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Date : 20160323


Dossier : IMM-2401-15

Référence : 2016 CF 345

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 23 mars 2016

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

AIMEE HELENA BURTON ET KAHARY MATU GRIFFITH

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION, ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR ou la Loi) à l’encontre d’une décision rendue par la Section d’appel de l’immigration (SAI) du 5 mai 2015. La SAI a refusé la demande de parrainage d’époux des demandeurs au motif que le mariage a été contracté principalement dans le but d’obtenir un statut ou un privilège en vertu de la Loi.

[2]               La demande est rejetée pour les motifs qui suivent.

II.                Contexte

[3]               Le demandeur, Kahary Griffith, est arrivé au Canada en 2000 et a fait une demande d’asile. Sa demande fut rejetée et une mesure d’interdiction de séjour a été émise en 2001. M. Griffith a rencontré la demanderesse Aimee Burton en avril 2003, à un arrêt d’autobus. Ils ont commencé à se fréquenter puis se sont mariés en octobre 2003. Avant le mariage, M. Griffith a avisé Mme Burton de son statut d’immigration.

[4]               Bien que mariée, Mme Burton continua d’habiter chez ses parents et n’informa personne de son mariage. M. Griffith n’a jamais rencontré les parents ou les frères et sœurs de Mme Burton. Lors de l’audition de la SAI, les parents de Mme Burton n’étaient toujours pas au courant du mariage de leur fille.

[5]               M. Griffith a été renvoyé à Saint­Vincent­et­les­Grenadines le 28 mars 2007. Suite à cet événement, Mme Burton a déposé une demande de parrainage le 17 novembre 2009 dans le but de parrainer M. Griffith par la catégorie de regroupement familial.

III.             Décision faisant l’objet du contrôle

[6]               Le 4 août 2011, le Haut­commissariat du Canada de la république de Trinité­et­Tobago a émis une lettre de refus de la demande de parrainage fondé sur deux motifs : premièrement, le mariage des demandeurs n’est pas authentique et a été contracté principalement à des fins d’immigration; deuxièmement, parce que M. Griffith n’est pas admissible en vertu de l’alinéa 36(1)a) de la LIPR puisqu’il a été trouvé coupable d’une infraction concernant certaines substances réglementées à Saint­Vincent­et­les­Grenadines.

[7]               En appel de cette décision, la SAI a conclu selon la balance des probabilités que l’immigration était la principale considération de ce mariage. La SAI est d’avis que Mme Burton est un témoin crédible. Elle a témoigné qu’au moment de son mariage avec M. Griffith, elle ne se sentait ni prête ni assez mature pour déménager de chez ses parents. Elle ne se sentait par ailleurs pas prête à risquer sa relation avec ses parents pour son mariage, qu’ils auraient désapprouvé en raison de l’appartenance ethnique de M. Griffith. Mme Burton déclare qu’elle et M. Griffith se sont mariés pour demeurer ensemble au Canada.

[8]               Dans son examen de l’appel, la SAI a pris en considération quelle version du paragraphe 4(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002­227, (le Règlement) devrait s’appliquer. En se fondant sur la décision Gill c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1522 [Gill], la SAI conclut que la version applicable à l’espèce est celle qui était en vigueur au moment de l’appel.

[9]               La conclusion selon laquelle le mariage avait été contracté principalement dans le but d’obtenir un statut ou un privilège en vertu de la Loi était suffisante pour disposer de l’appel. La SAI a refusé de se prononcer sur l’authenticité du mariage et sur l’inadmissibilité apparente de M. Griffith en raison d’un dossier criminel.

IV.             Questions en litige

[10]           Les appelants font valoir, au soutien de cette demande de contrôle judiciaire, que la SAI a commis une erreur en appliquant la nouvelle version du Règlement et en interprétant mal les éléments de preuve présentés par Mme Burton.

[11]           Les défendeurs quant à eux soutiennent que la SAI n’a pas commis d’erreur dans son analyse de l’authenticité du mariage et font valoir que la loi est claire sur la question des versions du Règlement à appliquer.

