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Date : 20151102


Dossier : T-565-15

Référence : 2015 CF 1239

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 2 novembre 2015

En présence de madame la juge Mactavish

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L’IMMIGRATION

demandeur

et

YANA KHOREVA

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration demande le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un juge de la citoyenneté a accueilli la demande de citoyenneté canadienne présentée par Yana Khoreva. Le ministre soutient que le juge de la citoyenneté a commis une erreur dans l’application du critère de la présence physique pour établir la résidence au Canada. Bien que Mme Khoreva n’ait pas répondu à la demande du ministre, elle a comparu à l’audience et le ministre a consenti à ce qu’elle présente des observations pour sa défense.

[2]               Pour les motifs qui suivent, j’ai conclu que la décision du juge de la citoyenneté était déraisonnable. Par conséquent, la demande sera accueillie.

I.                   Analyse

[3]               Mme Khoreva a d’abord déclaré s’être absentée du Canada à 14 reprises pendant la période de référence, au cours de laquelle elle s’est trouvée à l’étranger durant 364 jours au total. En d’autres mots, selon la demande de citoyenneté de Mme Khoreva, elle dépassait d’un jour seulement le minimum de 1095 jours nécessaires pour satisfaire aux exigences de résidence prévues par la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C-29.

[4]               En raison des divergences entre les absences déclarées par Mme Khoreva dans sa demande de citoyenneté et les tampons dans son passeport, elle a dû remplir le Questionnaire sur la résidence. Cette fois, Mme Khoreva a déclaré qu’elle s’était absentée du Canada durant 368 jours au total durant la période de référence de quatre ans.

[5]               Par conséquent, de l’aveu même de Mme Khoreva, il lui manquait trois jours pour atteindre le minimum de 1095.

[6]               Le juge de la citoyenneté a choisi d’appliquer le critère de la présence physique pour établir la résidence, énoncé dans la décision Re Pourghasemi (1993), 62 FTR 122, [1993] ACF n232. Lorsqu’il a accueilli la demande de citoyenneté présentée par Mme Khoreva, le juge de la citoyenneté a pris note des divergences entre les absences déclarées et les tampons dans le passeport. Il a néanmoins été convaincu que, [traduction] « à la lumière des documents fournis après l’audience, ces divergences ont été causées par des erreurs mineures et n’ont pas d’incidence sur l’exigence de résidence ».

[7]               Les documents que mentionne le juge de la citoyenneté comprennent des avis de cotisation, des relevés de note des filles de Mme Khoreva, des lettres d’emploi et l’entente de séparation de Mme Khoreva. Aucun de ces documents ne donne d’information sur les dates auxquelles Mme Khoreva a quitté le Canada ou sur la durée de ses absences.

[8]               Le juge de la citoyenneté n’a fait aucune mention de l’aveu fait par Mme Khoreva dans son Questionnaire sur la résidence selon lequel elle s’était trouvée à l’étranger durant 368 jours au cours de la période examinée. Il est vrai que le tribunal n’est pas tenu de mentionner chaque élément de preuve au dossier et qu’il est présumé avoir pris en considération l’ensemble de la preuve produite : Hassan c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1992) 147 NR 317, [1992] ACF no 946 (C.A.F.). Cela dit, plus la preuve qui n’a pas été mentionnée expressément ni analysée dans les motifs du tribunal est importante, plus une cour de justice sera disposée à conclure que le tribunal a tiré une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments dont il disposait : Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1998) 157 FTR 35, aux paragraphes 14 à 17, [1998] ACF n1425.

[9]               En l’espèce, des éléments de preuve de grande valeur contredisent directement la conclusion du juge selon laquelle Mme Khoreva a satisfait au critère de la présence physique établi dans Re Pourghasemi. L’omission du juge de la citoyenneté de tenir compte de ces éléments de preuve fait en sorte que la décision accueillant la demande de citoyenneté canadienne de Mme Khoreva n’a pas les attributs de transparence, de justification et d’intelligibilité propres à une décision raisonnable.

[10]           Cette conclusion suffit pour me permettre de trancher la présente demande. Cependant, j’analyserai les observations de Mme Khoreva afin qu’elle comprenne mieux pourquoi la décision du juge de la citoyenneté est annulée.

[11]           Mme Khoreva  m’a expliqué qu’elle avait fait de son mieux pour donner des renseignements exacts dans sa demande de citoyenneté et qu’elle avait fait une erreur en déclarant qu’elle s’était trouvée à l’étranger durant 364 jours au cours de la période de référence. Elle a affirmé n’avoir pas eu l’intention d’induire en erreur les fonctionnaires de la citoyenneté et avoir corrigé l’erreur en remplissant son Questionnaire sur la résidence, dans lequel elle a correctement indiqué s’être trouvée à l’étranger durant 368  jours au cours de la période de référence. Elle a également affirmé que, si elle s’était rendue compte du nombre de jours qu’elle avait en fait passé à l’extérieur du Canada, elle aurait tout simplement attendu une semaine de plus avant de déposer sa demande de citoyenneté.

[12]           J’accepte la déclaration de Mme Khoreva selon laquelle elle n’avait pas l’intention d’induire quiconque en erreur relativement à sa demande de citoyenneté canadienne, et je suis sensible à la situation dans laquelle elle se trouve maintenant. Cependant, du moment où le juge de la citoyenneté a choisi d’appliquer le critère de la présence physique pour établir la résidence, Mme Khoreva était tenue de prouver qu’elle avait bel et bien été présente physiquement au Canada durant au moins 1095 jours au cours de la période de quatre ans précédant immédiatement sa demande de citoyenneté. Elle a admis dans son Questionnaire sur la résidence s’être trouvée à l’extérieur du Canada durant 368 jours au cours de cette période, et le juge de la citoyenneté n’en a pas tenu compte. C’est la raison pour laquelle sa décision ne peut être maintenue.

II.                Conclusion

[13]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. Je suis d’accord avec les parties pour affirmer que la présente affaire repose sur des faits qui lui sont propres et par conséquent ne soulève aucune question à certifier.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l’affaire soit renvoyée à un autre juge de la citoyenneté pour nouvelle décision.

« Anne L. Mactavish »

Juge

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, traductrice-conseil


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-565-15

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION c YANA KHOREVA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 28 octobre 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :

Le 2 novembre 2015

 

COMPARUTIONS :

Nur Muhammed-Ally

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Yana Khoreva

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

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