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Date : 20160107


Dossier : IMM‑878‑15

Référence : 2016 CF 14

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 7 janvier 2016

En présence de monsieur le juge Fothergill

ENTRE :

HENRY MAJEBI, DAISY OYIEAMED SULEMAJEBI, MARIAN OMONIGHO SULEMAJEBI, CHANTEL RECHIA SULEMAJEBI

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Henry Majebi et ses trois enfants ont présenté une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés [SAR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. La SAR a confirmé la décision rendue par la Section de protection des réfugiés [SPR], où il avait été déterminé que M. Majebi et ses enfants sont exclus de la protection accordée aux réfugiés au titre de l’article 98 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], et de la section E de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, RT Can 1969, no 6 [Convention]. Cette décision a été rendue parce que le tribunal a conclu que les demandeurs avaient un statut de résident essentiellement semblable à celui de ressortissants de l’Italie à la date de la tenue de l’audience devant la SPR, et qu’ils n’avaient donc pas besoin de la protection du Canada.

[2]               Pour les motifs exposés ci‑dessous, j’ai conclu qu’il était raisonnable pour la SAR de rejeter les nouveaux éléments de preuve présentés par M. Majebi et ses enfants au soutien de leur appel. J’ai également conclu qu’il était loisible à la SAR d’apprécier leur statut de résident à la date d’audience devant la SPR, plutôt qu’à la date où elle a rendu sa décision. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

II.                Les faits

[3]               M. Majebi est un citoyen du Nigéria. Il affirme être bisexuel. Il a présenté une demande d’asile au Canada fondée sur les allégations suivantes.

[4]               M. Majebi a quitté le Nigéria pour l’Italie en 1993, où il a rencontré sa conjointe, Julie Imade Okolo. En 1996, Mme Okolo a obtenu le statut de résidente temporaire en Italie. À compter de 2002, M. Majebi a obtenu le statut de résident permanent en Italie.

[5]               M. Majebi and Mme Okolo ont trois enfants : Daisy, Marian et Chantel. Les enfants sont nés en Italie et au Royaume‑Uni et les trois sont des citoyens du Nigéria, et de nul autre pays.

[6]               En juillet 2012, lors de vacances familiales au Nigéria, M. Majebi affirme qu’il a été invité à s’expliquer sur sa bisexualité. Des membres de sa famille élargie ont menacé d’exciser sa conjointe et ses enfants de façon à [traduction] « purifier la famille ».

[7]               Après être revenue en Italie, Mme Okolo a été menacée par des travailleurs du sexe. Ils lui ont demandé de l’argent parce qu’elle avait refusé de travailler comme prostituée après qu’ils l’eurent aidé à quitter le Nigéria et à s’établir en Italie.

[8]               M. Majebi soutient que lui et sa famille craignent maintenant d’être persécutés aussi bien au Nigéria qu’en Italie.

[9]               Le 7 juin 2013, M. Majebi s’est enfui d’Italie avec sa conjointe et ses enfants. Ils sont arrivés au Canada en provenance des États‑Unis le 29 juillet 2013 et ils ont demandé l’asile le 13 août 2013.

[10]           Dans une décision datée du 25 juin 2014, la SPR a rejeté les demandes d’asile de M. Majebi, de Mme Okolo et de chacun des trois enfants. La SPR a conclu qu’ils avaient, à la date de l’audience, un statut de résident permanent essentiellement semblable à celui des ressortissants de l’Italie, et qu’ils n’avaient donc pas qualité de réfugiés parce qu’ils étaient exclus au titre de l’article 98 de la LIPR et de la section E de l’article premier de la Convention. En vertu de ces dispositions, l’asile ne sera pas accordé si les autorités compétentes du pays où une personne a établi sa résidence considèrent cette personne comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays.

[11]           Après avoir été absent du pays pendant douze mois consécutifs, M. Majebi a perdu son statut de résidence permanente en Italie le 7 juin 2014. Les enfants de M. Majebi détenaient des permis de résidence temporaire en raison du statut de leurs parents en Italie. Daisy a perdu son statut le 27 novembre 2013, alors que Marian et Chantel ont perdu le leur le 31 mai 2014.

