Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20151204


Dossier : T‑303‑15

Référence : 2015 CF 1348

[TRADUCTION FRANÇAISE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 décembre 2015

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

KATHERINE HOFFMAN

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par Valerie Hazlett Parker, membre du Tribunal de la sécurité sociale – division d’appel (ci‑après appelé le TSS‑DA), au titre de l’article 58 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, LC 2005, c 34 (LMEDS). La décision a été communiquée au demandeur le 29 janvier 2015 et accorde à la défenderesse l’autorisation d’interjeter appel de la décision du Tribunal de la sécurité sociale – division générale (ci‑après appelé le TSS‑DG) datée du 22 octobre 2014, pour le motif que la défenderesse a présenté un motif raisonnable justifiant l’accueil de l’appel proposé.

[2]               Pour les motifs qui suivent, la présente demande est accueillie.

I.                   Contexte

[3]               La défenderesse a demandé des prestations d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada, LRC 1985, c C‑8 (le RPC) en 2010. Elle a indiqué comme principale maladie invalidante une hospitalisation de 6 semaines à la suite d’une dépression nerveuse, en juin 1991. La défenderesse a affirmé qu’elle avait également été hospitalisée en février 1996, à la suite d’une seconde dépression nerveuse.

[4]               La demande initiale de la défenderesse incluait les documents suivants :

a)      Un rapport médical du Dr Jeff King daté du 4 août 2010. Le rapport indique que la défenderesse est inapte au travail en raison d’une anxiété généralisée et renvoie à l’hospitalisation qui a eu lieu en 1996. Il précise que le médicament Paxil s’avère généralement efficace pour traiter l’anxiété de la défenderesse.

[5]               Le dossier contenait aussi les renseignements médicaux suivants :

a)      Dossiers d’hôpital du Dr Woolnough, datés du 3 juin au 18 juillet 1991. Les documents indiquent que la défenderesse a été hospitalisée à la suite d’une altercation avec son époux dans le cadre de laquelle elle avait subi un traumatisme grave au poignet, et qu’elle était probablement au début d’une maladie psychotique;

b)      Un rapport médical du Dr Surti, daté du 3 janvier 1992, indiquant que la défenderesse avait repris le travail à titre de préposée à l’entretien ménager et ne montrait aucun signe de dépression ou de psychose;

c)      Un rapport médical du Dr Surti, daté du 13 juillet 1992, affirmant que la défenderesse ne semblait pas dépressive, n’était pas suicidaire et n’avait pas besoin de prendre de médicaments psychotropes;

d)     Un rapport médical du Dr Power, daté du 17 janvier 2001, mentionnant que l’humeur et l’anxiété de la défenderesse étaient stables et que celle‑ci allait bien. La défenderesse prend le médicament Paxil, et le médecin recommande la poursuite du traitement;

e)      Un rapport médical du Dr King, daté du 13 juillet 2011, indiquant que le niveau d’anxiété de la défenderesse est stabilisé, et que celle-ci prend le Paxil une fois par jour. La lettre indique aussi que l’anxiété récurrente de la défenderesse peut parfois atteindre un niveau invalidant;

f)       Un rapport médical du Dr Surapaneni, daté du 6 janvier 2012, faisant suite à un accident de voiture dans lequel la défenderesse a été blessée en février 2011. La lettre fait mention d’une surdose intervenue par le passé pour laquelle la défenderesse a été traitée, ainsi que de l’hospitalisation de 1991. La défenderesse a eu des idées suicidaires par le passé à cause d’antécédents de mauvais traitements. La lettre précise que les problèmes psychiatriques de la défenderesse sont trop nombreux pour être abordés dans une seule rencontre, mais présente un diagnostic préliminaire de trouble de stress post‑traumatique, de trouble d’anxiété chronique, de dépression majeure traitée par le Paxil, de traumatisme cranio-cervical et de stress élevé. Elle indique aussi que la défenderesse est considérée comme étant inapte au travail à cause de traumatismes;

g)      Un rapport médical du Dr Ligate, daté du 5 mars 2012, établi pour la compagnie d’assurance à la suite de l’accident de voiture. Selon le rapport, les examens médicaux montrent que la défenderesse souffre d’une dépression majeure et d’anxiété modérée. Le diagnostic comprend aussi un trouble douloureux associé à des facteurs psychologiques et au TSPT, qui peut avoir été aggravé par l’accident.

