative, une tâche qui exige que « les termes d’une loi [soient] interprétés [traduction] “dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’économie de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur” » (Pétrolière Impériale c. Jacques, 2014 CSC 66, au paragraphe 47, [2014] 3 RCS 287). Lorsqu’elle a été appelée à examiner cette question, la Cour a jusqu’à ce jour appliqué la norme de la décision raisonnable pour examiner cette affaire parce qu’il s’agit essentiellement d’une question traitant de la loi constitutive de la SAR et qu’elle ne revêt pas une importance capitale pour le système judiciaire (voir Singh c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1022, aux paragraphes 39 à 42, [2015] 3 RFC 587 [Singh]; voir aussi Denbel c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 629, au paragraphe 29, 254 ACWS (3d) 915 [Denbel]).

[19]  En l’espèce, la SAR a examiné l’interprétation littérale du paragraphe 110(4) de la Loi pour l’évaluation de nouveaux éléments de preuve. Elle s’est posé deux questions concernant les nouveaux éléments de preuve, notamment : 1) L’élément de preuve est­il survenu depuis le rejet de la demande? 2) Était­il raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce que le demandeur ait présenté les éléments de preuve au moment du rejet?

[20]  Je n’ai rien à reprocher à l’approche prise par la SAR pour évaluer les nouveaux éléments de preuve dans cette affaire. Son interprétation du paragraphe 110(4) peut être justifiée selon la norme de la raisonnabilité (voir Tota c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 890, aux paragraphes 33 à 53, 257 ACWS (3d) 188). Par conséquent, la question consiste à déterminer s’il était raisonnable pour la SAR d’appliquer ce paragraphe aux éléments de preuve.

[21]  Les demandeurs font valoir que le critère lié aux preuves nouvelles émanant de la décision Raza c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 385, 162 ACWS (3d) 1013 [Raza] ne devrait pas être appliqué et que, par conséquent, les nouvelles preuves avaient une valeur probante conformément au paragraphe 110(4) de la Loi, en application de l’approche souple adoptée par la Cour dans l’arrêt Singh, et auraient dû être admises et prises en considération par la SAR. Les demandeurs affirment que la SAR aurait dû leur accorder une certaine « latitude » pour pallier les lacunes soulevées à l’audience de la SPR.

[22]  Le défendeur soutient que, dans l’arrêt Singh, on n’a pas accordé une « latitude illimitée. » Dans l’espèce, huit mois se sont écoulés entre la soumission de la demande des demandeurs et la date de l’audience; environ quatorze mois se sont écoulés entre le moment où les demandeurs ont fait leur demande et le moment où la SPR a rendu sa décision. Le défendeur affirme également qu’il était raisonnable pour la SAR de privilégier l’approche de l’arrêt Denbel puisqu’elle tient compte des facteurs de l’arrêt Raza pour l’évaluation de nouveaux éléments de preuve, plutôt que l’approche flexible adoptée dans l’arrêt Singh.

[23]  Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que la décision de la Cour dans l’arrêt Singh n’accorde pas au demandeur une latitude illimitée pour pallier les diverses lacunes soulevées par la SPR dans sa demande. Contrairement à l’arrêt Singh où le demandeur devait déposer un seul document – un diplôme d’études secondaires pour prouver que la SPR a cru à tort que le diplôme n’avait pas été confisqué et pour rendre plus crédible le fait que le demandeur a bel et bien fréquenté l’école avec un ami jusqu’à une date précise – le demandeur en l’espèce a déposé divers documents que la SAR a raisonnablement rejetés comme nouveaux éléments de preuve.

[24]  Même si l’on peut dire, comme le prétend le demandeur, qu’il n’était pas raisonnable pour la SAR de rejeter les livrets bancaires des parents du demandeur comme nouvel élément de preuve puisque ces documents répondaient à la préoccupation soulevée par la SPR à l’égard de l’absence de preuve confirmant l’annulation des pensions des parents du demandeur, il était raisonnable pour la SAR de déterminer que cette question avait déjà été abordée à l’audience devant la SPR. De plus, cette preuve dont la SAR ne disposait pas ne prouve pas que les pensions aient été annulées en raison de la pratique du Falun Gong par le demandeur.