[12]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève essentiellement les questions suivantes :

1.                  Quelle est la version applicable du Règlement?

2.                  La SAI a­t­elle commis une erreur dans son évaluation de la qualité du mariage des demandeurs?

V.                Analyse

A.                Norme de contrôle

[13]           La Cour a déterminé par le passé que les décisions de la SAI, un tribunal spécialisé, doivent être évaluées avec déférence et selon la norme de la décision raisonnable. MacDonald c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 978 au paragraphe 16 [MacDonald]; Dalumay c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1179 au paragraphe 19 [Dalumay]; Kaur Barm c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 893 aux paragraphes 11 et 12.

[14]           Le contrôle judiciaire de la décision de la SAI concernant la version du Règlement à appliquer doit se faire en fonction de la norme de la décision correcte : Gill au paragraphe 18.

[15]           La détermination de l’objectif du mariage est une question mixte de faits et de droit, devant être évaluée selon la norme de la décision raisonnable. Gill au paragraphe 17; Sandhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 834 au paragraphe 8; Akter c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 974 au paragraphe 20; Aburime c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 194 au paragraphe 19.

B.                 Règlement applicable

[16]           La SAI s’est d’abord penchée sur le paragraphe 4(1) du Règlement afin de déterminer si la version à appliquer à l’espèce devait être celle en vigueur au moment de la demande (en novembre 2009) ou celle en vigueur au moment de la détermination. La disposition pertinente du Règlement a été modifiée en septembre 2010. La SAI a conclu que l’agent des visas n’a pas commis d’erreur en appliquant le paragraphe 4(1) en vigueur au moment de sa décision (en août 2011). Par ailleurs, la SAI a considéré l’affaire de nouveau et a appliqué la disposition telle qu’en vigueur au moment de l’appel (en mai 2015).

[17]           La formulation actuelle du paragraphe 4(1) du Règlement appliqué par la SAI, dispose que :

4. (1) Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux, le conjoint de fait ou le partenaire conjugal d’une personne si le mariage ou la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux, selon le cas :

4. (1) For the purposes of these Regulations, a foreign national shall not be considered a spouse, a common­law partner or a conjugal partner of a person if the marriage, common­law partnership or conjugal partnership

a) visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la Loi;

(a) was entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act; or

b) n’est pas authentique.

(b) is not genuine.

[18]            Cette formulation a été modifiée en septembre 2010 pour ajouter le mot « selon le cas » avant l’énumération a) et b), remplaçant ainsi le mot « et ». L’ancienne version de l’article 4 se lit ainsi :

4. Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux, le conjoint de fait, le partenaire conjugal ou l’enfant adoptif d’une personne si le mariage, la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux ou l’adoption n’est pas authentique et vise principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi.

4. For the purposes of these Regulations, a foreign national shall not be considered a spouse, a common­law partner, a conjugal partner or an adopted child of a person if the marriage, common­law partnership, conjugal partnership or adoption is not genuine and was entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act.

[19]           L’avocat des demandeurs plaide qu’il s’agit d’un changement de fond plutôt que de procédure et que la présomption contre l’application rétrospective de la réglementation s’applique. Cela signifie, selon les demandeurs, que la demande de parrainage aurait dû être considérée en fonction de la formulation en vigueur au moment de la demande en 2009. Ils soutiennent que leur mariage est authentique et qu’il n’est donc pas pertinent de déterminer s’il a été contracté dans un but d’immigration.

[20]           L’arrêt Gustavson Drilling (1964) Ltd c. M.N.R, [1977] 1 RCS 271 à la p. 279 [Gustavson Drilling] nous enseigne le principe selon lequel « les lois ne doivent pas être interprétées comme ayant une portée rétroactive à moins que le texte de la Loi ne le décrète expressément ou n’exige implicitement une telle interprétation ». Cela signifie qu’en l’absence d’une intention législative spécifique, une modification à la loi est présumée ne pas affecter les droits acquis. Gustavson Drilling à la p. 282; R c. Dineley, 2012 CSC 58 au paragraphe 10. Ainsi, la vraie question est de savoir si en déposant une demande de parrainage d’un époux, les demandeurs ont acquis un droit auquel serait attachée la présomption. Si tel est le cas, leur demande devrait être examinée en vertu de la formulation qu’avait l’article 4 en 2009, au moment de la demande.

