Date : 20151202
Dossier : T-709-13
Référence : 2015 CF 1339
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
ACTION RÉELLE CONTRE L’EX-NAVIRE « NCSM ANNAPOLIS » ET PERSONNELLE EN MATIÈRE D’AMIRAUTÉ ENTRE : |
WESLEY ROOTS, FAISANT AFFAIRE |
SOUS LA DÉNOMINATION |
W.R. MARINE SERVICES
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demandeur / défendeur reconventionnel |
et |
L’ARTIFICIAL REEF SOCIETY |
OF BRITISH COLUMBIA, |
L’EX-NAVIRE « NCSM ANNAPOLIS », LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR L’EX-NAVIRE « NCSM ANNAPOLIS »
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défendeurs / demandeurs reconventionnels |
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE
[1] Par une ordonnance datée du 14 octobre 2015 et délivrée en vertu du paragraphe 385(2) des Règles des Cours fédérales, il a été ordonné au demandeur d’expliquer, par la voie d’observations écrites à signifier et à déposer avant le 9 novembre 2015 au plus tard, les raisons pour lesquelles il n’y avait pas lieu de rejeter l’action pour défaut de se conformer aux directives de la Cour et pour cause de retard (l’ordonnance d’examen de l’état de l’instance).
[2] Il n’existe aucun document faisant état d’observations que le demandeur aurait déposées en réponse à l’ordonnance d’examen de l’état de l’instance. Dans les circonstances, je conclus qu’il y a lieu de rejeter l’action, avec dépens en faveur des défendeurs.
I. Le contexte
[3] L’action a été engagée le 24 avril 2013 par le demandeur à l’encontre de l’Artificial Reef Society of British Columbia (l’ARSBC) et, en matière réelle, contre l’ex‑navire NCSM Annapolis (l’Annapolis). Les questions soulevées dans cette action ont trait au rôle que les parties ont joué dans le cadre des préparatifs du sabordage de l’Annapolis en vue d’en faire un récif artificiel à l’île Gambier (Colombie-Britannique).
[4] L’ARSBC, une société constituée en vertu du Society Act, RSBC 1996, c 433, a pour mission de créer et de mettre en valeur dans la province et partout dans le monde des récifs artificiels durables pour le plaisir des plongeurs amateurs ainsi que pour la protection des habitats marins.
[5] En 2008, l’ARSBC a acheté du gouvernement canadien l’Annapolis, un contre-torpilleur porte‑hélicoptères hors service, au prix de 20 000 $, dans le but de le saborder pour en faire un récif artificiel en eaux canadiennes. En juin 2008, l’Annapolis a été déplacé de base fédérale située à Esquimalt (Colombie‑Britannique) à la baie de Port Graves, à l’île Gambier, en vue de le préparer à son sabordage.
[6] En 2008 et en 2009, l’ARSBC a ensuite cherché d’éventuels sites de sabordage pour l’Annapolis. Le parc provincial marin de la baie Halkett a été choisi comme site, à cause de sa profondeur d’eau idéale, des caractéristiques de son fond marin et de sa proximité de Vancouver.
[7] Divers préparatifs étaient nécessaires avant que le navire puisse être sabordé pour en faire un récif artificiel. De façon générale, le processus consistait à choisir un site de sabordage répondant aux exigences nécessaires en matière de fond marin, de courant et d’accès, à mettre au point un plan de financement du projet grâce à la revente de matériel du navire et de matériaux de récupération, à nettoyer et à enlever les hydrocarbures résiduels présents dans le navire, à effectuer diverses modifications au navire afin de permettre aux plongeurs d’y entrer et d’en sortir, à coordonner avec des bénévoles et des entrepreneurs les travaux de préparation nécessaires, à obtenir toutes les autorisations règlementaires requises, à préparer un système d’ancrage au site du sabordage ainsi qu’à prendre des dispositions pour le dernier remorquage du navire jusqu’à son site de sabordage et à le saborder en toute sécurité au moyen d’un processus d’immersion préalable et de charges explosives contrôlées. La plupart de ces tâches pouvaient être accomplies par des bénévoles.
