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Date : 20160215


Dossier : T-903-15

Référence : 2016 CF 199

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 15 février 2016

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

SUSAN AUCH

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   INTRODUCTION

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F­7 [la Loi] à l’encontre d’une décision rendue le 23 mars 2015 [la décision] d’un membre de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale, rejetant l’autorisation d’interjeter appel d’une décision de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

II.                CONTEXTE

[2]               La demanderesse a reçu des prestations de maternité et des prestations parentales en vertu de la Loi sur l’assurance­emploi, L.C. 1996, ch. 23 [la « LAE »], du 3 juin 2007 au 17 mai 2008.

[3]               Le 21 juin 2007, la Commission de l’assurance­emploi du Canada [la Commission] a téléphoné à la demanderesse pour l’aviser que sa rémunération perçue à titre d’agente immobilière devait être communiquée à la Commission afin qu’elle puisse être déduite de ses prestations. Le même jour, la Commission a envoyé une lettre expliquant en quoi le travail indépendant affecte une demande.

[4]               En 2011, la Commission a appris que la demanderesse avait déclaré une rémunération provenant d’un travail indépendant d’un montant de 90 000 $ sur son état T1 de 2008.

[5]               Le 4 novembre 2011, la Commission, ne sachant pas que la demanderesse avait déménagé, a posté une lettre à l’adresse figurant à son dossier lui demandant des renseignements supplémentaires concernant sa rémunération en 2008. Le 5 janvier 2012, une lettre de suivi a été envoyée. Ces communications sont restées sans réponse de la part de la demanderesse.

[6]               Le 19 novembre 2012, pensant que la demanderesse avait fait une déclaration fausse ou trompeuse, étant donné que sa rémunération n’avait pas été déclarée alors qu’elle percevait des prestations et qu’aucun renseignement contradictoire n’a été soumis, la Commission a émis un avis de violation du compte rendu de décision. La rémunération déclarée pour 2008 a été répartie selon un taux de 1 746 $ pendant 19 semaines et de 1 396 $ pendant une semaine, entraînant un trop­payé de 8 707,32 $.

[7]               En mars 2013, la Commission a été avisée par la demanderesse qu’elle n’avait jamais reçu ces lettres et qu’elle avait déménagé au Manitoba. La Commission a par la suite accordé plus de temps à la demanderesse pour fournir les renseignements supplémentaires concernant sa rémunération pour l’année 2008.

[8]               Le 11 juin 2013, la demanderesse a écrit à la Commission pour l’aviser qu’elle n’avait ni travaillé ni perçu de salaire pendant son congé de maternité. Elle n’a fourni aucune pièce justificative pour corroborer son récit et elle a prétendu que le revenu d’entreprise qu’elle a gagné en tant qu’agente immobilière a été gagné après son congé de maternité et qu’il n’y avait donc aucune raison de déterminer son revenu une nouvelle fois. La lettre a été renvoyée deux fois par la demanderesse et a été reçue par le Commission le 12 septembre 2013, puis de nouveau le 18 octobre 2013.

[9]               Le 25 octobre 2013, la demanderesse a déposé une demande de réexamen du trop­payé. Le 26 novembre 2013, la Commission a accusé réception de la demande dans une lettre et elle a de nouveau demandé une preuve documentaire démontrant que la demanderesse n’a pas dégagé pas de revenus alors qu’elle percevait des prestations.

[10]           Le 5 décembre 2013, la Commission, n’ayant reçu aucune réponse de la demanderesse, a essayé de la joindre par téléphone, sans y parvenir. Le 6 décembre 2013, une lettre a été envoyée à la demanderesse l’avisant du refus de réexamen étant donné qu’aucun document n’avait été fourni pour corroborer sa position.

[11]           Le 13 janvier 2014, un avis de dette a été émis pour un trop­payé d’un montant de 8 707,32 $.

[12]           Le 28 janvier 2014, la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale a avisé la demanderesse dans une lettre qu’elle procéderait par voie de questions et réponses écrites. La date limite de réception des réponses écrites de la demanderesse était le 21 février 2014; la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale n’a reçu aucune réponse écrite de la part de la demanderesse.

[13]           Le 25 février 2014, la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale a rejeté l’appel de la demanderesse. Le 26 juin 2014, la demanderesse a demandé l’autorisation d’interjeter appel à la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale. Le 23 mars 2015, la demande d’autorisation d’interjeter appel a été rejetée par un membre de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale.

III.             DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

A.                Décision de la Division d’appel

[14]           La décision du 23 mars 2015 de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale rejetant la demande d’autorisation d’interjeter appel de la demanderesse, fait l’objet du présent contrôle judiciaire. Selon la décision, la demanderesse a simplement repris les mêmes observations qu’elle avait présentées à la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Le membre a conclu que la demanderesse demandait essentiellement que l’affaire soit à nouveau entendue et qu’une conclusion différente soit tirée. La demanderesse n’a pas expliqué en quoi la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale avait commis au moins une erreur susceptible de contrôle. Le membre a indiqué qu’à ce titre, la loi ne permettrait pas l’intervention de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale.

B.                 Décision de la Division générale

[15]           Par suite d’une audience de questions et réponses, la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale a décidé, le 25 février 2014, que les sommes reçues par la demanderesse au cours de la période durant laquelle elle percevait aussi des prestations ont été adéquatement réparties par la Commission en tant que « rémunération », conformément à l’article 35 du Règlement sur l’assurance­emploi, DORS/96­332 [Règlement sur l’assurance­emploi], et que l’imposition d’une pénalité d’avertissement en vertu des articles 38 et 41.1 de la LAE était justifiée.

[16]           Concluant qu’il incombait à la demanderesse de démontrer que tout argent qu’elle a gagné a été reçu après la fin de la période de prestations, la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale a conclu que la demanderesse ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait, puisqu’elle n’a pas fourni de preuve à l’appui indiquant les dates de paiement auxquelles elle a reçu les sommes en question.