[21]           Cela exige de considérer quels droits, si « droit » il y a, ont été acquis par les demandeurs lors du dépôt de la demande de parrainage d’époux et si ces droits sont de nature fondamentale ou procédurale. Ce dernier point est pertinent puisque la présomption de droit acquis ne s’appliquera qu’en présence de droits fondamentaux et non en matière de procédure. Demande fondée sur l’art. 83.28 du Code criminel (Re), 2004 CSC 42 au paragraphe 62.

[22]           Dans le contexte du parrainage d’un époux, la Cour d’appel fédérale a discuté du processus d’une telle demande dans l’arrêt dela Fuente c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 186 aux paragraphes 34 à 36 [dela Fuente] :

[34]      Pour l’alinéa 117(9)d), « cette demande » est la « demande » par laquelle « le répondant est devenu résident permanent ». Cette description de la demande n’apparaît que dans l’alinéa 117(9)d), et la Loi n’en donne pas de définition. Toutefois, l’expression « résident permanent » est définie au paragraphe 2(1) de la LIPR comme une personne qui a ce statut, et la LIPR dispose que l’étranger devient résident permanent si l’agent d’immigration constate au point d’entrée qu’il a demandé ce statut (paragraphe 21(1)), qu’il détient un visa et qu’il est venu au Canada pour s’y établir en permanence (et qu’il n’est pas interdit de territoire) (alinéa 20(1)a)).

[35]      Les démarches effectives que suppose ce processus, pour autant qu’on puisse les déceler à la lecture du formulaire officiel que j’ai évoqué, et à la lecture du Guide de l’immigration : Traitement des demandes à l’étranger (OP), semblent confirmer ce régime. Si l’on suit la procédure que je viens de décrire brièvement, le processus débute par le dépôt, au bureau des visas désigné, d’un formulaire de « Demande de résidence permanente au Canada », qui est rempli en vue de l’obtention d’un visa permettant à son titulaire, membre de la catégorie précisée, de se rendre au Canada. Une fois le visa délivré, l’étranger est invité à se présenter à un point d’entrée, muni de son visa, et à convaincre l’agent d’immigration qu’il est venu au Canada pour s’y établir en permanence. Si l’agent est ainsi convaincu, l’étranger obtient le droit d’entrer au Canada pour s’y établir en permanence. Voilà comment est acquis le statut de résident permanent.

[36]      Ainsi, « cette demande », la demande de résidence permanente, débute donc par le dépôt du formulaire officiel, et le processus se termine au point d’entrée, lorsque l’étranger est autorisé à entrer au Canada en tant que résident permanent.

La Cour conclut au paragraphe 51 :

(...) l’expression « à l’époque où cette demande a été faite », dans l’alinéa 117(9)d) du Règlement, s’entend de la durée de la demande, depuis la date à laquelle elle a été amorcée par le dépôt du formulaire officiel jusqu’à la date à laquelle l’intéressé obtient le statut de résident permanent au point d’entrée.

La Cour d’appel fédérale a donc confirmé que le dépôt d’une demande est la première étape d’un processus qui se termine lorsqu’une décision relative à l’octroi de la résidence permanente est rendue. Bien que l’arrêt de la Fuente concerne l’interprétation de l’expression « à l’époque où cette demande a été faite» de l’alinéa 117(9)d) du Règlement, les commentaires généraux de la Cour sur la nature d’une demande de résidence permanente sont éclairants.

[23]           Cette décision est également conforme à l’arrêt Gill, dans lequel le juge en chef Crampton conclut que Mme Gill, qui avait déposé une demande de parrainage, ne détenait pas de droit acquis à ce que sa demande soit examinée en fonction du droit en vigueur au moment du dépôt de son avis d’appel :

[39]      Contrairement à ce qu’affirme Mme Kaur Gill, celle­ci n’a pas acquis le droit de voir sa demande de parrainage de son mari examinée sous le régime de la version du Règlement qui était en vigueur avant le 30 septembre 2010, et elle ne l’a pas acquis au moment où elle a présenté son avis d’appel à la SAI.