[8] L’ARSBC a retenu tout d’abord Canadian Artificial Reef Consultants Inc. (CARC) à titre d’entrepreneur en vue d’aider à préparer le navire pour son sabordage en tant que récif artificiel. CARC a ensuite retenu les services du demandeur Wesley Roots par l’intermédiaire de son entreprise, W.R. Marine Services (W.R. Marine), à titre de sous‑traitant, en vue d’aider à réaliser le projet. L’ARSBC et CARC ont tout d’abord entretenu une relation de collaboration, mais celle-ci s’est détériorée en 2010 après que CARC eut menacé d’engager une action contre l’ARSBC.
[9] Le 25 janvier 2010, l’ARSBC, CARC et W.R. Marine ont conclu une entente dans le cadre de laquelle CARC a mis officiellement un terme à sa participation au projet de l’Annapolis. L’une des conditions de cette entente était que CARC cède à W.R. Marine sa créance de 32 132,10 $; cette somme représentait le montant que l’ARSBC devait à CARC pour le travail accompli dans le cadre du projet. Il était de plus envisagé par cette entente que l’ARSBC retiendrait directement les services de W.R. Marine pour aider à réaliser le projet.
[10] Selon l’ARSBC, W.R. Marine a accepté d’être chargée de la cueillette des matériaux récupérables de l’Annapolis et de s’occuper de leur vente en vue de générer des revenus permettant de financer le projet. Il était convenu par ailleurs que W.R. Marine toucherait, en guise de rémunération pour son travail dans le cadre du projet, 50 p.100 du produit de la vente des matériaux récupérés et que le reste serait versé à l’ARSBC. Il était également convenu que W.R. Marine obtiendrait pour l’Annapolis un lieu d’amarrage, à la baie de Port Graves, moyennant des frais mensuels de 2 800 $, en plus des taxes applicables.
[11] À l’automne 2012, l’ARSBC avait reçu de Transports Canada et du ministère des Pêches et des Océans (MPO) les autorisations nécessaires au sabordage proposé; cependant, le projet n’a pas pu être mené à bien à ce moment‑là parce que l’ARSBC avait encore besoin des autorisations d’Environnement Canada et du ministère de l’Environnement de la Colombie‑Britannique. La province de la Colombie‑Britannique avait exprimé son appui au projet, mais elle ne pouvait pas autoriser officiellement le projet avant qu’Environnement Canada ne donne son aval.
[12] Une inspection environnementale était prévue pour le mois de novembre 2012. On espérait qu’Environnement Canada donne son aval au projet après cette inspection. Peu avant le moment prévu pour l’inspection, des doutes ont été soulevés à propos de la présence possible de biphényles polychlorés (BPC) sur le navire. Environnement Canada a alors décidé de reporter son inspection en raison de ces doutes.
[13] Préoccupé par les frais d’amarrage et les retards qui s’accumulaient, le demandeur a engagé l’action sous‑jacente contre l’ARSBC et l’Annapolis le 23 avril 2013, réclamant des dommages‑intérêts pour violation du contrat. Il a également fait saisir l’Annapolis.
[14] Le 10 juin 2013, les défendeurs ont déposé leur défense. Par voie de demande reconventionnelle, ils ont réclamé des dommages‑intérêts à M. Roots, un jugement déclarant que W.R. Marine contrevenait à l’entente qu’elle avait conclue avec l’ARSBC, ainsi qu’une comptabilisation de tous les rebuts et autres matériaux retirés de l’Annapolis et du produit tiré de la vente ou de l’utilisation de ces matériaux.
[15] Le 27 mai 2014, il a été ordonné que l’action et la demande reconventionnelle se poursuivent sous la forme d’une instance à gestion spéciale.
