Date : 20150723
Dossier : T‑970‑15
Référence : 2015 CF 893
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 23 juillet 2015
En présence de monsieur le juge Barnes
ENTRE : |
ADE OLUMIDE |
demandeur |
et |
PARTI CONSERVATEUR DU CANADA |
défendeur |
TRANSCRIPTION MODIFIÉE D’ORDONNANCE ET MOTIFS
Conformément à l’article 51 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC, 1985, c F‑7, veuillez procéder au dépôt des pages 69 à 73 ci‑jointes de la transcription de l’ordonnance et des motifs que j’ai rendus oralement, séance tenante, à Ottawa (Ontario), le 19 juin 2015.
ORDONNANCE
LA COUR STATUE que la présente requête ainsi que la demande sous‑jacente sont rejetées et que la question des dépens est différée.
« R.L. Barnes »
Juge
Traduction certifiée conforme
Jean‑Jacques Goulet, LL.L.
[TRANSCRIPTION DE L’AUDIENCE DEVANT LE JUGE BARNES, de la Cour fédérale, salle d’audience no 701, 90 rue Sparks, Ottawa (Ontario), le 19 juin 2015, à 14 h 03, pages 69 à 73.]
LE JUGE BARNES : Veuillez vous assoir.
JUGEMENT SUR LA REQUÊTE RENDU ORALEMENT SÉANCE TENANTE :
LE JUGE BARNES : Le demandeur, Ade Olumide, a présenté la requête dont la Cour est saisie en vue de solliciter une ordonnance interdisant au Parti conservateur du Canada de tenir son assemblée projetée de mise en candidature pour la circonscription fédérale de Kanata‑Carleton. La tenue de cette assemblée est prévue pour le dimanche 21 juin 2015.
La plainte sous‑jacente de M. Olumide portait sur une décision rendue par le défendeur, le Parti conservateur du Canada, et plus particulièrement par son conseil national, lequel a confirmé une décision du comité national de sélection des candidats écartant la candidature de M. Olumide pour l’élection générale sous la bannière du Parti conservateur dans le comté de Kanata‑Carleton.
La procédure sous‑jacente de M. Olumide est une demande de contrôle judiciaire contestant la légalité des décisions du défendeur pour des motifs de partialité et d’équité procédurale.
La question déterminante dans la présente requête est celle de la compétence. Le pouvoir de la Cour fédérale d’entendre et de trancher une affaire doit lui être conféré par une loi fédérale et, dans le cadre d’une instance comme celle en l’espèce, ce pouvoir doit être fondé sur l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales.
La compétence de la Cour d’accorder le redressement par voie de bref de prérogative sollicité par M. Olumide est, par conséquent, limitée aux décisions prises par un office fédéral, un terme défini à l’article 2 de la Loi sur les Cours fédérales. Cette disposition est ainsi libellée :
« “office fédéral” Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale, à l’exclusion de la Cour canadienne de l’impôt et ses juges, d’un organisme constitué sous le régime d’une loi provinciale ou d’une personne ou d’un groupe de personnes nommées aux termes d’une loi provinciale ou de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867. »
Le Parti conservateur est une association privée non constituée en société formée de membres recrutés à travers le Canada, lesquels ont convenu de leur propre gré d’agir en tant que membres de cette association. M. Olumide est l’un de ces membres. Le parti n’est assurément pas une entité juridique qui exerce des pouvoirs conférés en vertu ou sous le régime d’une loi fédérale. Les décisions que M. Olumide tente de contester relèvent du domaine privé et ne constituent en rien des décisions rendues par un office fédéral.
La nature juridique des partis politiques canadiens a déjà été commentée dans la jurisprudence. Au paragraphe 26 de l’arrêt Knox c. Parti conservateur du Canada, 2007 ABCA 295, la Cour d’appel de l’Alberta s’était ainsi exprimé sur cette question, et je cite :
[traduction] « La Loi électorale du Canada ne confère l’exercice d’aucun pouvoir public aux associations de circonscription ni aux partis politiques. Il s’agit essentiellement d’organisations privées. Il est vrai que leurs activités financières sont règlementées; ils ne peuvent, par exemple, remettre un reçu aux fins de l’impôt qu’en certaines circonstances et dépenser les fonds recueillis que de certaines façons. Ce n’est pas seulement en raison du fait qu’une organisation est assujettie à une réglementation publique qu’elle devient un organisme public susceptible de faire l’objet d’un contrôle judiciaire; pas plus que le fait pour une organisation qu’elle doive ou puisse détenir une licence ou un permis quelconque, ou qu’elle puisse recevoir des fonds publics.
De nombreuses organisations sont assujetties à une réglementation publique. Par exemple, les organismes de bienfaisance doivent être enregistrés afin de remettre des reçus pour dons de bienfaisance, mais cela ne signifie pas qu’elles exercent des fonctions publiques et sont, par conséquent, susceptibles de faire l’objet d’un contrôle judiciaire.
