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Date : 20150923

Dossier : T‑1004‑13

Référence : 2015 CF 1104

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 23 septembre 2015

En présence de monsieur le juge Fothergill

ENTRE :

TRANS‑HIGH CORPORATION

demanderesse

et

HIGHTIMES SMOKESHOP AND GIFTS INC.

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Trans‑High Corporation [la demanderesse] a déposé une requête ex parte en vue d’obtenir l’exécution de l’ordonnance prononcée par notre Cour le 27 juillet 2015 (Trans‑High Corporation c Hightimes Smokeshop and Gifts Inc., 2015 CF 919) [l’ordonnance pour outrage au tribunal].

[2]               La demanderesse fait valoir que la société ontarienne no 1683193, autrefois appelée Hightimes Smokeshop and Gifts Inc., et maintenant appelée Stay High Live High Inc. [la défenderesse], et son dirigeant et administrateur, Ameen Muhammad, aussi appelé Ameen Mohammad [M. Muhammad], ont contrevenu aux dispositions de l’ordonnance pour outrage au tribunal, et demande à la Cour d’imposer les sanctions additionnelles visées au paragraphe 5 de l’ordonnance pour outrage au tribunal.

II.                Contexte

[3]               Le 26 novembre 2013, le juge Manson a statué que la défenderesse avait usurpé la marque de commerce « HIGH TIMES » de la demanderesse (Trans‑High Corporation c Hightimes Smokeshop and Gifts Inc., 2013 CF 1190). Bien qu’elle ait eu connaissance du jugement du juge Manson, la défenderesse a continué d’utiliser le nom « HIGH TIMES » sur l’enseigne de son magasin, sur ses reçus de ventes et sur des documents imprimés.

[4]               Le 18 juin 2015, la défenderesse et M. Muhammad ont chacun inscrit des plaidoyers de culpabilité à l’égard de cinq chefs d’outrage au titre de l’article 466 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles]. La Cour a ainsi prononcé l’ordonnance pour outrage au tribunal, qui prévoit pour l’essentiel ce qui suit :

[traduction]
1.         Les dépens sont adjugés à la demanderesse pour la requête en justification devant le protonotaire Aalto et l’audience sur l’outrage sur la base procureur‑client, et sont fixés à 62 500 $, payables solidairement par la défenderesse Hightimes Smokeshop and Gifts Inc. et son dirigeant et administrateur, Ameen Muhammad, aussi appelé Ameen Mohammad.

2.         Hightimes Smokeshop and Gifts Inc. et son dirigeant et administrateur, Ameen Muhammad, aussi appelé Ameen Mohammad [collectivement, les auteurs de l’outrage] doivent payer solidairement une amende de 50 000 $.

3.         Le paiement de l’amende ordonnée au paragraphe 2 qui précède est suspendu pour une période de 30 jours afin de permettre aux auteurs de l’outrage de faire amende honorable quant à tous les aspects pécuniaires de leur outrage à l’égard de l’ordonnance du juge Manson en versant, au moyen d’un paiement forfaitaire, les 55 000 $ dus en vertu de cette ordonnance (correspondant à 25 000 $ de dommages‑intérêts et à 30 000 $ de dépens, ainsi qu’à tous les montants dus au titre des intérêts avant et après jugement) et les dépens de 62 500 $ visés au premier paragraphe de la présente ordonnance à la demanderesse au moyen d’un chèque certifié ou selon tout autre mode de paiement.

4.         Si des éléments de preuve convaincants sont présentés à la Cour selon lesquels ces paiements ont été faits dans les 30 jours de la date de la présente ordonnance, l’amende autrement imposée et payable au titre du paragraphe 2 sera réduite à 10 000 $.

5.         Si toutes les amendes et tous les dépens visés aux paragraphes 1 à 3 qui précèdent ne sont pas payés dans les 30 jours, Ameen Muhammad aussi appelé Ameen Mohammad pourra être emprisonné pour une période de 14 jours et demeurer emprisonné jusqu’à ce que le montant total des amendes et des frais soit payé.