[6]               La défenderesse affirme qu’il y a eu une autre hospitalisation en 1996. Cependant, elle n’a fourni aucun dossier d’hôpital à cet égard. L’hospitalisation de 1996 est toutefois mentionnée dans la lettre du Dr King datée du 4 août 2010. L’évaluation psychiatrique du 5 mars 2012, qui a été menée pour la compagnie d’assurance à la suite de l’accident de voiture, indique aussi que la défenderesse a été admise à l’hôpital Grand River en 1996 et y est restée dix jours. C’est à ce moment qu’on lui a prescrit le Paxil et qu’elle a commencé à prendre ce médicament.

[7]               La demande a été rejetée le 13 octobre 2010 parce que la défenderesse n’avait pas suffisamment cotisé au RPC pour être admissible à des prestations d’invalidité. La défenderesse a demandé le réexamen de cette décision.

[8]               Le 13 juin 2011, l’état des gains de la défenderesse indiquait que, en raison d’un partage de crédits, des cotisations au RPC avaient été créditées à son dossier pour les années 1983 et 1985 à 1991, inclusivement. La demande de la défenderesse a alors été réexaminée au titre de la disposition relative aux demandes tardives, énoncée au sous‑alinéa 44(1)b)(ii), afin d’établir si elle satisfaisait, plus tôt dans sa période cotisable, à la condition de la cotisation minimale applicable à des prestations d’invalidité. Le demandeur a établi que la défenderesse  satisfaisait pour la dernière fois à la condition relative à la cotisation le 31 décembre 1997 et que sa période minimale d’admissibilité (PMA) prenait fin à cette date.

[9]               Le demandeur a réexaminé et confirmé sa décision. Même si la défenderesse est désormais admissible à des prestations, elle n’était pas considérée comme invalide à la fin de sa PMA, le 31 décembre 1997.

[10]           La défenderesse a interjeté appel de la décision du demandeur au bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR).

[11]           Une explication de la décision faisant l’objet de l’appel a été présentée au BCTR.

[12]           Le BCTR a fixé une audience en bonne et due forme au 15 janvier 2013. L’audience a été reportée étant donné que la défenderesse avait fait savoir que des notes n’avaient pas encore été produites.

[13]           Le 1er avril 2013, l’appel interjeté par la défenderesse a été transféré au TSS‑DG, conformément à la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable.

[14]           Le 10 février 2014, le demandeur a produit son Avis de procéder relativement à l’audience.

[15]           Le 6 août 2014, le TSS‑DG a fait savoir aux parties qu’il entendait instruire l’appel sur la foi des documents produits et des observations formulées, pour deux motifs. En premier lieu, l’information produite était suffisante pour lui permettre de rendre une décision sans le témoignage de l’appelante. En second lieu, le TSS‑DG a affirmé que [traduction« la plupart des interventions médicales ont eu lieu bien après la fin de la PMA, soit le 31 décembre 1997 ». Le TSS‑DG a donné aux parties jusqu’au 5 septembre 2014 pour produire des documents ou formuler des observations supplémentaires. L’avocat de la défenderesse a présenté des observations écrites au TSS‑DG.

[16]           Le 22 octobre 2014, le TSS‑DG a rejeté l’appel de la défenderesse avec motifs à l’appui. Il a établi que la défenderesse n’était pas invalide étant donné qu’elle [traduction« était capable de travailler au moment de sa PMA parce qu’elle était jeune et en bonne santé physique. Son état mental était stable grâce à des médicaments ». Le TSS‑DG a expliqué que certains rapports et évaluations médicaux se rapportant à l’accident de voiture (l’accident) du 25 janvier 2011 n’avaient pas été examinés [traduction« parce que l’accident avait eu lieu plus de 13 ans après la fin de la PMA, soit le 31 décembre 1997 ».