[12]           M. Majebi, Mme Okolo et leurs enfants ont interjeté appel de la décision de la SPR devant la SAR. Ils ont soutenu que la SPR avait incorrectement apprécié leur statut de résident à la date de l’audience, plutôt qu’à celle où il a été statué sur leurs demandes d’asile. Au soutien de leur appel, ils ont tenté de produire de nouveaux éléments de preuve concernant leur situation, plus particulièrement en ce qui a trait à la perte de leur statut en Italie.

[13]           Dans une décision rendue le 28 janvier 2015, la SAR a refusé d’admettre les nouveaux éléments de preuve. La SAR a accueilli l’appel formé par Mme Okolo parce qu’elle avait seulement le statut de résidence temporaire en Italie, lequel n’était pas essentiellement semblable à celui des ressortissants de l’Italie. Sa demande d’asile a été renvoyée à la SPR pour nouvelle décision. La SAR a cependant confirmé la décision rendue par la SPR en ce qui a trait à M. Majebi et à ses enfants, et elle a conclu que leur statut était essentiellement semblable à celui des ressortissants de l’Italie à la date de l’audience devant la SPR.

III.             Questions en litige

[14]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève les deux questions suivantes :

A.    Le refus de la SAR d’admettre les nouveaux éléments de preuve était‑il raisonnable?

B.     La SAR a‑t‑elle mal appliqué la section E de l’article premier de la Convention?

IV.             Analyse

A.                Le refus de la SAR d’admettre les nouveaux éléments de preuve était‑il raisonnable?

[15]           Les questions concernant l’admissibilité de nouveaux éléments de preuve devant la SAR sont susceptibles de contrôle par la présente Cour selon la norme de la décision raisonnable (Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 1022, aux paragraphes 36 à 42 [Singh]; Khachatourian c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 182, au paragraphe 37).

[16]           Au soutien de leur appel, M. Majebi et ses enfants ont présenté trois nouveaux éléments de preuve conformément au paragraphe 110(4) de la LIPR : (i) un affidavit souscrit par M. Majebi, rejeté par la SAR parce qu’il reprenait des éléments de preuve déjà versés au dossier; (ii) un affidavit souscrit par Mme Okolo, rejeté par la SAR parce qu’il reprenait des éléments de preuve déjà versés au dossier, ou parce qu’il n’était pas pertinent; (iii) quatre « Certificates of Residence » [certificats de résidence] provenant d’Italie, datés du 6 décembre 2013, lesquels indiquaient que les trois enfants faisaient l’objet d’une enquête pour défaut de preuve d’inscription en tant que résidents en Italie.

[17]           La SAR a noté que les certificats de résidence étaient pertinents pour les enfants quant à leur statut en Italie, un élément qui était vital à leurs demandes d’asile. Le paragraphe 110(4) de la LIPR porte cependant qu’il n’est possible pour une personne de présenter en appel de nouveaux éléments de preuve que s’ils sont survenus depuis le rejet de sa demande; s’ils n’étaient pas normalement accessibles au moment du rejet; ou, s’ils étaient normalement accessibles, la personne ne les aurait normalement pas présentés, dans les circonstances, au moment du rejet. La SAR a fait remarquer que les documents « port[aient] une date qui est bien antérieure au rejet de [leurs] demandes d’asile » et elle a conclu qu’ils étaient inadmissibles en vertu du paragraphe 110(4) de la LIPR.

[18]           M. Majebi se fonde sur la décision de notre Cour dans l’affaire Singh pour soutenir que la SAR doit adopter une approche souple quant à l’admissibilité de nouveaux éléments de preuve, et qu’il lui est loisible de les considérer comme étant de « nouveaux » éléments de preuve s’ils contredisent des faits qui avaient été jugés déterminants par la SPR. M. Majebi affirme que ces nouveaux éléments de preuve contredisaient la conclusion de la SPR selon laquelle les enfants mineurs avaient le statut de résident en Italie au moment de l’audience.

