Dossier : T-2126-13
Référence : 2015 CF 1243
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 23 décembre 2015
En présence de madame la juge Heneghan
ENTRE : |
PRUDENTIAL STEEL LTD. ET ALGOMA TUBES INC. |
demanderesses |
et |
BELL SUPPLY COMPANY |
défenderesse |
et |
AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA |
intervenante |
JUGEMENT PUBLIC ET MOTIFS
(Jugement et motifs confidentiels publiés le 2 novembre 2015)
I. INTRODUCTION
[1] Prudential Steel Ltd. et Algoma Tubes Inc. (les « demanderesses ») demande un contrôle judiciaire, en application de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7 (la « Loi »), d’une décision de Patrick Mulligan, agent principal de programme (l’« agent ») de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« Agence » ou « ASFC »), Direction des droits antidumping et compensateurs. Dans cette décision, datée du 9 décembre 2013, l’agent a déterminé que certains caissons sans soudure et produits de tubes originaires de Chine, mais traités et finis en Indonésie, puis importés au Canada ne seraient pas assujettis à des droits antidumping et compensatoire parce que ces marchandises étaient considérées comme provenant de l’Indonésie, pas de Chine.
[2] Prudential Steel Ltd. et Algoma Tubes Inc. font partie du secteur industriel national des fournitures tubulaires pour puits de pétrole (« FTPP »), qui produit des tubes verts et des FTPP au Canada.
[3] Bell Supply Co. (la « défenderesse ») est une société américaine installée à Gainesville, au Texas, qui fabrique divers matériaux utilisés dans les industries pétrolières, gazières et minières. Son inventaire de produits comprend des FTPP.
[4] L’ASFC est une intervenante en vertu d’une ordonnance rendue le 13 novembre 2014. L’ASFC est responsable de l’administration de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, L.R.C. (1985), ch. S-15 (« LMSI »), qui contribue à la protection de l’industrie canadienne contre le dommage causé par le dumping ou le subventionnement de marchandises importées au Canada. L’ASFC impose des droits sur les importations faisant l’objet d’un dumping et les importations subventionnées pour compenser les avantages de prix, permettant à l’industrie canadienne de concurrencer les produits importés.
II. FAITS
[5] Le 29 juillet 2013, la défenderesse a présenté une demande pour que l’ASFC rende une décision anticipée déterminant si les tubes verts chinois, originaire de Chine, puis traités et finis en Indonésie pour constituer des FTPP de P.T. Citra Tubindo Tbk. (« Citra Tubindo »), ont été assujettis à droits antidumping et compensateurs lors de leur importation au Canada.
[6] La défenderesse achète les tubes verts en Chine et engage Citra Tubindo, une société cotée en bourse et sans lien de dépendance située en Indonésie, pour traiter et finir les tubes. Cela se fait par traitement thermique, filetage et couplage des tubes. Les tubes sont ensuite certifiés avant d’être importés au Canada. Les tubes tombent dans la catégorie des FTPP. La défenderesse conserve la propriété des marchandises pendant le traitement.
[7] Les FTPP produites sont de nuance P110 et conformes à la norme 5CT de l’American Petroleum Institute (« API »). Plus précisément, les produits en cause sont les suivants :
- Tubes P110 CT-K6 de 2 3/8 po et de 5,95 pi;
- Tubes P110 CT-K6 de 2 7/8 po et de 7,90 pi;
- Caissons HC P110 NSCC 4 1/2 po et de 15,10 pi;
- Caissons HC P110 NSCC 5 1/2 po et de 20 pi;
- Caissons HC P110 NSCC 5 1/2 po et de 23 pi.
[8] La demande de la défenderesse faisait valoir que le chauffage, la mise à l’essai et la certification des FTPP seront effectués en Indonésie, que les frais engagés dans le processus de transformation sont importants et que les coûts dépassent le coût des tubes verts semi-finis.