[17]           La défenderesse a demandé l’autorisation d’en appeler de la décision du TSS‑DG auprès du TSS‑DA. Les motifs d’appel ont été énoncés en ces termes :

a)      L’appel a une chance raisonnable d’être accueilli, étant donné les nombreux rapports médicaux indiquant que Mme Hoffman ne peut pas travailler en raison de son invalidité;

b)      L’autorisation d’interjeter appel est demandée au titre de l’alinéa 58(1)c) – la Division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qui a été tirée de façon abusive et arbitraire;

c)      Le rapport du Dr Surti de décembre 1992 indiquait que la défenderesse souffrait d’une invalidité mentale, ce qui contredisait la conclusion du TSS‑DG selon laquelle la défenderesse était quand même en état de travailler;

d)     La décision du TSS‑DG est viciée et ne contient aucun élément indiquant, dans l’analyse, que ce dernier a accordé la moindre attention aux nombreux autres rapports étayant une conclusion d’invalidité pour Mme Hoffman avant la date de la fin de sa PMA, soit le 31 décembre 1997.

[18]           La défenderesse reconnaît que l’affirmation selon laquelle le Dr Sutri l’avait déclaré atteinte d’une invalidité mentale en décembre 1992 était incorrecte, et que le Dr Sutri avait lui‑même affirmé qu’elle ne souffrait pas d’une invalidité mentale à ce moment.

[19]           Étant donné que le TSS‑DA a accordé l’autorisation d’interjeter appel, la défenderesse a découvert que les rapports relatifs à l’hospitalisation de 1996 ne figuraient pas dans le dossier du TSS utilisé par tous les membres du Tribunal qui ont rendu une décision à son égard. Toutefois, les rapports étaient mentionnés dans les observations de la défenderesse datées du 5 décembre 2014, ainsi que dans sa demande d’autorisation d’interjeter appel. La défenderesse affirme que toutes les parties connaissaient le contenu de ces rapports.

[20]           Le 29 janvier 2015, la membre du TSS‑DA a accordé l’autorisation d’interjeter appel.

[21]           Le TSS‑DA a établi que le TSS‑DG avait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Le TSS-DA déclare que le TSS‑DG devait étayer sa décision par des motifs suffisants, et qu’il n’a pas expliqué les raisons pour lesquelles il a écarté des rapports rédigés avant la date de la fin de la PMA de la défenderesse indiquant que celle‑ci était inapte au travail. La membre du Tribunal a conclu que l’appel avait une chance raisonnable de succès et a accueilli la demande d’autorisation d’interjeter appel.

II.                Norme de contrôle

[22]           Le 1er avril 2013, le TSS‑DA remplaçait la Commission d’appel des pensions (CAP) conformément aux articles 223, 224 et 225 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité à long terme, 2012, c 19. Il a alors hérité de la compétence de la CAP en ce qui concerne les demandes d’autorisation d’interjeter appel.

[23]           Selon l’ancien article 83 de la Loi sur le Régime de pensions du Canada, LRC 1985, c C‑8, une partie peut demander par écrit l’autorisation d’en appeler auprès de la CAP. En dépit du fait que les dispositions législatives ne précisaient pas le critère applicable pour autoriser l’appel, la jurisprudence de la Cour exige que la partie demandant l’autorisation d’interjeter appel soulève une cause défendable (Tracey c Canada (Procureur général), 2015 CF 1300 (Tracey), au paragraphe 13; Belo‑Alves c Canada (Procureur général), 2014 CF 1100, au paragraphe 64).

[24]           Le contrôle judiciaire d’une décision de la CAP accordant ou refusant l’autorisation d’interjeter appel suppose l’examen de deux questions : 1) celle de savoir si le bon critère a été appliqué; 2) celle de savoir si une erreur de droit ou une erreur de fait a été commise quand on a établi si le demandeur avait soulevé une cause défendable. La première question est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte. La seconde est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Callihoo c Canada (Procureur général), [2000] ACF no 612, au paragraphe 15).