6.         Si la demanderesse doit faire exécuter le paragraphe 5 de la présente ordonnance, il sera loisible à la demanderesse de demander un mandat d’incarcération à tout juge de la Cour fédérale, ex parte, et, si la Cour conclut à un manquement à une ou à plusieurs des dispositions de la présente ordonnance, Ameen Muhammad aussi appelé Ameen Mohammad sera incarcéré en conformité avec le paragraphe 5 de la présente ordonnance.

[5]               L’ordonnance pour outrage au tribunal a été envoyée le jour même de son prononcé à l’avocat de la défenderesse, Me Alpesh Patel. Me Patel a accusé réception de l’ordonnance pour outrage au tribunal.

[6]               Le 28 juillet 2015, l’avocat de la demanderesse a signifié à Me Patel une demande formelle de paiement des sommes dues à la demanderesse aux termes de l’ordonnance pour outrage au tribunal. L’avocat de la demanderesse indiquait également que la demanderesse exigeait que le paiement des sommes dues soit effectué par virement au compte en fiducie de son avocat. Me Patel a accusé réception de cette demande.

[7]               La défenderesse n’a effectué aucun paiement à l’égard des sommes dues à la demanderesse. La défenderesse n’a pas non plus versé à la Cour l’amende au titre de l’ordonnance pour outrage au tribunal.

[8]               Aucune communication n’a été reçue de la part de la défenderesse, de M. Muhammad ou de leur avocat pour expliquer le refus de se conformer à l’ordonnance pour outrage au tribunal.

III.             Question en litige

[9]               La seule question à trancher est de savoir si M. Muhammad pourra être emprisonné, en application de l’article 472, pour une période de 14 jours, et demeurer emprisonné jusqu’à ce qu’il respecte les conditions énoncées aux paragraphes 1 à 3 de l’ordonnance pour outrage au tribunal, en conformité avec le paragraphe 5 de ladite ordonnance.

IV.             Analyse

[10]           La personne qui ne se conforme pas à une ordonnance de payer une somme d’argent ne peut être emprisonnée pour outrage au tribunal (Vidéotron Ltée c Industries Microlec produits électriques Inc, [1992] 2 RCS 1065 [Vidéotron], à la page 1078). Comme l’écrivait le juge Binnie dans R c Wu, [2003] 3 RCS 530 [Wu], au par. 2, « [l]’incarcération des débiteurs démunis est un concept de l’époque de Charles Dickens que la plupart des pays civilisés ont aujourd’hui abandonné. » Cette approche est compatible avec le par. 56(2) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC, 1985, c F‑7, suivant lequel la délivrance, par la Cour fédérale, d’un bref de saisie‑exécution pour dette ne peut donner lieu à incarcération.

[11]           Or, la Cour suprême du Canada a statué que la personne qui ne se conforme pas à une ordonnance de payer une somme d’argent peut être emprisonnée pour outrage si elle démontre « une certaine volonté de se soustraire à ses obligations », c’est‑à‑dire que la personne en question ne veut pas payer sa dette même si elle a les moyens de le faire. (Canada (Procureur général) c United States Steel Corporation, 2011 CAF 176 [US Steel], au par. 63, citant l’arrêt Vidéotron, à la page 1078).

[12]           En l’espèce, je suis convaincu que la défenderesse et M. Muhammad ont les moyens de payer les amendes, les dépens et les autres montants imposés au titre du jugement prononcé le 26 novembre 2013 par le juge Manson et de l’ordonnance pour outrage au tribunal, mais ils ne veulent pas le faire. Compte tenu du fait que la demanderesse a offert à répétition de faire montre d’indulgence, ainsi que de l’engagement de la défenderesse d’effectuer les paiements dus en février 2015 et des plaidoyers de culpabilité inscrits le 18 juin 2015, il ne fait aucun doute que la défenderesse et M. Muhammad refusent de payer les sommes dues au titre de l’ordonnance pour outrage au tribunal. Ils ont eu de nombreuses occasions d’expliquer le défaut de paiement ou de démontrer leur incapacité de payer, mais ils ne l’ont pas fait. Depuis le début de la présente instance, la défenderesse et M. Muhammad ont fait preuve d’une indifférence effrontée à l’égard des droits de la demanderesse et de l’autorité de la Cour.