[17]           En ce qui concerne l’avertissement émis par la Commission, la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale a examiné si une déclaration fausse ou trompeuse avait été faite, si elle avait été faite sciemment et si la Commission avait correctement exercé son pouvoir discrétionnaire pour le calcul du montant de la pénalité. Il a été déterminé que, selon la prépondérance des probabilités, la demanderesse a fait une déclaration fausse ou trompeuse en omettant de déclarer sa rémunération alors qu’elle percevait des prestations, malgré avoir été informée de devoir le faire. La Direction générale du Tribunal de la sécurité sociale a conclu que la lettre d’avertissement constituait un exercice légitime de la discrétion de la Commission d’imposer des pénalités en vertu de l’article 38 de la LAE.

IV.             QUESTIONS EN LITIGE

[18]           Le contrôle judiciaire vise principalement à déterminer si la décision de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale de refuser l’autorisation d’interjeter appel était raisonnable. Dans ses observations écrites, la demanderesse soulève les points en litige suivants :

1)      Le paragraphe 52(1) de la LAE crée un délai de prescription de 36 mois. Le défendeur n’a pas intenté d’action contre la demanderesse dans ce délai de prescription.

2)      Le paragraphe 52(5) de la Loi prévoit que lorsque la Commission estime qu’une déclaration ou affirmation fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demande de prestations, elle dispose d’un délai de soixante­douze mois pour réexaminer la demande.

3)      La demanderesse soutient qu’elle n’a pas fait de déclaration ni d’affirmation fausse ou trompeuse relativement à une demande de prestations et que le défendeur a abusé de son pouvoir discrétionnaire pour prétendre que la demanderesse a fait une déclaration ou une affirmation fausse ou trompeuse afin de prolonger le délai de prescription.

4)      Dans la décision, il a été décidé que la demanderesse [traduction] « avait reçu de l’argent qui lui a été versé en tant que revenu tiré d’une entreprise lié à son emploi d’agente immobilière. »

5)      La demanderesse soutient que ce n’est pas vrai et que la demanderesse n’a pas touché de commission immobilière au cours de la période de prestations.

V.                NORME DE CONTRÔLE

[19]           La Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c. Nouveau­Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir] a décidé que l’analyse de la norme de contrôle n’a pas besoin d’être menée dans tous les cas. En revanche, lorsque la norme de contrôle applicable à la question en cause est bien établie en jurisprudence, la cour de révision peut l’adopter. Ce n’est que lorsque la jurisprudence est muette ou qu’elle semble incompatible avec l’évolution récente du droit en matière de contrôle judiciaire que l’examen des quatre facteurs de cette analyse est nécessaire : Agraira c. Canada (Sécurité publique et de la Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 48.

[20]           Les points en litige soulevés par la demanderesse ont mis en avant trois préoccupations principales : points 1 et 2 : traiter l’interprétation d’un délai de prescription du Tribunal de la sécurité sociale; point 3 : mention d’une allégation d’abus de discrétion de la part du Tribunal de la sécurité sociale et points 4 et 5 : demander à la Cour de déterminer si le Tribunal de la sécurité sociale a eu tort de conclure que la demanderesse avait gagné un revenu en dehors de la période de prestations.

[21]           Le défendeur soutient, et je suis d’accord, que l’analyse en deux étapes qui a guidé la Cour auparavant dans le cadre de l’examen des décisions de l’ancienne Commission d’appel des pensions (aujourd’hui remplacée par le Tribunal de la sécurité sociale) relatives aux demandes d’autorisation d’interjeter appel, doit être réexaminée. Cette analyse consistait à établir : 1) si le bon critère avait été appliqué; 2) s’il y avait eu une erreur lorsqu’il a été déterminé s’il y avait une cause défendable. La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, 2005, ch. 34, art. 1 [LMEDS], la loi habilitante de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale, établie désormais le critère quant à l’autorisation d’interjeter appel à l’article 58.

[22]           Dans Atkinson c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 187, la Cour d’appel fédérale a examiné la norme de contrôle applicable aux décisions de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale relativement au Régime de pensions du Canada. Dans cet arrêt, la Cour a conclu que puisque la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale interprétait et appliquait sa loi constitutive et que la présomption d’une norme de la raisonnabilité n’avait pas été réfutée, il s’agissait de la norme de contrôle appropriée (aux paragraphes 24 à 32). Ce raisonnement a récemment été appliqué dans Thibodeau c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 167, au paragraphe 35, où la Cour a conclu que la LAE était étroitement liée au mandate du Tribunal de la sécurité sociale et qu’un devoir de retenue doit être présumé. Voir aussi l’arrêt Tracey c. Canada (procureur général), 2015 CF 1300. De même, les préoccupations soulevées par la demanderesse sont toutes liées à l’interprétation par le Tribunal de la sécurité sociale de sa loi constitutive, de ses capacités et de sa discrétion, et sont des questions mixtes de fait et de droit. Par conséquent, la norme de la raisonnabilité s’applique à chacun des points en litige soulevés dans la présente demande.