[25]           Après le 1er avril 2013, aux termes de l’article 58 de la LMEDS, l’autorisation d’interjeter appel à l’égard d’une décision du TSS‑DG ne peut être accordée que si le demandeur a convaincu le TSS‑DA que son appel a « une chance raisonnable de succès » à l’égard d’au moins un des motifs d’appel prévu au paragraphe 58(1) :

a)    la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;

b)    elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;

c)    elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[26]           Dans Tracey, précitée, le juge Roussel a affirmé que l’analyse en deux étapes adoptée par la Cour sous l’ancien régime ne devrait plus guider la Cour lorsqu’elle examine une décision du TSS‑DA relativement à une demande d’autorisation d’interjeter appel. L’analyse ne devrait compter qu’une étape, qui consisterait à établir si la décision du TSS‑DA d’accorder ou de refuser l’autorisation d’interjeter appel était raisonnable. Les avocats des parties ont convenu que cela devrait être le critère applicable, et je suis d’accord avec eux (Tracey, aux paragraphes 17, 21 et 22).

[27]           Par conséquent, le critère applicable à l’autorisation d’interjeter appel auprès du TSS‑DA à l’égard d’une décision du TSS‑DG ainsi que la norme de contrôle applicable à la décision du TSS‑DA sont la norme de la décision raisonnable.

III.             Question en litige

[28]           La membre du TSS‑DA a‑t‑elle omis d’appliquer de façon raisonnable le critère relatif à l’autorisation d’interjeter appel au titre de l’article 58 de la LMEDS, et la décision d’autoriser l’appel était‑elle raisonnable?

IV.             Analyse

[29]           Les dispositions législatives applicables, soit les paragraphes 58(1) et 58(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, LC 2005, c 35 (auparavant la Loi sur le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), prévoient ce qui suit :

Moyens d’appel

58. (1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;

b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;

c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Grounds of appeal

58. (1) The only grounds of appeal are that

(a) the General Division failed to observe a principle of natural justice or otherwise acted beyond or refused to exercise its jurisdiction;

(b) the General Division erred in law in making its decision, whether or not the error appears on the face of the record; or

(c) the General Division based its decision on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it.

Critère

(2) La division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Criteria

(2) Leave to appeal is refused if the Appeal Division is satisfied that the appeal has no reasonable chance of success.

[30]           L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à des prestations d’invalidité. Pour obtenir des prestations, le demandeur :

a)      Ne doit pas avoir atteint l’âge de 65 ans;

b)      Ne pas toucher une pension de retraite du RPC;

c)      Doit être invalide;

d)     Doit avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[31]           Le demandeur doit établir qu’il souffre d’une invalidité grave ou prolongée au cours de la PMA ou avant la fin de celle‑ci. En l’espèce, la PMA de la défenderesse a pris fin le 31 décembre 1997. Étant donné que la demande de la défenderesse a été examinée en vertu de la disposition relative aux demandes tardives, soit le sous‑alinéa 44(1)b)(ii), celle‑ci doit démontrer qu’elle a été invalide de façon continue jusqu’à ce jour.

[32]           L’alinéa 42(2)a) du RPC définit l’invalidité comme une maladie physique ou mentale grave ou prolongée. Une personne est considérée comme ayant une invalidité grave si elle est incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle est déclarée devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès.

[33]           La Cour doit faire preuve d’une grande retenue quand elle examine l’interprétation faite par le TSS‑DA de sa propre loi habilitante (Tracey; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers' Association, 2011 CSC 61, aux paragraphes 30 et 39).