D’aucuns soutiennent que le processus démocratique, les élections et les activités des partis politiques ont une très grande importance pour le public. Cette affirmation est indubitablement vraie, mais l’importance que revêt une question aux yeux du public n’est pas le critère applicable pour déterminer si un tribunal est susceptible de faire l’objet d’un contrôle judiciaire.
Lorsque des mesures ont été prises en vue de la nomination de leur candidat dans Calgary Ouest, le parti et l’association n’ont exercé, pour l’essentiel, que des activités à caractère privé et les mesures prises en l’espèce ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’un contrôle judiciaire. Il est toutefois possible de faire valoir des recours en droit privé. Comme de nombreuses organisations privées, les appelants en l’espèce ont des chartes constitutives, des règlements et des règles. Les membres ont droit à la mise en application de ces documents conformément à leurs termes et à l’interprétation correcte qu’il convient de leur donner. Les réparations possibles participent toutefois de la nature de recours en droit privé. »
Ce que laisse évidemment entendre la citation qui précède c’est qu’il est toujours possible de recourir aux tribunaux en pareilles circonstances, mais que ces recours ne peuvent être exercés devant la Cour fédérale. Il conviendrait plutôt qu’ils le soient devant une des cours supérieures des provinces. Ainsi, M. Olumide ne se trouve pas nécessairement dans une situation où il est laissé sans remède, mais il ne peut en exercer aucun devant notre Cour.
Dans la décision Galati c. McGuinty, 88 All‑Canada Weekly Summaries (3d) 1165, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a traité du statut de partis politiques dans le cadre d’une plainte semblable à celle alléguée en l’espèce. La cour a ainsi statué :
[traduction] « La réclamation du demandeur comporte un vice fondamental, soit l’absence de mesure gouvernementale. Le Parti libéral de l’Ontario n’est pas un acteur gouvernemental. Il s’agit d’une association privée non constituée en société dont les objets peuvent être de nature politique, mais cela ne justifie en rien que lui soit reconnue quelque autorité gouvernementale que ce soit.
Comme l’a souligné le juge La Forest dans l’arrêt McKinney, de nombreuses institutions œuvrant dans notre société exercent des fonctions de nature indéniablement importante pour le public, mais ces institutions ne font certainement pas partie du gouvernement. »
La jurisprudence indique ainsi très clairement que les partis politiques constitués en tant qu’associations volontaires ne sont ni des créations de la loi ni des entités qui font partie de l’encadrement juridique du gouvernement.
C’est la raison pour laquelle la requête présentée par M. Olumide est rejetée.
Dans ses documents, le défendeur a sollicité le rejet de la demande sous‑jacente et j’accueillerai aussi cette demande d’annulation pour les mêmes motifs. Non seulement la Cour n’a‑t‑elle pas compétence pour accorder la réparation provisoire sollicitée, mais elle n’est pas non plus compétente pour entendre la demande sous‑jacente de contrôle judiciaire.
Une ordonnance sera donc prononcée en vue de rejeter la requête ainsi que la demande sous‑jacente pour défaut de compétence.
Le seul autre point à trancher maintenant concerne les dépens. Lorsque je consulte le mémoire du défendeur, je conclus qu’il sollicite des dépens. Du moins, c’est ainsi que je l’interprète.
M. D’ANGELO : Oui.
LE JUGE BARNES : Avez‑vous un montant en tête ou une proposition à présenter?
OBSERVATIONS DE M. D’ANGELO RELATIVES AUX DÉPENS :
M. D’ANGELO : Je n’ai pas de montant en tête, monsieur le juge. Je ferai deux remarques très rapides : la première, lorsque M. Olumide a demandé, mardi, s’il était possible de s’adresser à la Cour provinciale, j’ai lui répondu et écrit ce qui suit par courriel :
[traduction] « Je comprends que vous reconnaissez que la Cour fédérale n’est pas le tribunal compétent pour rendre une décision en l’espèce. Par conséquent, la partie [que je représente] vous avise que si vous consentez d’ici 16 h aujourd’hui […] »
Cela est survenu mardi :
[traduction] « [...] à ce que l’affaire dont la Cour fédérale est saisie soit rejetée, la partie [que je représente] ne demandera pas à ce que des dépens soient adjugés contre vous en ce qui concerne les procédures engagées devant la Cour fédérale. »
Nous n’avons reçu aucune réponse, et de toute évidence nous sommes devant vous aujourd’hui. C’est ainsi que nous lui avons tendu ce rameau d’olivier après que nous
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
t‑970‑15
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INTITULÉ : |
ADE OLUMIDE c PARTI CONSERVATEUR DU CANADA
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
OTTAWA (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 19 JUIN 2015
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JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE BARNES
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DATE DES MOTIFS : |
LE 22 JUILLET 2015
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MODIFICATION : |
LE 23 JUILLET 2015
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COMPARUTIONS :
M. Ade Olumide
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POUR LE DEMANDEUR (POUR SON PROPRE COMPTE)
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M. Paul D’Angelo
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
S/O
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POUR LE DEMANDEUR
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Perley‑Robertson, Hill & McDougall LLP/s.r.l. Ottawa (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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