[19]           J’estime que la SAR a appliqué le bon critère pour déterminer si les éléments de preuve proposés étaient admissibles en vertu du paragraphe 110(4) de la LIPR. L’approche souple dont il est question dans la décision Singh ne s’applique à l’admissibilité de nouveaux éléments de preuves que lorsque les exigences du paragraphe 110(4) de la LIPR ont été respectées (Fida c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 784, aux paragraphes 6 à 8; Deri c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 1042, aux paragraphes 55 et 56). Dans la décision Singh, la juge Gagné a affirmé que la question principale en matière d’admissibilité de nouveaux éléments de preuve est celle de savoir s’ils « n’étaient […] pas normalement [ou raisonnablement selon la version anglaise] accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés » (Singh, au paragraphe 58). La SAR a fait remarquer que les certificats de résidence portaient une date antérieure de sept mois au rejet de la demande d’asile de M. Majebi, et qu’ils avaient été accessibles deux mois avant la date de la dernière audience devant la SPR. La SAR a également souligné que M. Majebi et ses enfants n’avaient pas donné de raison expliquant pourquoi les certificats n’avaient pas été présentés à la SPR avant que leurs demandes d’asile soient rejetées. Il était donc raisonnable pour la SAR de rejeter ces éléments de preuve, conformément aux exigences précises prévues au paragraphe 110(4) de la LIPR.

B.                 La SAR a‑t‑elle mal appliqué la section E de l’article premier de la Convention?

[20]           M. Majebi affirme que l’interprétation et l’application correctes de la section E de l’article premier de la Convention est une question de droit susceptible de contrôle par notre Cour selon la norme de la décision correcte. Selon le ministre, la norme de la décision raisonnable s’applique. Le ministre soutient que notre Cour doit faire preuve de déférence quant à l’interprétation que la SAR fait de sa loi constitutive, de la LIPR et de la section E de l’article premier de la Convention, une disposition étroitement liée à la LIPR. Le ministre souligne que l’article 98 de la LIPR incorpore la section E de l’article premier de la Convention, et que toute interprétation de cette section de la Convention revient par conséquent à interpréter l’article 98 de la LIPR.

[21]           Au paragraphe 24 de l’arrêt B010 c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CSC 58, la Cour suprême du Canada fait observer que la Cour d’appel fédérale a exprimé des opinions différentes en ce qui a trait à la norme de contrôle applicable aux questions d’interprétation législative impliquant la prise en compte d’instruments internationaux. La CAF a quelques fois appliqué la norme de la décision correcte (Hernandez Febles c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CAF 324, aux paragraphes 22 à 25), et d’autres fois celle de la décision raisonnable (B010 c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CAF 87 [B010]).

[22]           En l’espèce, la SAR interprétait sa loi constitutive, la LIPR, et un instrument de droit international qui lui est étroitement lié, la Convention. Il existe une présomption selon laquelle la norme de la décision raisonnable s’applique (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, au paragraphe 24). Rien dans la présente affaire ne justifie d’écarter cette présomption. Il se pourrait cependant que l’éventail d’interprétations raisonnables à donner à une disposition législative soit restreint (Canada (Procureur général) c Commission canadienne des droits de la personne, 2013 CAF 75; B010, au paragraphe 72).

[23]           La SAR a vérifié si M. Majebi et ses enfants avaient un statut de résident semblable à celui des ressortissants de l’Italie à la date à laquelle leurs demandes d’asile ont été instruites devant la SPR. La SAR s’est appuyée sur l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Zeng, 2010 CAF 118 [Zeng], de la Cour d’appel fédérale, plutôt que sur la décision Dieng c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 450 [Dieng], de notre Cour. M. Majebi souligne que l’arrêt Zeng a été rendu avant la création de la SAR et il soutient que la SAR aurait dû appliquer le test énoncé dans la décision Dieng, selon laquelle le statut d’un demandeur d’asile doit être évalué le jour où sa demande d’asile est tranchée (Dieng, au paragraphe 21).