[9] La défenderesse a fait valoir que les marchandises sont des FTPP indonésiennes et non les marchandises en cause dans le mémorandum D15-2-51 du Tribunal canadien du commerce extérieur (« TCCE ») intitulé Certains caissons sans soudure en acier au carbone ou en acier allié pour puits de pétrole et de gaz originaires ou exportés de la République populaire de Chine et les conclusions du TCCE sur les FTPP dans le mémorandum D15-2-56 intitulé Certaines fournitures tubulaires pour puits de pétrole originaires ou exportées de la République populaire de Chine.
[10] Le mémorandum D15-2-51 a été publié le 29 août 2008 après qu’une décision du TCCE concernant un dommage ait été rendue le 10 mars 2008. Dans cette décision, les marchandises en question sont définies comme suit :
Caissons sans soudure en acier au carbone ou en acier allié pour puits de pétrole et de gaz, aux extrémités lisses, biseautées, filetées ou filetées et manchonnées, traités thermiquement ou non, qui répondent de la norme 5CT de l’American Petroleum Institute (API), d’un diamètre extérieur n’excédant pas 11,75 po (298,5 mm), de toutes les nuances, y compris les nuances brevetées, originaires ou exportées de la République populaire de Chine.
[11] Le mémorandum D15-2-56 a été publié le 11 mai 2012 après qu’une décision du TCCE concernant un dommage ait été rendue le 23 mars 2010. Dans cette décision, les marchandises en question ont été définies comme suit :
Fournitures tubulaires pour puits de pétrole composées d’acier au carbone ou allié, soudées ou sans soudure, traitées thermiquement ou non, peu importe la finition des extrémités, d’un diamètre extérieur de 2 3/8 à 13 3/8 po (de 60,3 mm à 339,7 mm), conformes ou appelées à se conformer à la norme 5CT de l’American Petroleum Institute (API) ou à une norme équivalente, de toutes les nuances, à l’exception des tuyaux de forage et à l’exception des caissons sans soudure d’un diamètre extérieur d’au plus 11 3/4 po (298,5 mm), originaires ou exportées de la République populaire de Chine.
[12] La défenderesse a présenté d’autres renseignements liés à sa demande de décision anticipée déposée le 12 septembre 2013. Dans une lettre du 4 octobre 2013, l’agent a demandé de plus amples renseignements et la demanderesse a répondu dans une lettre envoyée le 11 octobre 2013.
[13] La demanderesse est partie à une procédure touchant les mêmes parties et questions que celles devant le département du Commerce des États-Unis. La décision définitive du département du Commerce des États-Unis, rendue le 7 février 2014, a établi que les FTPP non finies sans soudure fabriquées en Chine, puis finies dans des pays tiers, étaient visées par deux ordonnances précédemment rendues par le département du Commerce des États-Unis, qui avaient établi que les FTPP originaires de Chine étaient assujetties à des droits antidumping et des droits compensateurs.
III. DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE
[14] Dans sa décision, l’agent a indiqué qu’après avoir analysé les renseignements fournis à l’appui de la demande de décision anticipée, il a conclu que les marchandises visées par la demande étaient des produits originaires d’Indonésie et que, par conséquent, ils n’étaient pas assujettis à des droits antidumping et compensateurs lors de leur importation au Canada.
[15] L’agent a identifié les marchandises en question comme étant des tubes verts chinois, expédiés en Indonésie et convertis en caissons sans soudure et en tubes grâce à un processus de traitement thermique, de filetage et de couplage, et de mises à l’essai. L’ASFC a indiqué que « tube vert » désignait un tuyau brut qui n’avait pas subi le traitement thermique et les essais nécessaires à la certification API pour caissons et tubes 5CT.