[23]           Lorsque la Cour effectue le contrôle de la décision selon la raisonnabilité, son analyse tiendra « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : voir Dunsmuir, précité, paragraphe 47; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que si la décision était déraisonnable, en ce sens qu’elle n’appartenait pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

VI.             DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[24]           Les dispositions suivantes de la LAE s’appliquent en l’espèce :

Rémunération non déclarée

Undeclared Earnings

19(3) Lorsque le prestataire a omis de déclarer à la Commission tout ou partie de la rémunération qu’il a reçue à l’égard d’une période, déterminée conformément aux règlements, pour laquelle il a demandé des prestations :

19(3) If the claimant has failed to declare all or some of their earnings to the Commission for a period, determined under the regulations, for which benefits were claimed,

(a) la Commission déduit des prestations versées à l’égard de cette période un montant correspondant :

(a) the following amount shall be deducted from the benefits paid to the claimant for that period:

(i) à la rémunération non déclarée pour cette période, si elle estime que le prestataire a sciemment omis de déclarer tout ou partie de cette rémunération,

(i) the amount of the undeclared earnings, if, in the opinion of the Commission, the claimant knowingly failed to declare the earnings, or

(ii) dans tout autre cas, à celui obtenu par soustraction, du total de la rémunération non déclarée qu’il a reçue pour cette période, de la différence entre l’exemption à laquelle il a droit, pour cette période, au titre du paragraphe (2) et celle dont il a bénéficié;

(ii) in any other case, the amount of the undeclared earnings less the difference between

(A) all amounts determined under paragraph (2)(a) or (b) for the period,

and

(B) all amounts that were applied under those paragraphs in respect of the declared earnings for the period; and

(b) ce montant est déduit des prestations versées à l’égard des semaines commençant par la première semaine à l’égard de laquelle la rémunération n’a pas été déclarée, de sorte que le montant de la déduction pour chaque semaine consécutive soit égal au montant des prestations versées

(b) the deduction shall be made

(i) from the benefits paid for a number of weeks that begins with the first week for which the earnings were not declared in that period, and

(ii) in such a manner that the amount deducted in each consecutive week equals the claimant’s benefits paid for that week.

Pénalité : prestataire

Penalty for claimants, etc.

38 (1) Lorsqu’elle prend connaissance de faits qui, à son avis, démontrent que le prestataire ou une personne agissant pour son compte a perpétré l’un des actes délictueux suivants, la Commission peut lui infliger une pénalité pour chacun de ces actes :

38 (1) The Commission may impose on a claimant, or any other person acting for a claimant, a penalty for each of the following acts or omissions if the Commission becomes aware of facts that in its opinion establish that the claimant or other person has

(a) à l’occasion d’une demande de prestations, faire sciemment une déclaration fausse ou trompeuse;

(a) in relation to a claim for benefits, made a representation that the claimant or other person knew was false or misleading;

(b) étant requis en vertu de la présente loi ou des règlements de fournir des renseignements, faire une déclaration ou fournir un renseignement qu’on sait être faux ou trompeurs;

(b) being required under this Act or the regulations to provide information, provided information or made a representation that the claimant or other person knew was false or misleading;

(c) omettre sciemment de déclarer à la Commission tout ou partie de la rémunération reçue à l’égard de la période déterminée conformément aux règlements pour laquelle il a demandé des prestations;

(c) knowingly failed to declare to the Commission all or some of the claimant’s earnings for a period determined under the regulations for which the claimant claimed benefits;

(d) faire une demande ou une déclaration que, en raison de la dissimulation de certains faits, l’on sait être fausse ou trompeuse;

(d) made a claim or declaration that the claimant or other person knew was false or misleading because of the non-disclosure of facts;

(e) sciemment négocier ou tenter de négocier un mandat spécial établi à son nom pour des prestations au bénéfice desquelles on n’est pas admissible;

(e) being the payee of a special warrant, knowingly negotiated or attempted to negotiate it for benefits to which the claimant was not entitled;

(f) omettre sciemment de renvoyer un mandat spécial ou d’en restituer le montant ou la partie excédentaire comme le requiert l’article 44;

(f) knowingly failed to return a special warrant or the amount of the warrant or any excess amount, as required by section 44;

(g) dans l’intention de léser ou de tromper la Commission, importer ou exporter, ou faire importer ou exporter, un document délivré par elle;

(g) imported or exported a document issued by the Commission, or had it imported or exported, for the purpose of defrauding or deceiving the Commission; or

(h) participer, consentir ou acquiescer à la perpétration d’un acte délictueux visé à l’un ou l’autre des alinéas a) à g).

(h) participated in, assented to or acquiesced in an act or omission mentioned in paragraphs (a) to (g).

Restrictions relatives à l’imposition des pénalités

Limitation on imposition of penalties

40. Les pénalités prévues aux articles 38 et 39 ne peuvent être infligées plus de trente­six mois après la date de perpétration de l’acte délictueux ni si une poursuite a déjà été intentée pour celui­ci.

40. A penalty shall not be imposed under section 38 or 39 if

(a) a prosecution for the act or omission has been initiated against the employee, employer or other person;

or

(b) 36 months have passed since the day on which the act or omission occurred.

Avertissement

Warning

41.1 (1) La Commission peut, en guise de pénalité pouvant être infligée au titre de l’article 38 ou 39, donner un avertissement à la personne qui a perpétré un acte délictueux.

41.1 (1) The Commission may issue a warning instead of setting the amount of a penalty for an act or omission under subsection 38(2) or 39(2).

Prescription

Limitation period

(2) Malgré l’article 40, l’avertissement peut être donné dans les soixante­douze mois suivant la perpétration de l’acte délictueux.

(2) Notwithstanding paragraph 40(b), a warning may be issued within 72 months after the day on which the act or omission occurred.

Nouvel examen de la demande

Reconsideration of claim

52 (1) Malgré l’article 111 mais sous réserve du  paragraphe (5), la Commission peut, dans les trente­six mois qui suivent le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payables, examiner de nouveau toute demande au sujet de ces prestations.

52 (1) Despite section 111, but subject to subsection (5), the Commission may  consider a claim for benefits within 36 months after the benefits have been paid or would have been payable.

Décision

Decision

(2) Si elle décide qu’une personne a reçu une somme au titre de prestations pour lesquelles elle ne remplissait pas les conditions requises ou au bénéfice desquelles elle n’était pas admissible, ou n’a pas reçu la somme pour laquelle elle remplissait les conditions requises et au bénéfice de laquelle elle était admissible, la Commission calcule la somme payée ou à payer, selon le cas, et notifie sa décision au prestataire.

