Date : 20151209
Dossier : IMM-2190-15
Référence : 2015 CF 1373
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Edmonton (Alberta), le 9 décembre 2015
En présence de monsieur le juge Campbell
ENTRE : |
FARHAN SARDAR |
demandeur |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] Par la présente demande, le demandeur, un citoyen du Pakistan, conteste la décision du 16 mars 2015 par laquelle l’agent des visas (l’agent) a refusé sa demande de résident permanent. Le processus ayant mené au refus est le suivant : en avril 2010, la sœur du demandeur, une résidente de l’Alberta, agissant comme répondante du demandeur, a présenté une demande dans le cadre du Programme des candidats à l’immigration de l’Alberta (PCIA) dans la catégorie de la classe familiale qui était en vigueur à l’époque; l’Alberta a approuvé la demande le 3 juillet 2012; par conséquent, la sœur du demandeur a présenté la demande de résident permanent du demandeur au défendeur dans la catégorie des candidats d’une province.
[2] Malgré l’approbation de l’Alberta, l’agent a refusé d’accorder le statut de résident permanent au demandeur en application du paragraphe 87(3) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 :
Si le fait que l’étranger est visé par le certificat de désignation mentionné à l’alinéa (2)a) [l’approbation de l’Alberta] n’est pas un indicateur suffisant de l’aptitude à réussir son établissement économique au Canada, l’agent peut, après consultation auprès du gouvernement qui a délivré le certificat, substituer son appréciation aux critères prévus au paragraphe (2).
Dans la décision faisant l’objet du contrôle, l’agent a déclaré ce qui suit :
[traduction] Je ne suis pas convaincu que le fait que vous êtes visé par le certificat de désignation délivré par l’Alberta soit un indicateur suffisant de votre aptitude à réussir votre établissement économique au Canada. Je suis parvenu à cette conclusion parce que je ne suis pas convaincu que vous avez les aptitudes et l’expérience linguistiques nécessaires pour réussir votre établissement économique au Canada.
[3] Il est entendu que les notes informatisées de l’agent, datées du 4 février 2015, constituent les motifs du refus. L’avocat du demandeur s’est fondé sur l’extrait suivant des notes pour faire valoir que l’agent a injustement examiné la preuve que le demandeur a présenté à l’appui de sa demande de résident permanent :
[traduction] Le représentant observe également que le DP a 5 offres d’emploi : - une lettre d’offre d’emploi (du 5 mai 2013 ainsi qu’une copie datée du 5 janvier 2014) de Maharaja Sweets, un restaurant offrant des services de traiteur et de banquet ainsi qu’un centre de conférence, pour un poste de commis à la comptabilité. L’employeur potentiel, Naxia Chaudhry, est la sœur du DP; - une autre lettre d’offre d’emploi (non datée) de Maharaja Sweets pour un poste de « superviseur de la salle communautaire ». L’offre indique qu’une formation serait donnée et que « la maîtrise de l’anglais n’est pas requise » parce que « la majorité de nos clients sont d’origine indienne et pakistanaise ». L’offre indique également que « la maîtrise de l’urdu et du pendjabi sera un atout, puisque bon nombre de familles de nouveaux immigrants comptent parmi nos nouveaux clients »; – une lettre d’offre d’emploi (non datée) de Spice Centre à Edmonton pour un poste d’adjoint au gérant de magasin. L’offre indique qu’une formation sera donnée et que « la maîtrise de l’anglais n’est pas requise » parce que « la majorité de nos clients sont d’origine indienne et pakistanaise ». L’offre indique également que « la maîtrise de l’urdu et du pendjabi sera un atout, puisque bon nombre de familles de nouveaux immigrants comptent parmi nos nouveaux clients »; – une lettre d’offre d’emploi (du 10 octobre 2014) de Whitemud Esso pour le poste d’adjoint au gérant de magasin. L’offre indique que « pour cet emploi, la connaissance de l’anglais est minimale. Nous savons que votre capacité à communiquer en anglais n’est pas très bonne. C’est pourquoi ce poste de travail général vous est offert puisqu’il ne requiert qu’une connaissance minimale de l’anglais »; – une lettre d’offre d’emploi (du 3 mai 2013) de Millwoods Suzuki pour un poste de représentant du service à la clientèle a déjà été inscrite. Les offres d’emploi ne semblent pas crédibles. Trois proviennent de la sœur du DP et semblent intéressées et les autres indiquent que le DP aurait besoin d’une formation, reconnaissant ainsi qu’il n’a pas les atouts et l’expérience nécessaires. Dans les offres, on reconnaît également que la connaissance de l’anglais du DP est insuffisante, mais celles‑ci indiquent qu’il ne s’agit pas d’un problème, ce qui ne semble pas crédible dans une communauté où la vaste majorité des personnes ne connaissent que l’anglais, si l’on se fie aux données de recensement les plus récentes. Le même libellé qui apparaît sur l’offre d’emploi de Spice Centre et de l’entreprise de la sœur du DP semble également constituer une façon de faciliter la demande de RP du DP plutôt que des perspectives d’emploi véritables pour le DP. Même si les offres d’emploi sont véritables, le DP n’a pas démontré qu’il avait les atouts nécessaires pour pouvoir y répondre. La province de désignation continue d’être favorable à la demande et indique que le DP répond aux critères d’admissibilité de l’Alberta relativement aux candidatures. À noter que la volonté et la capacité des parents du DP à l’aider ne démontrent pas qu’il est capable de réussir son établissement économique, pas plus que ses ressources financières.