[13]           Le but principal des sanctions imposées pour outrage est d’assurer le respect des ordonnances du tribunal et de maintenir la confiance du public envers l’administration de la justice (Canada (Ministre du Revenu national) c Marshall, 2006 CF 788, au par. 16). Conformément au paragraphe 6 de l’ordonnance pour outrage au tribunal, il faut maintenant appliquer les sanctions additionnelles prévues au paragraphe 5 de ladite ordonnance afin d’obliger les parties concernées à se conformer aux ordonnances prononcées par la Cour et de les dissuader d’adopter une conduite semblable. M. Muhammad n’est pas passible de l’emprisonnement pour sa dette, mais plutôt pour le refus délibéré de respecter l’ordonnance pour outrage au tribunal malgré sa capacité de le faire (US Steel, aux par. 64 et 71).

[14]           La requête de la demanderesse en délivrance d’un mandat d’incarcération, en vertu de l’article 471, est donc accueillie (Minister of National Revenue c Middleton, 2007 CF 1269, au par. 11).

V.                Dépens

[15]           La demanderesse a demandé que la Cour adjuge les dépens afférents à la requête sur une base avocat‑client. Selon la demanderesse, les autres frais et débours engagés depuis la date de l’audience sur l’outrage, y compris les frais associés à la préparation de la présente requête et à la comparution, s’élèvent à 4 000 $.

[16]           La pratique habituelle dans les affaires d’outrage au tribunal consiste à adjuger les dépens sur une base avocat‑client (Canadian Copyright Licensing Agency c U‑Compute, 2007 CAF 127, au par. 38). La demanderesse a donc droit aux dépens sur une base avocat‑client, fixés à 4 000 $.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.                  Un mandat d’incarcération sera décerné contre Ameen Muhammad, aussi appelé Ameen Mohammad, qui sera arrêté et emprisonné pour une période d’au moins 14 jours et demeurera emprisonné jusqu’à ce que les amendes, les dépens et les autres montants imposés au titre de l’ordonnance pour outrage au tribunal et du jugement prononcé par le juge Manson le 26 novembre 2013, aient été payés.

2.                  Les dépens de la présente requête sont adjugés à la demanderesse sur une base avocat‑client, et sont fixés à 4 000 $, payables solidairement par la défenderesse et son dirigeant et administrateur, Ameen Muhammad, aussi appelé Ameen Mohammad.

3.                  Si des éléments de preuve convaincants sont présentés à la Cour selon lesquels les paiements au titre de l’ordonnance pour outrage au tribunal et du jugement prononcé par le juge Manson le 26 novembre 2013 ont été faits, Ameen Muhammad, aussi appelé Ameen Mohammad, pourra solliciter une ordonnance de mise en liberté.

4.             La Cour demeurera saisie de la présente affaire pour trancher toute question découlant des termes de la présente ordonnance.

« Simon Fothergill »

Juge

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

T‑1004‑13

INTITULÉ :

TRANS‑HIGH CORPORATION c HIGHTIMES SMOKESHOP AND GIFTS INC.

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (ONtario)

DATE DE L’AUDIENCE:

LE 16 SEPTEMBRE 2015

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE Fothergill

DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS :

LE 23 SEPTEMBRE 2015

COMPARUTIONS :

Kevin Sartorio

James Green

 

POUR LA DEMANDERESSE

Aucune comparution

POUR LA DÉFEDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling Lafleur Henderson LLP s.e.n.c.r.l., s.r.l.

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

 

AP LAW

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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