52 (2) If the Commission decides that a person has received money by way of benefits for which the person was not qualified or to which the person was not entitled, or has not received money for which the person was qualified and to which the person was entitled, the Commission must calculate the amount of the money and notify the claimant of its decision.

Prolongation du délai de réexamen de la demande

Extended time to reconsider claim

(5) Lorsque la Commission estime qu’une déclaration ou affirmation fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demande de prestations, elle dispose d’un délai de soixante­douze mois pour réexaminer la demande.

(5) If, in the opinion of the Commission, a false or misleading statement or representation has been made in connection with a claim, the Commission has 72 months within which to reconsider the claim.

Définition de participant

Definition of insured participant

58 Dans la présente partie, participant désigne l’assuré qui demande de l’aide dans le cadre d’une prestation d’emploi et qui, à la date de la demande, est un chômeur, selon le cas :

58 In this Part, insured participant means an insured person who requests assistance under employment benefits and, when requesting the assistance, is an unemployed person

(a) à l’égard de qui une période de prestations a été établie ou a pris fin au cours des soixante derniers mois;

(a) for whom a benefit period is established or whose benefit period has ended within the previous 60 months; or

(b) à l’égard de qui une période de prestations aurait été établie au cours des soixante derniers mois n’était le fait que le nombre d’heures qu’il a cumulées au cours de la période de cinquante­deux semaines qui précède le début de ce qui aurait été sa période de référence est inférieur à celui visé au paragraphe 7(4) et qui, au cours de ce qui aurait été sa période de référence, a exercé un emploi assurable pendant au moins le nombre d’heures indiqué au tableau figurant au paragraphe 7(2) ou 7.1(1) en fonction du taux régional de chômage qui lui est applicable.

(b) who would have had a benefit period established for them within the previous 60 months if it were not for the fact that they have had fewer than the hours referred to in subsection 7(4) in the last 52 weeks before what would have been their qualifying period and who, during what would have been that qualifying period, has had at least the number of hours of insurable employment indicated in the table set out in subsection 7(2) or 7.1(1) in relation to their applicable regional rate of unemployment.

[25]           Les dispositions suivantes de la Règlement sur l’assurance­emploi s’appliquent en l’espèce :

Détermination de la rémunération aux fins du bénéfice des prestations

Determination of Earnings for Benefit Purposes

35 (2) Sous réserve des autres dispositions du présent article, la rémunération qu’il faut prendre en compte pour vérifier s’il y a eu l’arrêt de rémunération visé à l’article 14 et fixer le montant à déduire des prestations à payer en vertu de l’article 19, des paragraphes 21(3), 22(5), 152.03(3) ou 152.04(4), ou de l’article 152.18 de la Loi, ainsi que pour l’application des articles 45 et 46 de la Loi, est le revenu intégral du prestataire provenant de tout emploi, notamment :

35 (2) Subject to the other provisions of this section, the earnings to be taken into account for the purpose of determining whether an interruption of earnings under section 14 has occurred and the amount to be deducted from benefits payable under section 19, subsection 21(3), 22(5), 152.03(3) or 152.04(4) or section 152.18 of the Act, and to be taken into account for the purposes of sections 45 and 46 of the Act, are the entire income of a claimant arising out of any employment, including:

(a) les montants payables au prestataire, à titre de salaire, d’avantages ou autre rétribution, sur les montants réalisés provenant des biens de son employeur failli;

(a) amounts payable to a claimant in respect of wages, benefits or other remuneration from the proceeds realized from the property of a bankrupt employer;

(b) les indemnités que le prestataire a reçues ou recevra pour un accident du travail ou une maladie professionnelle, autres qu’une somme forfaitaire ou une pension versées par suite du règlement définitif d’une réclamation;

(b) workers’ compensation payments received or to be received by a claimant, other than a lump sum or pension paid in full and final settlement of a claim made for workers' compensation payments;

(c) les indemnités que le prestataire a reçues ou a le droit de recevoir, sur demande, aux termes :

(c) payments a claimant has received or, on application, is entitled to receive under

(i) soit d’un régime collectif d’assurance­salaire,

(i) a group wage-loss indemnity plan,

(ii) soit d’un régime de congés payés de maladie, de maternité ou d’adoption,

(ii) a paid sick, maternity or adoption leave plan,

(iii) soit d’un régime de congés payés pour soins à donner à un ou plusieurs enfants visés aux paragraphes 23(1) ou 152.05(1) de la Loi,

(iii) a leave plan providing payment in respect of the care of a child or children referred to in subsection 23(1) or 152.05(1) of the Act,

(iv) soit d’un régime de congés payés pour soins ou soutien à donner à un membre de la famille visé aux paragraphes 23.1(2) ou 152.06(1) de la Loi,

(iv) a leave plan providing payment in respect of the care or support of a family member referred to in subsection 23.1(2) or 152.06(1) of the Act, or

(v) soit d’un régime de congés payés pour soins ou soutien à donner à un enfant gravement malade;

(v) a leave plan providing payment in respect of the care or support of a critically ill child;

(d) malgré l’alinéa (7)b) et sous réserve des paragraphes (3) et (3.1), les indemnités que le prestataire a reçues ou a le droit de recevoir, sur demande, dans le cadre d’un régime d’assurance­automobile prévu par une loi provinciale pour la perte réelle ou présumée du revenu d’un emploi par suite de blessures corporelles, si les prestations payées ou payables en vertu de la Loi ne sont pas prises en compte dans l’établissement du montant que le prestataire a reçu ou a le droit de recevoir dans le cadre de ce régime;

(d) notwithstanding paragraph (7)(b) but subject to subsections (3) and (3.1), the payments a claimant has received or, on application, is entitled to receive from a motor vehicle accident insurance plan provided under a provincial law in respect of the actual or presumed loss of income from employment due to injury, if the benefits paid or payable under the Act are not taken into account in determining the amount that the claimant receives or is entitled to receive from the plan;