[40]      Il en est ainsi parce que les personnes qui présentent de telles demandes n’acquièrent aucun droit avant qu’aient été remplies toutes les conditions préalables à l’exercice du droit dont elles souhaitent se prévaloir par leur demande (R. c. Puskas, [1998] 1 R.C.S. 1207, au paragraphe 14; Apotex Inc c. Canada (Procureur général), [1994] 1 CF 742, aux paragraphes 56 à 63 (CA); Scott c. College of Physicians & Surgeons of Saskatchewan [1992] SJ no 432, p. 718 (CA); Kazi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 948, au paragraphe 19; Gustavson Drilling, précité). Tant qu’une décision définitive n’a pas été rendue au sujet de la demande, la demanderesse n’a que des droits éventuels futurs qui restent à déterminer (Bell Canada c. Palmer [1974] 1 CF 186, aux paragraphes 12 à 15 (CA) [Palmer]; McAllister c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] 2 CF 190, aux paragraphes 53 et 54); Chu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 893, aux paragraphes 67 et 68). Autrement dit, la demanderesse n’a rien de plus que l’espoir que sa demande sera fructueuse. Il ne peut être porté atteinte à aucun droit de façon rétroactive ou rétrospective par une modification du critère applicable aux demandes de parrainage d’un conjoint. Compte tenu que la décision de la Cour, dans le jugement McDoom c. Canada (Ministre de la Main­d’œuvre et de l’Immigration), [1978] 1 CF 323, qui traitait d’un régime législatif considérablement différent, va dans le sens contraire, je refuse avec égards d’adhérer à cette décision.

[24]           Depuis l’arrêt Gill, la Cour a constamment maintenu que le droit de parrainer un membre de la famille n’est pas acquis tant qu’une décision positive n’a pas été rendue : MacDonald au paragraphe 25; Dalumay aux paragraphes 24 et 25; Lukaj c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 8 au paragraphe 22.

[25]           Dans cette affaire, tant l’agent des visas que la SAI ont appliqué la version du Règlement en vigueur au moment de leur décision respective. La détermination par la SAI du Règlement applicable était correcte.

C.                 La SAI a­t­elle commis une erreur dans son évaluation du mariage des demandeurs?

[26]           La SAI a conclu que le mariage entre les demandeurs visait en fait à aider M. Griffith à demeurer au Canada. Les demandeurs ont admis au cours de l’audience qu’ils ne se seraient pas mariés si rapidement si M. Griffith n’avait pas été enjoint à quitter le pays et que le mariage avait en partie pour objectif de lui permettre de rester au Canada. Cette admission, considérée avec d’autres facteurs comme l’historique d’immigration de M. Griffith, le fait que Mme Burton cache son mariage à sa famille et que les époux ne cohabitent pas ensemble au Canada, constituent des motifs raisonnables pour conclure que le but premier de leur mariage était de permettre à M. Griffith d’obtenir un statut ou un privilège en vertu de la LIPR.

[27]           Dans l’arrêt Gill, le juge en chef Crampton résume la méthode à utiliser pour évaluer l’authenticité d’un mariage en vertu de l’article 4 :

[29]      [...] Une simple lecture de l’article 4 du Règlement permet de voir qu’il s’agit de deux critères distincts. Si la constatation de l’authenticité d’un mariage excluait la possibilité de conclure que le mariage a été contracté principalement en vue de l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la LIPR, le second critère deviendrait superflu. Une telle chose irait a l’encontre de la présomption d’absence de dispositions « superfétatoires ». (R c. Proulx, 2000 CSC 5, [2000] 1 R.C.S. 61, au paragraphe 28).

[30]      Il est bien établi que malgré les liens forts qui existent entre les deux critères énoncés à l’article 4, ceux­ci demeurent distincts. (Sharma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1131, au paragraphe 17; Grabowski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1488, au paragraphe 24; et Keo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1456, aux paragraphes 11 et 12. Voir aussi Macdonald c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 978, aux paragraphes 18 et 19; Elahi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 858, au paragraphe 12; et Kaur Gill c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 122, au paragraphe 13.)