[24]           Selon le critère énoncé dans l’arrêt Zeng, la SPR doit tenir compte de tous les facteurs pertinents existant à la date de l’audience pour déterminer si le statut du demandeur d’asile est essentiellement semblable à celui des ressortissants du pays dans lequel le demandeur a établi sa résidence. Si le statut du demandeur d’asile est semblable à celui des autres ressortissants, le demandeur d’asile est exclu au titre de la section E de l’article premier de la Convention. Si le statut du demandeur d’asile n’est pas semblable, la SPR doit examiner si le demandeur d’asile avait précédemment ce statut et s’il l’a perdu, ou s’il pouvait obtenir ce statut et qu’il ne l’a pas fait. Si la réponse est négative, le demandeur d’asile n’est pas exclu au titre de la section E de l’article premier. Si la réponse est affirmative, la SPR doit examiner et soupeser divers facteurs, notamment celui de savoir si la raison de la perte du statut était volontaire ou involontaire, si le demandeur d’asile pouvait retourner dans le pays de résidence, de même que le risque auquel le demandeur d’asile serait exposé dans son pays d’origine.

[25]           La SPR a rendu sa décision le 25 juin 2014. À cette date, il est évident que M. Majebi est ses enfants avaient perdu leur droit de retourner en Italie parce que M. Majebi n’avait plus de statut depuis le 7 juin 2014. M. Majebi soutient que la SAR a commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu’elle a omis d’apprécier toute la preuve à la date de l’appel.

[26]           Le rôle de la SAR lorsqu’elle examine l’appel d’une décision de la SPR n’est pas encore arrêté. La Cour d’appel fédérale est actuellement saisie de l’appel de la décision rendue par notre Cour dans l’affaire Huruglica c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 799 [Huruglica].

[27]           Dans la décision Dhillon c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 321 [Dhillon], le juge LeBlanc a statué qu’un appel devant la SAR doit viser la décision de la SPR, et qu’il doit être tranché à partir du dossier constitué à la date de la décision de la SPR. Sauf si la SAR admet de nouveaux éléments de preuve, le cadre législatif auquel est soumis un appel exige que la SAR ne se soucie que des erreurs de droit, des erreurs de fait ou des erreurs mixtes de droit et de fait (Dhillon, au paragraphe 18). Toutefois, au paragraphe 13 de la décision Alyafi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 952 [Alyafi], le juge Martineau a estimé qu’on pourrait sans doute argumenter « qu’il s’agit d’une sorte d’appel de novo » lorsqu’une décision fait l’objet d’un appel devant la SAR.

[28]           Au paragraphe 36 de la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Alsha’bi et al, 2015 CF 1381 [Alsha’bi], la juge Strickland a examiné un certain nombre de décisions de notre Cour traitant du rôle de la SAR, dont la décision Alyafi, avant de conclure ce qui suit :

Par conséquent, il serait sans doute plus exact d’affirmer que l’état actuel du droit sur ce point n’est pas encore fixé, contrairement à l’argument du ministre selon lequel la Cour a choisi de ne pas se prononcer sur le caractère de novo du processus d’appel devant la SAR. En outre, compte tenu de la décision Alayfi, tant que la Cour d’appel fédérale ou la Cour suprême du Canada n’aura pas tranché la question, la Cour ne jugera pas nécessairement que la SAR a eu tort s’appliquer l’une de ces deux approches. (Alyafi, aux paragraphes 51 et 52; Djossou [2014 CF 1080], au paragraphe 91; Taqadees c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 909, aux paragraphes 9 à 13).

[29]           Dans la décision Alsha’bi, laquelle traite d’une perte de statut dans un pays étranger entre la date de la décision de la SPR et celle de l’appel devant la SAR, la juge Strickland a refusé d’infirmer la décision de la SAR afin de substituer son point de vue quant à la décision correcte compte tenu du changement dans la situation des appelants. Cette conclusion donne à penser que la SAR en l’espèce aurait pu tenir compte de la perte du statut de résident de M. Majebi et de ses enfants en Italie, et substituer son point de vue quant à la décision correcte compte tenu du changement dans leur situation après l’audience devant la SPR. Il aurait cependant fallu que la SAR tienne compte de plusieurs autres facteurs, y compris la question de savoir si la perte du statut de résident en Italie était volontaire ou involontaire. Notre Cour a jugé que la décision prise par un demandeur d’asile de laisser périmer son statut dans un pays tiers équivaut à forme inadmissible de quête du meilleur pays d’asile (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Choovak, 2002 ACF 573, aux paragraphes 15 et 17).