(e) les sommes payées ou payables au prestataire, par versements périodiques ou sous forme de montant forfaitaire, au titre ou au lieu d’une pension;

(e) the moneys paid or payable to a claimant on a periodic basis or in a lump sum on account of or in lieu of a pension; and

(f) dans les cas où les prestations payées ou payables en vertu de la Loi ne sont pas prises en compte dans l’établissement du montant que le prestataire a reçu ou a le droit de recevoir en vertu d’une loi provinciale pour la perte réelle ou présumée du revenu d’un emploi, les indemnités que le prestataire a reçues ou a le droit de recevoir, sur demande, en vertu de cette loi provinciale du fait qu’il a cessé de travailler parce que la continuation de son travail mettait en danger l’une des personnes suivantes :

(f) where the benefits paid or payable under the Act are not taken into account in determining the amount that a claimant receives or is entitled to receive pursuant to a provincial law in respect of an actual or presumed loss of income from employment, the indemnity payments the claimant has received or, on application, is entitled to receive pursuant to that provincial law by reason of the fact that the claimant has ceased to work for the reason that continuation of work entailed physical dangers for

(i) le prestataire,

(i) the claimant,

(ii) l’enfant à naître de la prestataire,

(ii) the claimant's unborn child, or

 (iii) l’enfant qu’allaite la prestataire.

 (iii) the child the claimant is breast-feeding.

[26]           Les dispositions suivantes de la LMEDS en l’espèce :

Moyens d’appel

Grounds of Appeal

58 (1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

58 (1) The only grounds of appeal are that

(a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;

(a) the General Division failed to observe a principle of natural justice or otherwise acted beyond or refused to exercise its jurisdiction;

(b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;

(b) the General Division erred in law in making its decision, whether or not the error appears on the face of the record; or

(c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

(c) the General Division based its decision on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it.

VII.          ARGUMENTS

A.                La demanderesse

[27]           La demanderesse soutient qu’elle a communiqué régulièrement avec l’Agence du revenu du Canada [ARC], qui possédait toutes ses coordonnées à jour, et que la Commission aurait eu accès à ces renseignements par l’intermédiaire de ses communications avec l’ARC. La Commission aurait dû être en mesure de communiquer avec elle à toutes les dates où elle prétend avoir essayé de la joindre par téléphone ou par courrier.

[28]           La demanderesse affirme qu’en vertu du paragraphe 52(1) de la LAE, le délai de prescription prévu par la loi pour demander un remboursement de trop­payé de prestations a expiré le 17 mai 2011; le défendeur n’a pas tenté de communiquer avec la défenderesse avant cette date. La première fois que le défendeur a bien communiqué avec la demanderesse était par l’intermédiaire d’une lettre datée du 4 novembre 2011, soit 41 mois après l’expiration du délai de prescription. Étant donné que la Commission a conclu que la demanderesse avait fait des déclarations fausses ou trompeuses, elle a prolongé le délai de prescription jusqu’à 72 mois, conformément au paragraphe 52(5) de la LAE. La demanderesse nie avoir fait des déclarations fausses ou trompeuses et affirme que le délai de prescription n’aurait pas dû être prolongé, comme il s’agissait d’un abus de pouvoir de la Commission.

[29]           La demanderesse soutient qu’elle n’a pas gagné le revenu qu’on lui a attribué au cours de la période durant laquelle elle recevait des prestations de maternité (calculées à 1 746 $ pendant 19 semaines et à 1 396 $ pendant une semaine) et elle soutient avoir fourni une preuve à l’appui de cette affirmation. Elle affirme ne pas avoir faussement déclaré sa rémunération et avoir fourni suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer qu’elle n’a gagné aucun revenu pendant cette période. Les observations du défendeur affirmant l’inverse sont donc injustes et la demanderesse affirme qu’elle ne devrait pas se voir imposer de pénalité. De plus, le défendeur a commis une erreur de fait en lui attribuant un revenu annuel, alors que la demanderesse a perçu un revenu périodiquement et jamais à un moment correspondant à la période des prestations de maternité.

B.                 Le défendeur

[30]           Le défendeur soutient que la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale n’a pas commis d’erreur en rejetant l’autorisation d’interjeter appel de la décision de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale et que la décision a traité de manière raisonnable la question de savoir si la demanderesse avait invoqué des moyens d’appel ayant une chance de succès, en pratique. Le défendeur affirme que la demanderesse a simplement fait valoir que la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale avait tiré une conclusion de fait erronée, ce qui équivaut pour la demanderesse à demander que la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale réentende l’affaire et en arrive à une conclusion différente. La Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale a conclu que la demanderesse n’avait pas présenté de moyen d’appel ayant une chance de succès raisonnable, comme l’exige l’article 58 de la LAE.

[31]           Le défendeur soutient que la Commission a correctement réparti la rémunération de la demanderesse. Conformément au paragraphe 35(2) du Règlement sur l’assurance­emploi, la rémunération correspond à « Tout revenu en espèces ou non que le prestataire reçoit ou recevra d’un employeur ou d’une autre personne, notamment un syndic de faillite. »

[32]           Le défendeur affirme que la décision de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale était aussi raisonnable en confirmant que la Commission avait appliqué les lois régissant le réexamen des demandes, la répartition de la rémunération et les avertissements, conformément à la LAE et à son Règlement.

[33]           En ce qui a trait au régime législatif régissant le réexamen, le défendeur soutient qu’une fois que la Commission est au courant d’un litige qui concerne l’admissibilité ou le droit aux prestations d’un prestataire – ce qui peut comprendre une rémunération non déclarée – elle peut, en vertu du paragraphe 52(5) de la LAE, entamer le réexamen des prestations reçues jusqu’à 72 mois après qu’une demande de prestations ait été faite. Ce délai permet à la Commission de revenir sur ses pas et d’imposer des pénalités rétroactivement : Canada (Procureur Général) c. Landry, [1999] ACF no 1872, au paragraphe 22.