[28]           Puisque chacun de ces critères peut être suffisant en lui­même pour disposer d’une demande, ce n’est pas une erreur de s’abstenir, comme l’a fait la SAI, de considérer l’authenticité du mariage lorsqu’il a été précédemment déterminé que le but principal dudit mariage était l’immigration. Par conséquent, la SAI n’avait pas l’obligation d’examiner l’authenticité du mariage.

[29]           Les observations de la Cour dans l’arrêt Singh c. Canada (Citoyenneté et Immigration)), 2014 CF 1077 [Singh] nous éclairent par ailleurs à propos de la période à prendre en considération pour l’évaluation du critère de l’objectif principal :

[20]      Ce qui n’a pas changé dans le nouveau libellé du Règlement par rapport à l’ancien, c’est l’emploi du passé lorsqu’il est question du critère de l’objectif principal (« visait ») et de l’emploi du présent (« n’est pas authentique ») pour ce qui est du critère de l’authenticité. Par conséquent, il convient d’évaluer l’authenticité du mariage au présent et l’objectif principal du mariage au passé, c’est­à­dire au moment où ce dernier a eu lieu. Cette distinction ressort clairement de l’emploi du passé lorsqu’il est question de l’objectif principal (4(1)a)) et du présent lorsqu’il s’agit de l’authenticité (4(1)b)), et ce, tant dans la version anglaise que dans la version française du Règlement.

[30]           En l’espèce, la SAI n’a pas commis d’erreur en concluant qu’au moment du mariage, l’objectif principal de celui­ci était l’immigration. Cette décision est raisonnable.

VI.             Questions à certifier

[31]           Les demandeurs ont soumis trois questions à certifier. La première fait référence à la version du Règlement à appliquer aux faits. Cela a été répondu par l’arrêt Gill. Une question ayant déjà été adéquatement réglée par les tribunaux ne transcende pas les intérêts des parties : Dubrézil c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 142, au paragraphe 16. Un simple désaccord avec l’arrêt Gill ne justifie pas une certification.

[32]           Les deux autres questions soumises par les demandeurs allèguent qu’il y a présence inhérente d’un conflit lorsque l’objectif principal et l’authenticité sont évalués séparément. Les demandeurs soutiennent que les deux volets du paragraphe 4(1) sont liés et que la conclusion d’authenticité du mariage doit nécessairement sous­entendre qu’il n’a pas été contracté principalement dans un but d’immigration. Ils font également valoir que le paragraphe 4(1) est ultra vires et contraire à l’ordre public puisqu’il enfreint l’objectif du regroupement familial prévu dans la LIPR. Ces questions ont été respectivement réglées dans l’arrêt Gill et les décisions citées à son soutien et dans l’arrêt Singh.

[33]           Je reconnais que dans l’arrêt Singh, la Cour a accepté de certifier une question et je souscris à l’analyse qui y a été faite. Je suis également lié aux décisions de la Cour d’appel fédérale sur lesquelles la Cour se fonde : Azizi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 406 aux paragraphes 27 à 32; dela Fuente au paragraphe 48. Comme l’a noté la Cour d’appel fédérale dans Azizi, l’objectif du regroupement familial doit être considéré en fonction de l’objectif du maintien de l’intégrité du système d’immigration. Ces questions ne transcendent pas les intérêts des parties.

[34]           Je ne certifierai donc aucune question. Voir Zazai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 89 et Boni c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 68.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

« Ann Marie McDonald »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2401-15

 

INTITULÉ :

AIMEE HELENA BURTON ET KAHARY MATU GRIFFITH c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION, ET, LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 21 janvier 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

La juge McDonald

 

DATE :

Le 23 mars 2016

 

COMPARUTIONS :

Barbara Jackman

 

Pour les demandeurs

 

Judy Michaely

 

Pour les défendeurs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman, Nazami & Associates

Avocats­procureurs

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandeurs

 

William F. Pentney

Sous­procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour les défendeurs

 

 

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