[16] Le 28 octobre 2014, l’ARSBC a déposé une requête pour qu’il soit ordonné de lever la saisie de l’Annapolis afin qu’elle puisse procéder aux préparatifs nécessaires au sabordage. La requête a été accordée le 4 novembre 2014, avec dépens en faveur de l’ARSBC à un niveau supérieur à ceux qui sont habituellement adjugés, soit un montant de 10 000 $, au motif que le demandeur avait fait preuve d’une [traduction] « attitude nettement antagoniste en s’opposant à la requête de l’ARSBC et en déposant sa propre requête, ce qui a eu pour effet d’augmenter inutilement les dépens ».
[17] Le 6 janvier 2015, la Save Halkett Bay Marine Park Society (SHBMPS) a déposé un avis de demande sous le numéro de dossier T‑10‑15, sollicitant le contrôle judiciaire d’un permis d’immersion en mer que le ministre de l’Environnement avait délivré à l’ARSBC. Une injonction provisoire a été rendue le 12 janvier 2015, suspendant le déplacement du navire jusqu’à ce qu’une décision soit rendue dans le cadre de la demande.
[18] Le 6 février 2015, à la suite de l’audition d’une requête déposée par l’ARSBC à l’égard de l’amarrage de l’Annapolis, la Cour a ordonné une fois de plus l’adjudication de dépens en faveur de l’ARSBC d’un niveau supérieur, soit un montant de 2 500 $, au motif que le demandeur avait fait preuve d’une attitude nettement antagoniste, ce qui avait eu pour effet d’augmenter inutilement les dépens.
[19] La demande de SHBMPS a été rejetée par un jugement du juge en chef daté du 10 mars 2015.
[20] L’ARSBC a procédé avec succès au sabordage de l’Annapolis à la baie de Halkett, à l’île Gambier, le 4 avril 2015.
[21] En l’absence de toute mesure de la part du demandeur depuis l’automne de 2014, la Cour a donné une directive, le 21 juillet 2015, obligeant ce dernier à déposer un rapport d’activité et un projet de calendrier en vue de faire avancer le litige, après avoir consulté les défendeurs et avant le 8 septembre 2015. Le demandeur ne s’est pas conformé à cette directive.
[22] Le 15 septembre 2015, la Cour a demandé à l’avocat du demandeur de faire part de dates et d’heures de disponibilité en vue de la tenue d’une conférence de gestion de l’instance. Le demandeur n’a pas fourni les informations demandées par la Cour.
[23] Le 21 septembre 2015, la Cour, de sa propre initiative, a fixé la tenue d’une conférence de gestion de l’instance au 23 septembre 2015, compte tenu du défaut du demandeur de se conformer à la directive du 21 juillet 2015 et de faire part de dates et d’heures de disponibilité.
[24] Lors de la conférence de gestion de l’instance, l’avocat du demandeur s’est engagé à se conformer à la directive de la Cour du 21 juillet 2015, et ce, avant le 7 octobre 2015. À cette date, ni même après, la Cour n’a rien reçu du demandeur.
[25] Comme il a été mentionné plus tôt, l’ordonnance d’examen de l’état de l’instance a été rendue le 14 octobre 2015. Le demandeur n’a produit aucune observation écrite en réponse à cette ordonnance ou aux observations écrites des défendeurs, datées du 26 novembre 2015.
II. L’analyse
[26] Les défendeurs soutiennent qu’il y a lieu de rejeter la demande du demandeur, avec dépens en faveur de l’ARSBC, et sans porter préjudice à la capacité de cette dernière de solliciter l’aide de la Cour pour faire appliquer les ordonnances d’adjudication de dépens rendues en sa faveur. Pour les motifs qui suivent, je conclus qu’il y a lieu de rejeter l’action.
