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Date : 20160222


Dossier : IMM­4064­15

Référence : 2016 CF 233

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 22 février 2016

En présence de monsieur le juge Campbell

ENTRE :

LODOE SANGPO

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               Le demandeur conteste par la présente demande la décision du 19 août 2015 par laquelle la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a déterminé que le demandeur n’est pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

[2]               M. Sangpo est né en Inde de parents tibétains; il n’a jamais vécu au Tibet. M. Sangpo a présenté une demande de protection uniquement contre la Chine. Il affirme qu’il ne peut pas retourner en Inde, car l’Inde ne le reconnaîtrait pas comme citoyen et qu’il risquerait d’être expulsé en Chine où il ferait l’objet de persécution en raison de son ethnicité tibétaine.

[3]               La SPR a conclu que l’Inde était le pays de référence approprié et que, étant donné que M. Sangpo n’avait pas demandé de protection contre l’Inde, il n’existait aucun risque raisonnable qu’il fasse l’objet de persécution ou d’un préjudice de la part d’une autorité de ce pays. Pour en arriver à cette conclusion, une question de droit essentielle a été de déterminer si l’obtention de la citoyenneté indienne relevait du pouvoir du demandeur.

[4]               La SPR a rejeté la demande du demandeur après avoir conclu que « selon la prépondérance des probabilités, le demandeur a droit à la citoyenneté indienne » (Paragraphe 11 de la décision) [Non souligné dans l’original]. Pour parvenir à sa conclusion, la SPR invoque la décision de la juge Tremblay­Lamer dans l’arrêt semblable Dolma c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 703 (Dolma) :

 [TRADUCTION]

La question en litige devant la Commission est celle du pays de référence du demandeur. Pour les motifs qui suivent, la Commission conclut que le demandeur a droit à la citoyenneté indienne par la naissance et selon les lois et la jurisprudence indiennes. La Commission conclut qu’en tant que citoyen indien, le demandeur peut retourner en Inde sans crainte de faire l’objet de persécution ou d’un préjudice. En rendant sa décision, la Commission a pris en considération les conclusions de madame la juge Tremblay­Lamer (citation) et la question de savoir s’il relevait du pouvoir du demandeur d’obtenir la citoyenneté indienne.

[…]

Pour reprendre les paroles de la juge Tremblay­Lamer, l’obtention de la citoyenneté indienne relevait du pouvoir du demandeur (Ibid.). Néanmoins, il n’avait rien fait pour cela. […]

(Paragraphes 9 et 12 de la décision) [Non souligné dans l’original]

[5]               Je conclus que la SPR a mal compris les conclusions de la juge Tremblay­Lamer dans Dolma, aux paragraphes 32 à 34, comme il est souligné ci­dessous :

[traduction]

Le demandeur n’a fourni ni élément de preuve ni argument pour expliquer pourquoi la citoyenneté indienne ne lui serait pas accordée et il a déclaré n’avoir pas tenté d’obtenir la citoyenneté indienne.

J’estime que le fait d’obliger les demandeurs d’asile à démontrer qu’ils ont demandé et se sont fait refuser la citoyenneté d’un pays donné équivaudrait à restreindre la définition de réfugié prévue dans la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 (la Convention) et à l’article 96 de la LIPR. La question à se poser est de savoir si, selon les éléments de preuve dont disposait la Commission, il est permis de douter, après avoir examiné les lois, les pratiques, la jurisprudence et les politiques du pays de nationalité éventuelle, que l’obtention de la citoyenneté de ce pays ne soit pas considérée comme automatique ou comme relevant du pouvoir du demandeur, et non pas de savoir si celui­ci a fait des démarches en ce sens et a été débouté. Ainsi seraient exclues de la protection offerte aux réfugiés toutes les personnes qui n’ont pas déjà demandé la citoyenneté pour un certain nombre de raisons, y compris l’incapacité d’acquitter les frais relatifs à la demande ou aux procédures judiciaires découlant de celle­ci.

Comme l’ont écrit James Hathaway et Michelle Foster, un pays sera considéré comme un pays de référence pour les besoins de l’appréciation du statut de réfugié si la citoyenneté du demandeur dans ce pays [traduction] « existe déjà de façon embryonnaire et n’a qu’à être activée au moyen d’une demande qui sera sans aucun doute acceptée » (The Law of Refugee Status, 2e édition [University Printing House: Cambridge, 2014], à la page 59).

En l’espèce, les éléments de preuve figurant au dossier ont établi sans équivoque que si le demandeur, qui est d’origine tibétaine, demandait un passeport indien, il n’est absolument pas certain qu’il l’obtiendrait. Par conséquent, la reconnaissance de sa citoyenneté n’était pas automatique et n’était pas en son pouvoir.

[Non souligné dans l’original.]

[6]               Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la décision rendue constitue une erreur fondamentale de droit.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la décision à l’examen est infirmée, et l’affaire est renvoyée pour réexamen à un tribunal différemment constitué.

Il n’y a pas de question à certifier.

« Douglas R. Campbell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM­4064­15

 

INTITULÉ :

LODOE SANGPO c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 19 février 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE CAMPBELL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 22 février 2016

 

COMPARUTIONS :

Clifford Luyt

 

Pour le demandeur

 

Neeta Logsetty

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Clifford Luyt

Avocat­procureur

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous­procureur général du Canada

 

Pour le défendeur

 

 

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