[16] L’ASFC a demandé que, avant que ces produits soient importés, la demanderesse fournisse à la Direction des droits antidumping et compensateurs plus de documents, y compris les suivants :
1) le bon de commande, la facture commerciale et le certificat d’usine relatifs à la vente du tube vert entre le fournisseur chinois et Bell Supply;
2) la facture commerciale et le certificat d’usine relatifs à la transformation du tube vert en caissons sans soudure et de produits tubulaires finis par Citra Tubindo;
3) la facture commerciale établie par Bell Supply à l’importateur au Canada relativement à la vente de caissons sans soudure et de produits tubulaires finis.
[17] En outre, dans sa décision, l’agent a informé la défenderesse que l’ASFC se réserve le droit de communiquer avec Citra Tubindo et de visiter ses installations. Il a indiqué que l’ASFC peut vérifier l’information dans les locaux de la défenderesse, y compris un examen du tube vert acheté en Chine et du traitement du tube.
[18] Le mémoire confidentiel rédigé par l’agent sert de fondement à sa décision. L’agent a défini le processus suivi pour transformer le tube vert en FTPP, en faisant remarquer qu’il y a de nombreux procédés. Il a également examiné le coût de la transformation du tube vert. En ce qui concerne les importations de caissons sans soudure, le coût du tube vert représentait XX %, XX % et XX %, respectivement, du coût total de fabrication du produit fini. Quant aux tubes, le tube vert coûte XX % et XX %, respectivement.
[19] L’agent a exposé les principes directeurs permettant de déterminer les règles de l’origine, en particulier : le changement de classement tarifaire, l’information substantielle du pourcentage ad valorem et l’information substantielle de l’opération de fabrication ou d’ouvraison.
[20] L’agent a constaté que les marchandises seraient classées dans différents niveaux du Système harmonisé de classement tarifaire après le traitement et la finition. Selon le critère du pourcentage ad valorem, XX %, XX % et XX % du coût total de la fabrication de caissons sans soudure ont été alloués à la transformation et l’expédition. En ce qui concerne les produits tubulaires, la transformation et l’expédition représentaient XX % et XX% du total des coûts de production. L’agent a conclu que cela constitue une transformation importante.
[21] Il a constaté que le traitement thermique et d’autres procédés de transformation des tubes verts en produits finis constituaient une transformation importante.
[22] Il a examiné la définition des FTPP dans la décision du TCCE sur les caissons sans soudure et a noté que, contrairement à la décision du TCCE sur certains FTPP, les tubes verts n’étaient pas inclus dans la définition des produits. Il a conclu que les caissons sans soudure de la défenderesse ne correspondaient pas à la définition des produits figurant dans les conclusions de dommage du TCCE sur les caissons sans soudure provenant de Chine.
[23] Enfin, l’agent a examiné une décision antérieure de la Direction des droits antidumping et compensateurs, qui a établi que le tube vert acheté en Chine et traité en Indonésie ne serait pas considéré comme une marchandise en cause lors de son importation au Canada. Il a examiné l’exposé des motifs du 13 novembre 1998 invoqué par la défenderesse dans sa demande de décision anticipée. Cette décision avait établi que les tubes verts importés et transformés au Canada ne correspondraient pas à la définition des marchandises en cause.
[24] Selon la conclusion du mémoire, les produits seraient considérés comme étant originaires d’Indonésie et il y est souligné que l’ASFC prendrait des mesures raisonnables pour veiller à ce que les produits soient d’origine indonésienne.
IV. ANALYSE ET DÉCISION
[25] La première question soulevée dans la présente demande concerne la norme de contrôle applicable.
[26] La seconde consiste à déterminer si la décision anticipée est susceptible de contrôle judiciaire. Le cas échéant, l’ASFC a-t-elle commis une erreur susceptible de révision en ne suivant pas les conclusions antérieures du TCCE? Enfin, si la décision est soumise à un contrôle judiciaire, l’ASFC a-t-elle manqué à l’équité procédurale en n’avisant pas toutes les parties intéressées?