[25]  Il était raisonnable pour la SAR en l’espèce de conclure que le demandeur et son avocat auraient pu et auraient dû recueillir les documents pertinents, comme les assignations, ou en faire la demande avant l’audience du demandeur devant la SPR, laquelle a eu lieu environ huit mois après que le demandeur a fait sa demande d’asile. Contrairement au demandeur dans l’arrêt Singh, le nouvel élément de preuve que le demandeur en l’espèce cherche à présenter était sous le contrôle du demandeur, et ce dernier avait eu suffisamment de temps et d’occasions de présenter ces nouveaux documents avant que la SPR rende sa décision.

[26]  La nature des nouveaux éléments de preuve que le demandeur en l’espèce cherche à présenter faisait en sorte que, si la SAR les acceptait, l’audience devant la SPR aurait constituée rien de plus qu’une cause dont la solution fait jurisprudence pour la demande du demandeur. De plus, si on accepte la prétention du demandeur concernant la « latitude », selon laquelle la SAR devrait accepter la preuve nouvelle pour lever ou dissiper les préoccupations ou pallier les lacunes dans les éléments de preuve présentés à la SPR, cela, à mon avis, ouvrirait la voie trop grande et encouragerait en effet un demandeur de diviser sa demande d’asile. Un appel à la SAR ne devrait pas mener à une autre audience complète devant la SAR; le processus d’audience appartient plutôt à la SPR.

C.  La décision de la SAR était­elle raisonnable?

[27]  Les demandeurs soutiennent que la conclusion négative de la SAR relativement à la crédibilité était déraisonnable compte tenu des éléments de preuve qui lui ont été présentés, et que la SAR a conclu déraisonnablement que le demandeur n’était pas un véritable pratiquant du Falun Gong. Ils font aussi valoir, entre autres, qu’il était absurde pour la SAR de refuser d’admettre les nouveaux éléments de preuve et de se fonder ensuite sur ce manque de documents pour miner la crédibilité du demandeur. En outre, les demandeurs font valoir que les décisions de la SAR concernant l’omission de présenter une demande aux États­Unis et leur départ de la Chine étaient déraisonnables. À mon avis, aucune de ces prétentions des demandeurs n’est fondée. La décision de la SAR de rejeter ces prétentions est l’une qui appartient bel et bien aux issues raisonnables.

[28]  Il est clair, après examen des motifs de la décision de la SAR, que la SAR a effectué son propre examen de la demande du demandeur en se fondant sur les éléments de preuve présentés à la SPR. La SAR a examiné l’enregistrement de l’audience de la SPR, ainsi que la preuve documentaire présentée à la SPR, avant de parvenir à la même conclusion que la SPR, soit que le demandeur n’est pas un véritable pratiquant du Falun Gong. Cette conclusion, en soi, était déterminante dans l’issue de l’appel des demandeurs.

[29]  De plus, on ne peut pas dire que les conclusions de la SAR ont été formulées de façon abusive ou arbitraire ou sans égard aux éléments de preuve dont elle disposait. La SAR avait le droit de tirer des conclusions défavorables liées au fait que les demandeurs n’ont pas fait une demande d’asile aux États­Unis et qu’il a été facile pour eux de quitter la Chine. Elle avait aussi le droit de tirer des conclusions négatives à l’égard de la crédibilité basées sur leur défaut de fournir des documents à l’appui en temps opportun.

[30]  La décision de la SAR ne devrait donc pas être remise en question puisqu’elle est justifiée, intelligible et transparente, et elle peut être justifiée au regard des faits et du droit. Les motifs de décision de la SAR sont clairs et permettent à la Cour de comprendre le fondement de sa décision en l’espèce.

IV.  Conclusion

[31]  Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire des demandeurs est rejetée. Aucune question de portée générale n’est certifiée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée et qu’il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

« Keith M. Boswell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM­3438­15

 

INTITULÉ :

ZHIHUI ZHONG, ET YANYI FENG, ET JINJUN ZHONG ET JINPENG ZHONG (PAR L’ENTREMISE DE SON REPRÉSENTANT DÉSIGNÉ, ZHIHUI ZHONG) c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 février 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BOSWELL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 23 mars 2016

 

COMPARUTIONS :

Daniel Kingwell

 

Pour les demandeurs

 

Nicholas Dodokin

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mamann, Sandaluk & Kingwell LLP

Avocats­procureurs

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandeurs

 

William F. Pentney

Sous­procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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