[34]           Le défendeur souligne que dans sa demande de contrôle judiciaire, la demanderesse allègue pour la première fois que le réexamen de sa demande par le Commission après 36 mois était [traduction] « prescrit » en vertu de l’article 52. Cet argument n’a été soulevé devant aucune des divisions du Tribunal de la sécurité sociale et n’est pas pertinent pour statuer sur le contrôle judiciaire.

[35]           De plus, le dossier de la demanderesse relatif au contrôle judiciaire contient de nouveaux éléments de preuve qui ne faisaient pas partie des documents en la possession de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale lorsqu’elle a rendu sa décision et sont, par conséquent, inadmissibles. Les seuls documents qui peuvent être pris en considération dans le cadre d’un contrôle judiciaire sont ceux dont disposait le décideur : Lemiecha (Tuteur d’instance) c. Canada (Emploi et Immigration), [1993] A.C.F. no 1333 (C.F. 1ère inst.), au paragraphe 4; Canada (Procureur général) c. Merrigan, 2004 CAF 253. Les nouveaux éléments de preuve comprennent une copie d’un courriel du Calgary Real Estate Board confirmant les commissions et les copies des feuilles de liste des transactions indiquant les commissions touchées.

[36]           Dans les observations liées au régime législatif régissant l’émission d’avertissements et de pénalité (y compris les articles 38, 40 et 41.1 de la LAE), le défendeur soutient que la Cour a établi qu’il incombait initialement à la Commission de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’un prestataire a fait sciemment une déclaration fausse ou trompeuse. Une fois cet élément établi à partir des éléments de preuve, il revient ensuite au prestataire de fournir une explication qui réfute l’inférence selon laquelle de fausses déclarations ont été faites sciemment : Canada (Procureur général) c. Gates, [1995] ACF nº 736, aux paragraphes 6 et 9; Nangle c. Canada (Procureur Général), 2003 CAF 210. Le défendeur soutient qu’il était probable que la demanderesse ait généré ou reçu la somme de 90 800 $ déclarée au cours des cinq premiers mois de l’année 2008, période durant laquelle elle recevait des prestations. Quand la demanderesse a refusé de fournir des renseignements supplémentaires qui auraient pu permettre à la Commission d’en venir à une autre conclusion, la probabilité a augmenté. Par conséquent, la Commission a agi conformément aux normes judiciaires en imposant un tel avertissement et il était raisonnable de la part de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale de maintenir cette conclusion.

VIII.       ANALYSE

[37]           Après avoir examiné le dossier devant moi dans le cadre de la présente demande, et après avoir entendu les parties en audience publique, je suis convaincu que madame Auch n’a reçu aucune somme durant sa période de prestations et qu’elle n’a, en fait, pas présenté la situation de façon trompeuse au Tribunal de la sécurité sociale. Bien sûr, cela ne rend pas les décisions ayant conclu le contraire déraisonnables ou inéquitables sur le plan de la procédure. La Commission, la Division générale et la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale n’ont pu se fonder que sur l’information et les observations que madame Auch leur avait fournies pendant la période pertinente, et lors du contrôle judiciaire, ces décisions doivent être évaluées au vu du dossier présenté à chaque tribunal. À proprement parler, bien sûr, je n’examine que la décision de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du 23 mars 2015, mais un contexte plus complet est nécessaire pour comprendre ce qui s’est produit en l’espèce et comment la décision a été prise.

[38]           Dans cette requête, madame Auch met l’accent sur le délai de prescription applicable. Elle souligne que le délai de prescription de 36 mois dont il est question dans le paragraphe 52(1) de la LAE a expiré avant que le défendeur n’ait intenté une action à son encontre pour demander un remboursement de prestations qu’elle a reçues. Elle soutient que, pour surmonter cet obstacle, la Commission a inventé [traduction] « une déclaration ou une affirmation fausse ou trompeuse » qu’elle n’a jamais faite, afin que la Commission puisse avoir recours au délai de prescription de 72 mois, énoncé au paragraphe 52(5) de la Loi. Ce litige porte donc sur le fait de pouvoir affirmer ou non que madame Auch a fait une déclaration fausse ou trompeuse. Dans l’affirmative, le délai de prescription de 36 mois avait alors expiré et le Tribunal de la sécurité sociale n’avait pas le droit d’essayer de demander un remboursement des prestations versées. Si elle a bien fait une déclaration fausse ou trompeuse, le Tribunal de la sécurité sociale était alors en droit de demander un remboursement de ces prestations.

[39]           Dans sa correspondance avec le Tribunal de la sécurité sociale, madame Auch a été parfaitement cohérente. Elle a plusieurs fois dit au Tribunal de la sécurité sociale qu’elle n’avait ni travaillé ni reçu de sommes liées à son travail pendant la période de prestations. Le travail et les sommes faisant l’objet du litige concerne le travail de madame Auch en tant qu’agente immobilière. Compte tenu de la cohérence de madame Auch, comment la Commission a­t­elle conclu qu’il y avait eu fausse déclaration et qu’elle avait reçu des sommes provenant de son travail d’agente immobilière pendant la période de prestations?

[40]           En 2011, selon des renseignements de l’ARC, la Commission a appris que madame Auch avait déclaré un revenu de travail indépendant de 90 800 $ sur son état T1 pour l’année 2008. Étant donné que la période de prestations a pris fin le 17 mai 2008, ces sommes auraient pu être gagnées durant la période de prestations ou en dehors de la période. La Commission ne savait pas quand ces sommes avaient été gagnées. Donc, en novembre 2011 (environ 41 mois après que monsieur Auch a reçu sa dernière prestation, et donc après le délai de prescription de 36 mois), la Commission a envoyé une lettre à madame Auch à l’adresse figurant à son dossier et a demandé des renseignements supplémentaires concernant sa rémunération de 2008. Sans réponse de la part de madame Auch, la Commission a envoyé une lettre de suivi en janvier 2012. La lettre est restée sans réponse.