[27] Les demanderesses et la défenderesse soutiennent que la décision est susceptible de révision selon la norme de la décision raisonnable, en se fondant, respectivement, sur les décisions des arrêts Uniboard Surfaces Inc. c. Kronotex Fussboden GmbH et Co. KG (C.A.F.), [2007] 4 R.C.F. 101, au paragraphe 63, et Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190.
[28] Les manquements à l’équité procédurale sont susceptibles de révision selon la norme de la décision correcte; voir la décision dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, [2009] 1 R.C.S. 339, au paragraphe 43.
[29] Je suis d’accord que la décision est, sur le fond, susceptible de révision selon la norme de la décision raisonnable, telle qu’elle est appliquée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Uniboard précité; voir le paragraphe 63.
[30] Cependant, à mon avis, les questions déterminantes de la présente demande sont des questions de procédure, la première étant de déterminer si la décision en question est susceptible de contrôle judiciaire. La deuxième question de procédure déterminante est la procédure d’appel prévue par la LMSI.
[31] La présente demande a été faite conformément à l’article 18.1 de la Loi. L’alinéa 18.1(3)b) est pertinent et se lit comme suit :
18.1 (3) Sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut : |
18.1 (3) On an application for judicial review, the Federal Court may |
b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral. |
(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal. |
[32] Dans l’arrêt Larny Holdings Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé) (1re inst.), [2003] 1 C.F. 541, la Cour a souligné qu’un large éventail de questions est susceptible de révision en vertu de l’article 18 de la Loi.
[33] Toutefois, la Cour a tout aussi clairement souligné que la portée des questions susceptibles de contrôle judiciaire en vertu de l’article 18 de la Loi ne couvre pas l’ensemble des décisions, ordonnances, procédures ou de tout autre acte de l’office fédéral. Au contraire, elle a soutenu que les décisions et les ordonnances qui « déterminent les droits d’une partie » seront sujettes à un contrôle judiciaire.
[34] Aux paragraphes 24 et 25, la Cour explique comment la décision en cause a répondu à ce critère comme suit :
La directive envoyée par les défendeurs est à mon avis coercitive, et son but consiste à menacer le demandeur afin qu’il arrête immédiatement de vendre des multi-emballages à défaut de quoi une accusation serait portée, et une poursuite au criminel pourrait être intentée. Je suis certaine que les défendeurs espéraient que se produise ce qui s’est effectivement produit, c’est-à-dire que le demandeur arrête de vendre des multi-emballages afin d’éviter une poursuite au criminel. Comme je l’ai déjà mentionné, la décision du demandeur d’arrêter de vendre des multi-emballages lui a causé des pertes d’argent.
Je suis donc d’avis que la lettre envoyée par M. Zawilinski constitue une « décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte » et qu’elle est susceptible d’examen par la Cour. Je n’ai également aucune hésitation à conclure qu’en envoyant la directive, M. Zawilinski était un « office fédéral » au sens du paragraphe 2(1) de la Loi [...].
[35] Dans l’arrêt Pieters c. Canada (Procureur général) (2007), 313 F.T.R. 231, au paragraphe 68, la Cour a conclu que le rapport final et les recommandations du Bureau de l’intégrité de la fonction publique « ne déterminent pas les droits substantiels du demandeur ni n’entraînent des conséquences juridiques comme l’exige la jurisprudence; ils ne sont donc pas susceptibles de contrôle judiciaire » et a rejeté la demande de contrôle judiciaire.
[36] La question a été abordée dans la décision Rothmans, Benson & Hedges Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national) (1998), 148 F.T.R. 3. Cette affaire portait sur une requête visant à faire annuler un avis de requête introductive d’instance, laquelle avait été présentée afin d’obtenir une ordonnance annulant une décision fiscale anticipée rendue par le ministère du Revenu. La Cour était d’avis que la décision fiscale anticipée n’avait pas d’effet significatif sur les droits de la demanderesse et a déclaré ce qui suit au paragraphe 28 :
La décision anticipée n’a pour effet ni d’accorder ni de refuser un droit, et n’entraîne aucune conséquence juridique. Juridiquement, ce type de mesure n’a pas pour effet de régler la question et ce n’est d’ailleurs pas son objet. Il s’agit, tout au plus, d’un avis n’ayant aucune force obligatoire. D’ailleurs, rien n’indique qu’un produit correspondant au prototype dont il est question dans la décision anticipée ait été taxé. [Citations omises.]