[34]           Dans la décision du TSS‑DA, la membre du tribunal cite l’article 58 de la LMEDS à titre de disposition énonçant les seuls motifs d’appel pouvant être pris en compte pour accorder l’autorisation d’en appeler d’une décision du TSS‑DG. Elle affirme aussi qu’elle doit décider si le demandeur a formulé un motif d’appel ayant une chance raisonnable de succès. Par conséquent, comme le montre la décision, la membre du tribunal semble avoir pris en compte le critère pertinent au titre de l’article 58 de la LMEDS.

[35]           Dans sa décision, la membre du TSS‑DA affirme qu’elle autorise l’appel parce que le TSS-DG a tiré une conclusion de fait de façon abusive ou arbitraire ou sans avoir tenu compte des éléments portés à sa connaissance, conformément à l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS. Le demandeur soutient que la décision est déraisonnable parce qu’elle ne précise pas si l’appel est autorisé pour des motifs autres que ceux prévus à l’alinéa 58(1)c), et ne précise pas non plus si le paragraphe 58(2) a été pris en compte. Toutefois, les motifs qui sont énoncés au paragraphe 58(1) ne sont pas conjonctifs et, par conséquent, le TSS‑DA n’est pas tenu de renvoyer à tous les motifs prévus à l’article 58 ou au paragraphe 58(2) lorsqu’il autorise un appel. Je ne suis pas convaincu que la membre a omis de prendre en compte le paragraphe 58(1) ou le paragraphe 58(2), comme l’allègue le demandeur.

[36]           De plus, le demandeur soutient que la membre du Tribunal n’a pas appliqué le critère de façon raisonnable. Lorsqu’on compare les paragraphes 5 et 6 aux commentaires de la membre au paragraphe 7, où elle écrit que [traduction« divers professionnels de la santé, à différentes périodes, ont tiré des conclusions différentes au sujet des capacités de la [défenderesse] » et que la décision du TSS‑DG [traduction« dépendait, du moins en partie, de la façon dont ces éléments de preuve ont été appréciés », il semble que la demande ait été examinée en fonction de l’« ancien critère » (cause défendable).

[37]           Le demandeur soutient que les motifs laissent croire que la membre du TSS‑DA a omis d’exercer comme il se devait sa compétence prévue au paragraphe 58(2). Avant de tirer une conclusion quant à la question de savoir si le TSS‑DG avait omis de prendre en compte des éléments de preuve importants par rapport au résultat final, la membre devait examiner les éléments de preuve et les motifs de décision du TSS‑DG en tenant compte : i) du nouveau critère applicable à l’autorisation d’interjeter appel; ii) du critère relatif à l’invalidité prévu au paragraphe 42(2); iii) de la nature de l’appel auprès du TSS‑DA.

[38]           Qui plus est, le demandeur affirme que le TSS‑DA a commis une erreur en établissant si le TSS‑DG avait [traduction« fondé sa décision sur une conclusion de faits erronée » sans d’abord prendre en compte le critère juridique applicable à l’invalidité énoncé au paragraphe 42(2) du RPC et dans la jurisprudence. La membre du Tribunal devait examiner la question de savoir si le dossier contenait des éléments de preuve étayant la conclusion du TSS‑DG selon laquelle la défenderesse n’était pas invalide pendant la PMA.

[39]           De plus, le demandeur soutient que la membre du Tribunal a commis une erreur en appréciant les éléments de preuve et les renseignements importants afin de déterminer si l’autorisation d’en appeler devrait être accordée. Une décision qui [traduction« ne tient pas compte du dossier de preuve » ou est fondée sur l’omission [traduction« d’importants éléments de preuve documentaire » ou des éléments de preuve [traduction« qui n’ont pas été pris en compte comme il se devait » sera une décision rendue de façon abusive ou arbitraire (Canada (PG) c MacLeod, 2010 CAF 301, au paragraphe 5; Canada (PG) c McCarthy, [1994] ACF no 1158 (CA), au paragraphe 22; Vincent c Canada (PG), [2007] ACF no 964 (CA)).

[40]           Enfin, le demandeur soutient que c’est le paragraphe 58(4) de la LMEDS qui oblige la membre du TSS‑DA à fournir des motifs à l’appui de sa décision. L’examen de la décision accordant l’autorisation d’interjeter appel montre que la membre du Tribunal n’a pas analysé le droit ou les éléments de preuve de façon approfondie.