[41]           Les lettres sont restées sans réponse, car madame Auch avait déménagé à une nouvelle adresse au Manitoba. Il n’y avait aucune raison pour que madame Auch informe la Commission de ce changement d’adresse. La période de versement des prestations avait pris fin et elle n’avait aucune raison de s’attendre à ce que la Commission doive communiquer avec elle.

[42]           Cependant, sans nouvelles de madame Auch, la Commission a émis un avis de violation du compte rendu de décision et a décidé que, selon les renseignements de l’ARC, madame Auch avait fait une déclaration fausse ou trompeuse, car elle n’avait pas déclaré sa rémunération de 2008, alors qu’elle percevait des prestations d’assurance­emploi, et parce qu’aucune documentation contredisant les conclusions de la Commission n’a été produite. Par conséquent, et conformément au Règlement sur l’assurance­emploi, la rémunération déclarée pour 2008 a été répartie (19 semaines à 1 746 $ et 1 semaine à 1 396 $) ce qui a engendré un trop­payé de 8 707,32 $.

[43]           La raison pour laquelle madame Auch n’a pas déclaré cette rémunération est qu’elle provenait en intégralité des commissions immobilières de 2008 qu’elle a gagnées et du travail qu’elle a effectué, en dehors de la période de prestations. La raison pour laquelle elle n’a pas pu expliquer cela est qu’elle a déménagé; par conséquent, elle n’a jamais reçu les lettres de la Commission. À ce stade du processus, la décision de la Commission était inéquitable sur le plan procédural. La Commission n’a jamais fait part de ses préoccupations à madame Auch et n’a jamais essayé de savoir pourquoi elle ne répondait pas aux lettres. Après 41 mois, il aurait dû être évident qu’elle avait pu déménager et la Commission aurait pu facilement trouver son adresse actuelle par l’intermédiaire de l’ARC. De plus, la décision était également déraisonnable et au­delà du délai de prescription. En réalité, madame Auch n’a fait aucune déclaration fausse.

[44]           Ce n’est qu’en mars 2013 que madame Auch a appris ce qui s’était produit et qu’elle a avisé la Commission qu’elle n’avait jamais reçu les lettres. À juste titre, la Commission a accepté cette explication et a donné plus de temps à madame Auch pour fournir des renseignements supplémentaires concernant sa rémunération déclarée pour 2008.

[45]           Par une lettre datée du 11 juin 2013, madame Auch a confirmé à la Commission qu’elle avait déménagé au Manitoba et qu’elle n’avait pas reçu les lettres de la Commission. Elle a déclaré à la Commission qu’elle n’avait ni travaillé ni reçu de salaire pendant son congé de maternité. Elle a expliqué que le revenu tiré d’une entreprise qu’elle a gagné en tant qu’agente immobilière en 2008 a été gagné après l’expiration de son congé de maternité. Tout cela était vrai, mais madame Auch n’a pas fourni de preuve pour corroborer son récit. En réalité, madame Auch a envoyé la même lettre une deuxième fois en septembre 2013 et une troisième fois en octobre 2013, mais chaque fois, sans fournir de documentation démontrant qu’elle n’avait généré ou gagné aucun revenu pendant qu’elle percevait ses prestations de maternité. C’est essentiellement la raison pour laquelle les parties sont devant la Cour : madame Auch ne parvient pas à corroborer à l’aide de la documentation pertinente ce qui était, nous le savons maintenant, la vérité.

[46]           Le 10 octobre 2013, madame Auch a déposé une demande de réexamen du trop­payé. Par une lettre datée du 26 novembre 2013, la Commission a pris acte de la demande de réexamen et a demandé une preuve qu’elle n’avait pas généré de revenus alors qu’elle percevait ses prestations d’assurance­emploi. Extrait de la lettre :

[traduction]

La présente a pour but de vous informer que nous avons reçu, le 25 octobre 2013, votre demande de réexamen des décisions prises au sujet de votre demande de prestations d’assurance­emploi.

Nous procédons actuellement à l’examen de votre demande et tout sera mis en œuvre pour rendre une décision dans un délai de 30 jours. Nous avons essayé de communiquer avec vous pour obtenir des renseignements supplémentaires, et ce, malheureusement sans succès. Il est important que vous contactiez le soussigné à Service Canada par télécopieur en fournissant les renseignements suivants.

Vous avez déclaré que vous n’avez pas travaillé de manière autonome et que vous ne perceviez pas de revenus à titre de travailleuse indépendante pendant la période de vos prestations d’assurance­emploi du 7 juin 2007 au 17 mai 2008. Veuillez fournir une preuve documentaire pour démontrer que vous n’avez pas travaillé de manière autonome durant cette période afin d’étayer votre déclaration. Veuillez nous faire parvenir votre réponse par télécopieur au 604­666­9350 avant le 7 décembre 2013 ou dans un délai de 10 jours à compter de la date de la présente lettre. Sans nouvelles de votre part, nous procéderons à notre examen et une décision sera rendue d’après les renseignements au dossier.

[47]           Madame Auch n’a pas répondu à cette lettre. La Commission a essayé de la joindre par téléphone le 5 décembre 2013, mais n’a pas été en mesure d’y parvenir. Par conséquent, une lettre a été envoyée à madame Auch le 6 décembre 2013 l’informant que sa demande de réexamen avait été refusée puisqu’elle n’avait pas fourni de documents pour appuyer sa position selon laquelle elle n’a pas perçu de revenu d’un travail indépendant pendant la période de prestations. Par la suite, un avis de dette a été émis le 13 janvier 2014.