[37] Au paragraphe 29, la Cour a conclu que « la décision exposée dans la lettre de Revenu Canada n’est pas une « décision » au sens de l’article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale ».
[38] Je ne vois aucune raison de m’écarter de la décision rendue dans Rothmans, précité, et je constate que la décision en l’espèce, à savoir la décision anticipée, ne constitue pas une « décision » qui est susceptible de contrôle judiciaire. Cette conclusion est suffisante pour statuer sur la présente demande. Toutefois, il convient de commenter brièvement l’interaction entre la procédure d’appel prévue par la LMSI et la possibilité de contrôle judiciaire d’une décision rendue en vertu de cette loi.
[39] L’argument des demanderesses au sujet d’un manquement à l’équité procédurale est fondé sur le fait que l’ASFC ne les a pas avisées de la procédure, donnant lieu à la décision anticipée. Elles prétendent constituer une « partie intéressée » aux termes de la LMSI et, en tant que telles, elles ont doit à une obligation d’équité de la part d’un décideur administratif à moins qu’il y ait un texte législatif clair au sens contraire, se fondant sur la décision de l’arrêt Canada (Procureur général) c. Mavi, [2011] 2 RCS 504, aux paragraphes 38 et 39.
[40] La défenderesse soutient que les demanderesses n’ont pas qualité pour présenter une demande à ce stade de la procédure et n’ont pas droit à un avis. La LMSI n’exige qu’un avis soit donné aux demandeurs jusqu’au troisième stade de la procédure d’appel qui est énoncé à l’article 61 de la Loi.
[41] À mon avis, les arguments des demanderesses ne tiennent pas compte du texte législatif. Les réexamens et les appels aux termes de la LMSI, sont régis par les articles 56 à 62 de cette loi. La procédure d’appel prévue par la loi permet aux demanderesses de se faire entendre en appel devant le TCCE, conformément à l’article 61 de la LMSI. Les demanderesses devraient également avoir la possibilité de participer à un appel devant la Cour d’appel fédérale, en vertu de l’article 62.
[42] Un appel interjeté en vertu de la LMSI n’est pas possible avant qu’une décision soit rendue par un agent des douanes conformément à l’article 56 de la LMSI, qui prévoit ce qui suit :
56. (1) Lorsque des marchandises sont importées après la date de l’ordonnance ou des conclusions du Tribunal ou celle du décret imposant des droits compensateurs, prévu à l’article 7, est définitive une décision rendue par un agent des douanes dans les trente jours après déclaration en détail des marchandises aux termes des paragraphes 32(1), (3) ou (5) de la Loi sur les douanes et qui détermine : |
56. (1) Where, subsequent to the making of an order or finding of the Tribunal or an order of the Governor in Council imposing a countervailing duty under section 7, any goods are imported into Canada, a determination by a customs Officer |
a) la question de savoir si les marchandises sont de même description que des marchandises auxquelles s’applique l’ordonnance ou les conclusions, ou le décret; |
(a) as to whether the imported goods are goods of the same description as goods to which the order or finding of the Tribunal or the order of the Governor in Council applies, |
b) la valeur normale des marchandises de même description que des marchandises qui font l’objet de l’ordonnance ou des conclusions, ou du décret, ou le montant de l’éventuelle subvention qui est octroyée pour elles; |
(b) of the normal value of or the amount, if any, of the subsidy on any imported goods that are of the same description as goods to which the order or finding of the Tribunal or the order of the Governor in Council applies, and |
c) le prix à l’exportation des marchandises de même description que des marchandises qui font l’objet de l’ordonnance ou des conclusions ou le montant de l’éventuelle subvention à l’exportation. |
(c) of the export price of or the amount, if any, of the export subsidy on any imported goods that are of the same description as goods to which the order or finding of the Tribunal applies, made within thirty days after they were accounted for under subsection 32(1), (3) or (5) of the Customs Act is final and conclusive.
|
[43] La procédure n’en est pas encore à ce stade, car aucune décision n’a été rendue et le processus d’appel n’a pas été enclenché.