[41]           Les motifs doivent être intelligibles et suffisamment détaillés et doivent justifier de façon logique la décision. Ils devraient répondre aux questions soulevées par l’affaire et aux arguments clés formulés par les parties. Ils doivent être examinés en corrélation avec le résultat afin de permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues raisonnables (Newfoundland and Labrador Nurses' Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, aux paragraphes 14 et 15).

[42]           Le TSS‑DA fonde sa décision sur l’absence d’explication dans la décision du TSS‑DG quant à savoir pourquoi des rapports concluant que la défenderesse était inapte au travail avaient été écartés.

[43]           Le caractère inadéquat des motifs ne justifie pas à lui seul l’annulation d’une décision, et les motifs doivent simplement permettre aux parties de comprendre les raisons pour lesquelles le Tribunal a rendu la décision et permettre le contrôle judiciaire de celle‑ci.

[44]           Toutefois, en l’espèce, la membre a omis de préciser de quelque façon que ce soit, compte tenu des éléments de preuve et des motifs dont disposait le TSS-DG, à la date pertinente du 31 janvier 1997, les éléments de preuve sur lesquels elle s’était appuyée pour établir si la défenderesse avait une chance raisonnable de succès en appel.

[45]           En concluant que des éléments de preuve [traduction« rédigés avant la fin de la PMA » semblaient avoir été écartés, la membre du Tribunal omet de reconnaître que le dossier ne contient aucun élément de preuve médical décrivant l’état de santé de la défenderesse en 1997 et que, à l’exception d’un rapport, en 2001, le dossier ne contient aucun autre élément de preuve médical décrivant son état de santé jusqu’en 2010.

[46]           La membre ne semble pas avoir pris en compte le fait que, bien que la demande d’autorisation d’interjeter appel précise que le Dr Surapaneni a écrit que [traduction« Mme Hoffman semble montrer les symptômes d’un trouble de stress post‑traumatique », mais elle n’indique pas que le rapport disait aussi que ce trouble [traduction« est apparu » après l’accident de voiture que Mme Hoffman eu le 25 février 2011.

[47]           Il n’apparaît pas clairement non plus si la membre a reconnu que la note de 1992 rédigée par le Dr Surti laisse entendre le contraire de ce qu’allègue la défenderesse. Selon la note du Dr Surti, la défenderesse [traduction« n’est pas invalide » et [traduction« n’est pas psychotique ».

[48]           Les éléments de preuve postérieurs à la fin de la PMA ne sont pas pertinents, étant donné que la défenderesse ne semble pas avoir démontré qu’elle était invalide avant la fin de la PMA, et on ne voit pas clairement quel fondement ou quel élément de preuve a permis à la membre de conclure que la défenderesse avait une chance raisonnable de succès en appel.

[49]           Je conclus que la membre du Tribunal n’a pas fourni de façon raisonnable des motifs étayant sa décision d’autoriser l’appel au motif que le TSS‑DG pouvait avoir « fondé sa décision sur une conclusion erronée de fait, tirée de façon abusive ou arbitraire », étant donné l’absence d’éléments de preuve transparents ou intelligibles indiquant que la défenderesse était invalide conformément à la définition énoncée au paragraphe 42(2) du RPC avant la fin de sa PMA, soit le 31 décembre 1997.


JUGEMENT

LA COUR STATUE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie, et l’affaire est renvoyée à un autre membre du Tribunal pour nouvel examen conformément aux présents motifs.

« Michael D. Manson »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

T‑303‑15

 

INTITULÉ :

PGC c KATHERINE HOFFMAN

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 30 novembre 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

le juge MANSON

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

le 4 décembre 2015

 

COMPARUTIONS :

Laura Dalloo

POUR LE DEMANDEUR

Randy Knight

pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Gatineau (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Graves Richard Harris LLP

Kitchener (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.