[48]           Il ressort clairement du dossier que madame Auch a été pleinement informée qu’elle devrait fournir des documents justificatifs et corroborants, mais elle ne l’a pas fait. Elle dit maintenant qu’il s’est passé beaucoup de temps entre 2013 et 2008 et qu’elle ne pouvait pas facilement avoir accès à des documents corroborants. Cependant, l’affidavit qu’elle a déposé avec cette demande n’explique pas pourquoi elle n’a pas fourni ces documents. L’affidavit n’explique pas non plus pourquoi, si elle éprouvait des difficultés ou avait besoin de plus de temps, elle n’a pas communiqué avec la Commission pour demander plus de temps. Une fois que la question du changement d’adresse a été réglée, la Commission était tout à fait disposée à lui accorder l’entière liberté de démontrer qu’elle n’avait pas perçu de rémunération pendant la période de prestations, mais à l’exception des affirmations dans sa lettre, elle n’a pas fourni cette preuve. Elle a fourni des éléments de preuve dans son dossier pour la présente demande, il est donc difficile pour la Cour de comprendre pourquoi elle n’a pas pu se donner la peine de trouver des documents qui appuieraient ses prétentions devant la Commission. Lors de l’audience devant moi, elle a dit qu’elle pensait que sa parole devrait suffire. C’est toutefois naïf et peu convaincant.

[49]           Madame Auch est une femme intelligente, professionnelle et qui s’exprime très clairement et aisément. Elle travaille dans l’immobilier. Elle sait que des formalités doivent être respectées et la Commission lui a fait savoir expressément qu’elle devait fournir des documents corroborants, pourtant, elle ne l’a pas fait. C’est ce sur quoi porte essentiellement la présente demande. Madame Auch n’a fourni aucune preuve ni aucune explication convaincante à la Cour du fait qu’elle n’a pas pu fournir les documents corroborants demandés ou, si elle a éprouvé des difficultés à trouver ces documents, du fait qu’elle n’a pas communiqué avec la Commission pour chercher à obtenir plus de temps ou des conseils sur ce qu’elle pouvait faire pour convaincre la Commission sur la question de la rémunération.

[50]           Étant donné que la Commission n’a été saisie d’aucun renseignement pour contester les renseignements de l’ARC, la Commission a respecté le Règlement sur l’assurance­emploi et a fait les répartitions précitées. Madame Auch avait le fardeau de prouver qu’elle n’avait pas perçu de rémunération pendant la période de prestations et, après avoir été avisée par écrit de ce qui était requis, elle n’a pas fourni les renseignements nécessaires pour étayer ses affirmations. La Commission a aussi déterminé qu’une fausse déclaration avait été faite. Cela tient au fait que les renseignements de l’ARC indiquaient une rémunération déclarée pour 2008 et que madame Auch a refusé de fournir les renseignements requis pour démontrer qu’elle n’avait ni travaillé ni perçu de revenu pendant la période de prestations. Elle n’a pas non plus expliqué pourquoi elle ne pouvait pas le faire. Par conséquent, selon la prépondérance des probabilités, la Commission a conclu que le fait qu’elle n’ait pas fourni les renseignements demandés signifiait qu’elle avait gagné et perçu un revenu pendant la période de prestations. Pour quelle autre raison n’aurait­elle pas répondu lorsqu’on lui a demandé de fournir des documents corroborants?

[51]           Madame Auch a alors interjeté appel à la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale qui a confirmé l’approche de la Commission et a donné pouvoir légal à cet égard. Dans son appel interjeté à la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale, madame Auch n’a présenté aucun des moyens d’appel stipulés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social. Par conséquent, cet appel devait être refusé.

[52]           Madame Auch s’adresse maintenant à notre Cour sur la base d’un motif d’un contrôle judiciaire. Elle jure qu’elle n’a pas perçu de rémunération pendant la période de prestations et qu’elle n’a pas fait de fausse déclaration à la Commission. Je la crois, mais malheureusement, cela ne l’aide pas. Elle n’a pas démontré que la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale (ou d’ailleurs la décision de la Commission ou la décision de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale) avait manqué d’équité procédurale ou était déraisonnable. Elle ne s’est tout simplement pas acquittée du fardeau qui lui incombait de fournir les documents corroborants demandés lorsque la Commission en avait besoin pour déterminer si elle avait perçu une rémunération pendant la période de prestations, et qu’elle n’a fourni aucune explication convaincante de la raison pour laquelle elle ne l’a pas fait ou ne pouvait pas le faire ni de la raison pour laquelle elle n’aurait pas pu communiquer avec la Commission concernant tout problème et demander plus de temps pour le faire.

[53]           Par conséquent, je ne constate aucune erreur susceptible de révision dans la décision dont je suis saisi et je dois rejeter la présente demande. Je fais cela à contrecœur, car je crois que madame Auch est honnête avec la Cour et qu’elle n’a pas perçu de rémunération pendant la période de prestations. Cependant, elle ne l’a pas démontré de la bonne façon lorsqu’on lui a demandé de le faire, si bien qu’elle ne peut pas prétendre avoir été traitée injustement. Si elle dispose maintenant d’une preuve corroborante pour appuyer ce qu’elle a dit à la Commission, elle devrait au moins la fournir à la Commission et demander s’il existe un moyen que son dossier soit réexaminé en fonction de cette preuve. Que cela puisse être fait ou doive être fait ne relève pas de l’affaire dont je suis saisi dans le cadre de la présente demande, je ne peux donc que suggérer qu’elle s’adresse à la Commission pour voir, le cas échéant, ce qui peut être fait à ce stade pour remédier à la situation.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      La demande est rejetée sans dépens.

2.      L’intitulé est modifié par la suppression du « ministre de l’Emploi et du Développement social » à titre de défendeur. Le « procureur général du Canada » sera l’unique défendeur désigné dans la présente demande.

« James Russell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-903-15

 

INTITULÉ :

SUSAN AUCH c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 janvier 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

Le juge Russell

 

DATE DES MOTIFS :

Le 15 février 2016

 

COMPARUTIONS :

Susan Auch

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Mathieu Joncas

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous­procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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