[44] Selon la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt C.B. Powell Limited c. Canada (Agence des services frontaliers), [2011] 2 R.C.F. 332 (C.A.F), un cour doit permettre à une procédure d’appel de suivre son cours sans interruption, à moins qu’il y ait des circonstances exceptionnelles.
[45] La Cour d’appel fédérale a estimé que le fait de permettre à la Cour d’intervenir dans le processus administratif serait contraire à l’intention du législateur et que peu de situations répondraient au critère élevé relatif aux « circonstances exceptionnelles ».
[46] En outre, la Cour d’appel fédérale a récemment confirmé sa décision rendue dans C.B. Powell, précité, dans l’arrêt Atomic Energy of Canada Ltd. v. Wilson (2015), 467 N.R. 201, aux paragraphes 29 à 33.
[47] Aucune décision de ce genre n’a été rendue avant le dépôt de la présente demande.
[48] En effet, les demanderesses demandent le contrôle judiciaire d’une décision interlocutoire, mais, comme il a été mentionné précédemment, cette décision n’est pas susceptible de contrôle judiciaire. En outre, la procédure d’appel n’a pas encore été menée son terme et la Cour ne devrait pas admettre son interruption. L’accès à la Cour en cas de demande de contrôle judiciaire dépend de la nature de la question tranchée au cours de la procédure d’appel prévue par la loi.
[49] Étant donné que j’ai constaté que la décision en cause en l’espèce n’est pas susceptible de contrôle judiciaire, il en résulte qu’il n’y avait aucune obligation envers les demanderesses de tenir compte de l’équité procédurale.
[50] Il n’est pas nécessaire d’aborder les arguments des parties sur le caractère raisonnable de la décision anticipée et la demande sera rejetée avec dépens en faveur de la défenderesse.
[51] La défenderesse demande que les dépens lui soient adjugés conformément à la colonne V du tarif B des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106.
[52] Les parties peuvent formuler de brèves observations sur les dépens dans les dix (10) jours suivant la présente ordonnance, à moins qu’elles ne s’entendent autrement sur les dépens.
JUGEMENT
LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire avec dépens en faveur de la défenderesse. Les parties peuvent formuler de brèves observations sur les dépens dans les dix (10) jours suivant la présente ordonnance, à moins qu’elles ne s’entendent autrement sur les dépens.
« E. Heneghan »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
T-2126-13 |
INTITULÉ : |
PRUDENTIAL STEEL LTD. ET ALGOMA TUBES INC. c. BELL SUPPLY COMPANY ET L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA |
LIEU DE L’AUDIENCE : |
Ottawa (Ontario) |
DATE DE L’AUDIENCE : |
Le 7 avril 2015 |
JUGEMENT PUBLIC ET MOTIFS : |
LA JUGE HENEGHAN |
DATE DES MOTIFS : |
LE 23 DÉCEMBRE 2015 |
COMPARUTIONS :
Geoffrey Kubrick Martin Masse
|
Pour les demanderesses |
James McIlroy
|
Pour la défenderesse |
Peter Nostbakken
|
Pour l’intervenante |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. Avocats Ottawa (Ontario)
|
Pour les demanderesses |
McIlroy & McIlroy Inc. Avocats Toronto (Ontario)
|
Pour la défenderesse |
William F. Pentney Sous-procureur général du Canada Ottawa (Ontario) |
Pour l’intervenante |