[27] Une partie qui reçoit un avis d’examen de l’état de l’instance (en l’occurrence, une ordonnance d’examen de l’état de l’instance rendue en vertu du paragraphe 385(2) des Règles) est tenue de répondre à deux questions : 1) y a-t-il une justification pour l’omission d’avoir fait avancer l’affaire, et 2) quelles mesures a-t-elle l’intention de prendre pour faire avancer l’affaire? Voir Netupsky c Canada (Agence des Douanes et du Revenu), 2004 CAF 239 (CanLII); 323 NR 349 au paragraphe 11, citant Baroud c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 1998 CanLII 8819 (CF), 160 FTR 91 (1re inst.) et Manson c Canada (Ministre du revenu national), 2002 CAF 357 (CanLII), [2003] 1 CTC 13 (CAF), autorisation d’interjeter de pourvoi rejetée, [2002] CSCR no 542. Par ailleurs, dans les cas où une ordonnance ou une directive de la Cour n’a pas été respectée au moment où débute l’examen de l’état de l’instance, il est également nécessaire de traiter de ces questions en suspens.
[28] Il ressort clairement de la loi qu’une instance ne doit être rejetée lors de l’examen de son état que dans des circonstances exceptionnelles, et lorsqu’aucun autre recours ne suffirait. Étant donné l’effet draconien du rejet d’une demande pour cause de retard, l’accent devrait être mis sur l’intérêt général de la justice. La préoccupation générale devrait consister à savoir si la partie en défaut reconnaît qu’il lui incombe de faire avancer l’action et si elle prend des mesures à cette fin.
[29] Le demandeur a eu une possibilité raisonnable de répondre à l’ordonnance d’examen de l’état de l’instance, mais il n’a aucunement expliqué sa conduite. Le fait qu’il n’ait pas respecté à plusieurs reprises les ordonnances et les directives de la Cour est indéfendable et assez sérieux.
[30] Les transgressions du demandeur en l’espèce sont plus qu’un simple oubli ou une erreur innocente; elles dénotent plutôt une tendance à faire abstraction de ses responsabilités à l’égard de l’avancement de l’affaire et un mépris total du processus de gestion de l’instance.
[31] Dans les circonstances, je suis d’avis que le rejet de l’action est une mesure de réparation appropriée, qui est proportionnelle avec la manière dont le demandeur s’est comporté pendant tout le présent litige. Il n’y a pas d’autre mesure de réparation qui suffirait dans les circonstances de l’espèce.
LA COUR ORDONNE :
1. L’action du demandeur est rejetée, avec dépens en faveur des défendeurs.
2. Les défendeurs sont tenus de présenter un rapport d’activité et un projet de calendrier en vue de l’exécution du reste des étapes de leur demande reconventionnelle avant le 15 janvier 2016.
« Roger R. Lafrenière »
Juge responsable de la gestion de l’instance
Vancouver (Colombie-Britannique)
Le 2 décembre 2015
Traduction certifiée conforme
Maxime Deslippes
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
T-709-13
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INTITULÉ : |
WESLEY ROOTS, FAISANT AFFAIRE SOUS LA DÉNOMINATION DE W.R. MARINE SERVICES c ARTIFICIAL REEF SOCIETY OF BRITISH COLUMBIA, L’EX-NAVIRE « NCSM ANNAPOLIS », LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR L’EX-NAVIRE « NCSM ANNAPOLIS »
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JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE
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DATE DES MOTIFS : |
Le 2 dÉcembRE 2015
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COMPARUTIONS :
James Straith
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POUR LE DEMANDEUR/DÉFENDEUR RECONVENTIONNEL |
Bryan Hicks
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POUR LES DÉFENDEURS/DEMANDEURS RECONVENTIONNELS |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Straith Litigation Chambers West Vancouver (Colombie-Britannique) |
POUR LE DEMANDEUR/DÉFENDEUR RECONVENTIONNEL
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Blake Cassels & Graydon LLP Vancouver (Colombie-Britannique)
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POUR LES DÉFENDEURS/DEMANDEURS RECONVENTIONNELS |