[30]           En attendant les directives de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Huruglica, et compte tenu du jugement rendu par le juge LeBlanc dans l’affaire Dhillon, je ne puis conclure que la SAR a erronément évalué le statut de résident de M. Majebi et de ses enfants à la date de l’audience devant la SPR. Cette approche correspond à celle que la Cour d’appel fédérale a adoptée dans l’arrêt Zeng et je ne saurais reprocher à la SAR d’avoir appliqué ce précédent. Même si la SAR aurait pu privilégier une approche différente, comme elle semble l’avoir fait dans la décision Alsha’bi, rien ne l’obligeait à le faire. L’approche adoptée par la SAR en l’instance était raisonnable.

[31]           Enfin, comme l’a observé le ministre, si M. Majebi et ses enfants ne sont pas en mesure de retourner en Italie, ils sont admissibles à un examen des risques avant renvoi, préalablement à leur renvoi au Nigéria.

V.                Question certifiée

[32]           M. Majebi demande à notre Cour de certifier une question en vue d’un appel. La question du rôle qui revient à la SAR lorsqu’elle se penche sur l’appel d’une décision de la SPR a été portée en appel devant la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Huruglica. Je suis cependant d’accord avec M. Majebi pour dire que la question de la date à laquelle il conviendrait d’évaluer le statut de résident dans le cadre d’une exclusion au titre de la section E de l’article premier de la Convention est aujourd’hui remise en question et qu’il est fort peu probable que la Cour d’appel en traite directement dans l’affaire Huruglica.

[33]           Au paragraphe 13 de l’arrêt Zeng, la Cour d’appel fédérale a souligné que la date « doit être souple afin de faire en sorte que le statut et les actes d’un demandeur d’asile à toutes les étapes, soient pris en compte », mais elle n’a pas appliqué cette souplesse au‑delà de la date de l’audience devant la SPR. Dans la décision Dieng, le juge de Montigny était disposé à reporter cette date jusqu’à celle où la SPR rend sa décision, quoiqu’on ne sait pas vraiment s’il entendait ainsi s’écarter de l’arrêt Zeng ce faisant. Dans la décision Alsha’bi, la juge Strickland a refusé d’annuler la décision de la SAR afin de substituer son point de vue quant au jugement qu’il aurait été approprié de rendre compte tenu de la perte du statut de résidence du demandeur d’asile dans un pays tiers postérieurement à la décision de la SPR.

[34]           À mon avis, il serait utile qu’une juridiction d’appel donne des précisions sur ce point. Je certifie donc la question suivante en vue d’un appel :

[traduction] Pour déterminer si une personne est exclue de la protection accordée aux réfugiés au titre de la section E de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, la question de savoir si cette personne bénéficie des droits et obligations attachés à la possession de la nationalité du pays dans lequel elle a établi sa résidence doit‑elle être appréciée à la date de la tenue de l’audience devant la Section de protection des réfugiés [SPR], à la date de la décision de la SPR, ou à la date d’un appel devant la Section d’appel des réfugiés?


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.      La question suivant est certifiée :

[traduction] Pour déterminer si une personne est exclue de la protection accordée aux réfugiés au titre de la section E de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, la question de savoir si cette personne bénéficie des droits et obligations attachés à la possession de la nationalité du pays dans lequel elle a établi sa résidence doit‑elle être appréciée à la date de la tenue de l’audience devant la Section de protection des réfugiés [SPR], à la date de la décision de la SPR, ou à la date d’un appel devant la Section d’appel des réfugiés?

« Simon Fothergill »

Juge

Traduction certifiée conforme

Jean‑Jacques Goulet, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑878‑15

 

INTITULÉ :

HENRY MAJEBI, DAISY OYIEAMED SULEMAJEBI, MARIAN OMONIGHO SULEMAJEBI, CHANTEL RECHIA SULEMAJEBI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 NOVEMBRE 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FOTHERGILL

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 7 janvier 2016

 

COMPARUTIONS :

Adrienne Smith

 

POUR LES DEMANDEURS

 

David Knapp

Nicole Paduraru

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

JORDAN BATTISTA LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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