Date : 20151127
Dossier : IMM-2699-15
Référence : 2015 CF 1324
Montréal (Québec), le 27 novembre 2015
En présence de monsieur le juge Shore
ENTRE : |
DHARMVIR PAUL |
partie demanderesse |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION |
partie défenderesse |
JUGEMENT ET MOTIFS
I. Au préalable
[1] Il importe de rappeler que la Cour a un devoir de déférence envers les conclusions de crédibilité de la SPR. Dans Rahal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2012 CF 319 au para 42 [Rahal], la juge Mary J. L. Gleason a énoncé ce principe :
[42] Premièrement - et il s'agit probablement du point le plus important - il faut reconnaître, avant même de se pencher sur une conclusion relative à la crédibilité, que le rôle de la Cour est très limité, étant donné que le tribunal a eu l'occasion d'entendre les témoins, d'observer leur comportement et de relever toutes les nuances et contradictions factuelles contenues dans la preuve.
II. Introduction
[2] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR] à l’encontre d’une décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, datée du 2 juin 2015, rejetant la demande du demandeur de se faire reconnaître comme réfugié ou comme personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la LIPR.
III. Faits
[3] Le demandeur, Paul Dharmvir, âgé de 33 ans, est citoyen de l’Inde.
[4] Il allègue avoir dû quitter l’Inde suite à de la persécution qu’il aurait subie aux mains des autorités policières, puisque ces dernières croyaient que le demandeur hébergeait son frère qui aurait supposément été accusé d’avoir participé à un attentat à la bombe en octobre 2007.
[5] Le 21 octobre 2007, le demandeur a été arrêté et mis en détention pendant quatre jours, durant lesquels il aurait été torturé et battu. Suite à cette détention, le demandeur a été harcelé par les autorités policières et a été obligé de payer un pot-de-vin aux autorités.
[6] Le 27 janvier 2008, le demandeur fut de nouveau arrêté, détenu pendant trois jours et torturé. Il a été relâché sous conditions, incluant le devoir de payer un pot-de-vin aux autorités.
[7] Finalement, le 27 avril 2008, muni d’un visa de travail pour le Canada, le demandeur a quitté l’Inde pour se rendre au Canada, en passant par l’Angleterre. Ce n’est que le 6 février 2012 que le demandeur déposera sa demande d’asile au Canada.
[8] Dans une décision datée du 2 juin 2015, la SPR a rejeté la demande d’asile du demandeur trouvant que ce dernier n’a pas la qualité de réfugié au sens de la Convention (article 96 de la LIPR) ni celle de personne à protéger (article 97 de la LIPR).
[9] Les conclusions de la SPR sont grandement fondées sur le manque de crédibilité frappante du demandeur. Notamment, la SPR a trouvé que le demandeur avait offert lors de son témoignage un récit qui, à sa face même, était invraisemblable; le demandeur s’est, à l’occasion, contredit dans les dates durant lesquelles des événements significatifs à son récit se seraient produits; le demandeur a fourni des explications non crédibles; et, le demandeur devenait embarrassé lorsque mis au fait des contradictions dans son témoignage. De plus, la SPR a trouvé que le long délai entre l’arrivée du demandeur au Canada et le dépôt de la demande d’asile mine la crédibilité du demandeur puisque cela démontre un comportement contraire à celui d’une personne qui a une crainte réelle d’être persécutée. Finalement, la SPR a rejeté la preuve documentaire du demandeur trouvant celle-ci non crédible.
IV. Analyse
[10] Le demandeur soutient principalement que la SPR a erré dans son analyse de la crédibilité du demandeur et a tiré des conclusions de fait erronées. La Cour doit rejeter les arguments du demandeur à cet effet.
[11] Rappelant que les conclusions de la SPR quant à la crédibilité doivent être révisées selon la norme de révision de la décision raisonnable, la Cour conclut que la décision de la SPR est raisonnable.
[12] La SPR, comme énoncé précédemment, a fondé sa conclusion quant au manquement de crédibilité du demandeur sur plusieurs éléments : explications invraisemblables, contradictions quant aux dates importantes, délai prolongé avant de demander l’asile au Canada, et preuve documentaire non crédible.
[13] Il importe de rappeler que la Cour a un devoir de déférence envers les conclusions de crédibilité de la SPR. Dans Rahal, ci-dessus au para 42, la juge Gleason a énoncé ce principe :
[42] Premièrement - et il s'agit probablement du point le plus important - il faut reconnaître, avant même de se pencher sur une conclusion relative à la crédibilité, que le rôle de la Cour est très limité, étant donné que le tribunal a eu l'occasion d'entendre les témoins, d'observer leur comportement et de relever toutes les nuances et contradictions factuelles contenues dans la preuve.
[14] La SPR a tiré des conclusions négatives quant à la crédibilité du demandeur en se basant spécifiquement sur le comportement du demandeur lorsqu’il était mis au fait de ses propres contradictions lors de son témoignage. Étant donné le rôle privilégié qu’a eu la SPR d’entendre et de voir le témoin, la Cour se doit de reconnaître qu’elle a un rôle limité dans l’évaluation de la crédibilité du demandeur.
[15] D’autre part, le délai de revendication du statut de réfugié, bien que non déterminant en soi, est un facteur qui doit être pris en considération et qui peut affecter la crédibilité du demandeur (Exantus c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2015 CF 39 au para 29). Il est vrai qu’un demandeur n’a pas à demander le statut de réfugié dès son arrivée au Canada (Papsouev c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] ACF no 769, 168 FTR 99), cependant, le manquement d’un demandeur d’asile à régulariser rapidement son statut, sans être déterminant en soi, est un élément pertinent (Nijjer c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2009 CF 1259 aux para 24-25).
[16] En l’espèce, il appert selon la preuve que le demandeur était au Canada depuis près de quatre ans avant qu’il n’y demande l’asile. Le visa de travail du demandeur n’était valide que jusqu’au 15 mai 2009, pourtant, il n’a pas jugé bon de régulariser son statut avant l’expiration de son visa de travail. De plus, la SPR n’a pas accepté les explications du demandeur.
[17] Considérant l’ensemble de la preuve au dossier, la Cour conclut que la décision de la SPR est raisonnable. Ce faisant, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
V. Conclusion
[18] La Cour conclut que la décision de la SPR est raisonnable. Conséquemment, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Il n’y a aucune question d’importance à certifier.
« Michel M.J. Shore »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
IMM-2699-15 |
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INTITULÉ : |
DHARMVIR PAUL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION |
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
Montréal (Québec) |
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DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 26 novembre 2015 |
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JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE SHORE |
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DATE DES MOTIFS : |
LE 27 novembre 2015 |
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COMPARUTIONS :
Claude Whalen |
Pour la partie demanderesse |
Steve Bell |
Pour la partie défenderesse |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Claude Whalen |
Pour la partie demanderesse |
William F. Pentney Sous-procureur général du Canada Montréal (Québec) |
Pour la partie défenderesse |