[Non souligné dans l’original.]
[4] L’argument détaillé de l’avocat du demandeur est rédigé comme suit :
[traduction]
En ce qui concerne l’authenticité des diverses offres d’emploi, le fait demeure que l’agent des visas a accepté la crédibilité personnelle du demandeur, comme l’a reconnu la Couronne au paragraphe 25 de son argument. Une fois que l’agent a reconnu la crédibilité du demandeur, il est illogique de mettre en doute la crédibilité des employeurs potentiels. Dans la mesure où les employeurs potentiels étaient son répondant et des membres de sa famille, les offres étaient entièrement légitimes et conformes aux objectifs de la catégorie de la classe familiale du PCIA. La Province s’attend raisonnablement à ce que les membres de la famille d’un demandeur l’aident à réussir son établissement économique. En l’espèce, les membres de sa famille sont propriétaires d’entreprises au Canada et sont en mesure de lui offrir un emploi ainsi que d’autre soutien. Il n’y avait et a toujours rien de répréhensible dans les offres d’emploi.
En outre, si l’agent des visas avait d’autres préoccupations concernant les offres d’emploi, il avait le devoir de les soumettre carrément au demandeur dans le cadre d’une entrevue, ou d’autrement en parler avec l’avocat.
(Réplique, 31 juillet 2015, aux paragraphes 10 et 11)
[5] Il ressort clairement des motifs que l’agent a soupçonné que les offres d’emploi n’étaient pas authentiques et, par conséquent, a exclu des éléments de preuve convaincants à l’appui de la probabilité que le demandeur réussisse son établissement économique au Canada. J’estime que, en toute équité, une fois que le soupçon est soulevé, l’agent a une obligation d’équité envers le demandeur de se renseigner davantage auprès des personnes qui font les offres d’emploi, afin de confirmer le soupçon ou de le dissiper. Comme l’agent n’a rien fait en ce sens, j’estime que la décision faisant l’objet du contrôle a été rendue en violation d’une obligation d’équité envers le demandeur.
[6] Comme il a gain de cause, le demandeur sollicite des dépens en sa faveur. En matière d’immigration, l’article 22 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, impose une restriction au pouvoir discrétionnaire pour adjuger des dépens lorsque des « raisons spéciales » existent. Le demandeur donne trois raisons pour justifier une adjudication de dépens : le retard à traiter sa demande en raison de l’intervention du défendeur dans le processus décisionnel après que l’approbation de l’Alberta eût été donnée; la conduite du défendeur en exigeant l’audition de la présente demande plutôt que de consentir à une ordonnance annulant la décision; et l’incapacité de payer les frais engagés pour mener au gain de cause dans la présente demande.
[7] Je ne saurais conclure que l’une ou l’autre des raisons du demandeur pour solliciter des dépens constitue des « raisons spéciales ». Le défendeur avait le droit d’intervenir dans le processus décisionnel et rien ne démontre que l’intervention a causé un retard excessif; l’issue de la présente demande était certainement contestable tant du point de vue du demandeur que de celui du défendeur; et, même si l’obligation du demandeur d’assumer lui‑même les frais engagés pour mener au gain de cause dans la présente demande lui cause un préjudice, l’article 22 permet ce préjudice.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE que :
Pour les motifs qui précèdent, la décision faisant l’objet du contrôle est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre décideur pour qu’il rende une nouvelle décision conformément aux directives suivantes :
1. Si une préoccupation est soulevée quant à l’authenticité d’une offre d’emploi, le décideur doit permettre à la personne qui fait l’offre d’emploi d’être interrogée, en personne, par téléconférence ou par vidéoconférence, en présence d’un représentant du demandeur;
2. Si une entrevue a lieu, celle‑ci doit être enregistrée et une transcription de cette entrevue doit être disponible dans le dossier du tribunal.
Il n’y a aucune question à certifier.
« Douglas R. Campbell »
Juge
Traduction certifiée conforme
Mylène Boudreau, B.A. en trad.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
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DoSSIER : |
IMM-2190-15 |
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INTITULÉ : |
FARHAN SARDAR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
Edmonton (Alberta) |
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DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 10 NOVEMBRE 2015 |
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JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE CAMPBELL |
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DATE DES MOTIFS : |
LE 9 DÉCEMBRE 2015 |
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COMPARUTIONS :
Shirish P. Chotalia, c.r. |
POUR LE DEMANDEUR |
Galina Bining |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Pundit & Chotalia Avocats Edmonton (Alberta) |
POUR LE DEMANDEUR |
William F. Pentney Sous‑procureur général du Canada Edmonton (Alberta) |
POUR LE DÉFENDEUR |