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Date : 20150805


Dossier : T-1909-14

Référence : 2015 CF 943

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 5 août 2015

En présence de madame la juge Kane

ENTRE :

PADCON LTD.

demanderesse

et

GOWLING LAFLEUR HENDERSON s.e.n.c.r.l., s.r.l.

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La demanderesse est propriétaire de la marque de commerce canadienne no LMC 656,692, relativement à la marque « THE OUTRIGGER STEAKHOUSE AND BAR » [la marque], laquelle est employée en liaison avec des « services de restaurant, de bar et de pub ».

[2]               En 2012, le défendeur, Gowling Lafleur Henderson s.e.n.c.r.l., s.r.l., a contesté l’emploi que la demanderesse faisait de la marque. À sa demande, le 20 février 2012, le registraire des marques de commerce [le registraire] a donné à Padcon Ltd. [la demanderesse], en application de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 [la Loi], un avis lui enjoignant de démontrer l’emploi de la marque.

[3]               Le registraire a conclu que la demanderesse n’avait pas établi l’emploi de la marque de commerce au cours de la période pertinente, soit les trois années antérieures à la date de l’avis, c’est-à-dire du 20 février 2009 au 20 février 2012, conformément à l’article 45 de la Loi, et il l’a radiée. La demanderesse interjette maintenant appel de la décision du registraire au titre de l’alinéa 300d) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, et de l’article 56 de la Loi.

[4]               En appel, la demanderesse soutient que le registraire a commis une erreur en concluant qu’elle n’avait pas démontré l’emploi de la marque au cours de la période pertinente. Elle se fonde également sur de nouveaux éléments de preuve pour répondre aux questions que le registraire a soulevées et fait valoir que ces nouveaux éléments sont probants et importants. Elle ajoute que, si le registraire avait pris en compte ces nouveaux éléments de preuve, il aurait conclu à l’emploi de la marque et que, de ce fait, la Cour doit procéder à un examen de novo.

[5]               Pour les motifs qui suivent, je conclus que les nouveaux éléments de preuve de la demanderesse n’auraient pas eu une incidence marquée sur l’évaluation que le registraire a faite. C’est donc la norme de la raisonnabilité qui s’applique. Je conclus en outre que la décision du registraire est raisonnable, en ce sens qu’elle est justifiée, transparente et intelligible et qu’elle appartient aux issues possibles au regard des faits et du droit.

[6]               Subsidiairement, si j’avais conclu que les nouveaux éléments de preuve revêtaient une importance probante et si j’avais procédé à un examen de novo en prenant en compte à la fois les éléments de preuve originaux et les éléments de preuve nouveaux, ma conclusion aurait été la même. Le registraire n’a pas commis d’erreur. La demanderesse n’a pas établi l’emploi de la marque sous sa forme enregistrée au cours de la période pertinente.

Le contexte

[7]               L’article 45 de la Loi exige que, après avoir reçu un avis écrit, le propriétaire inscrit d’une marque de commerce montre que celle-ci a été employée à l’égard de chacun des produits (ou des marchandises) et des services qui sont précisés dans l’enregistrement à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis ou, si la marque de commerce n’a pas été employée au cours de cette période de trois ans, la raison du défaut d’emploi depuis la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu.

[8]               Les paragraphes 4(1) et (2) de la Loi définissent ainsi le mot « emploi », relativement à la fois à des produits et à des services :

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

 

4. (1) A trade-mark is deemed to be used in association with goods if, at the time of the transfer of the property in or possession of the goods, in the normal course of trade, it is marked on the goods themselves or on the packages in which they are distributed or it is in any other manner so associated with the goods that notice of the association is then given to the person to whom the property or possession is transferred.

 

(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

 

(2) A trade-mark is deemed to be used in association with services if it is used or displayed in the performance or advertising of those services.

 

[9]               En réponse à l’avis du registraire, et pour établir l’emploi de la marque, la demanderesse a fourni à ce dernier l’affidavit de Fred Lopreiato daté du 20 août 2012 [l’affidavit de 2012]. M. Lopreiato est un dirigeant de Padcon ainsi que le propriétaire et un dirigeant de Shoeless Joe’s Limited, laquelle possède et exploite la chaîne de restaurants Shoeless Joe’s Sports Grill [Shoeless Joe’s]. Dans son affidavit, M. Lopreiato a expliqué que Padcon avait concédé à Shoeless Joe’s une licence d’emploi de la marque en liaison avec les services. Cet emploi a commencé en décembre 2005.

[10]           M. Lopreiato a joint trois pièces à son affidavit de 2012. Il s’agissait dans chaque cas d’une page d’un menu utilisé dans les restaurants Shoeless Joe’s lors de la période pertinente, ou d’un exemple d’un menu caractéristique. Deux des pages du menu mentionnaient la « Outrigger Salad » [salade Outrigger] et l’une des pages du menu mentionnait le plat « Outrigger® Seafood Topper » [garniture aux fruits de mer Outrigger]. M. Lopreiato a déclaré que les menus sont changés [traduction] « assez régulièrement et certains plats sont saisonniers » et que [traduction] « la marque de commerce Outrigger ne figure pas toujours sur nos menus ou sur l’ensemble de nos menus, mais est employée périodiquement, mais sur une base régulière ».

[11]           M. Lopreiato a déclaré qu’à un certain moment, Shoeless Joe’s a commencé à employer le mot « Outrigger », plutôt que la marque dans son intégralité. Il a déclaré que la marque « OUTRIGGER » était employée sur des menus et des documents publicitaires faisant la promotion des services de restaurant, de bar et de pub de la demanderesse. Il a déclaré que, même si la marque avait été modifiée, elle était présentée sous la forme d’une marque déposée au moyen du symbole ®.

La décision du registraire

[12]           Le registraire a conclu que la marque n’avait pas été employée dans sa forme enregistrée et il l’a radiée.

[13]           Le registraire a tout d’abord vérifié si les menus produits en tant que pièces étaient suffisants pour démontrer l’emploi de la marque en liaison avec les services enregistrés.

[14]           Le registraire a signalé qu’un menu peut servir de moyen de promotion ou de mise en marché d’un restaurant, mais que la question de savoir si une marque de commerce particulière figurant sur un menu peut être considérée comme une exposition dans l’annonce ou l’exécution de services de restaurant de façon générale, ou uniquement en liaison avec un plat particulier du menu, dépend des faits de chaque affaire.

[15]           Le registraire a conclu que la présence d’une marque de commerce dans un restaurant ou sur un menu ne constitue pas forcément l’exposition de cette marque en liaison avec les services qui sont exécutés dans ce restaurant. Il a fait une analogie entre un menu dans un restaurant et un catalogue dans un magasin de vente au détail. Dans le cas du catalogue, une distinction est faite entre les marques de commerce montrées en liaison avec les produits particuliers qui figurent dans le catalogue et les marques de commerce montrées par le détaillant (comme le nom ou le slogan du magasin). En général, les premières sont montrées en liaison avec des marchandises, et les secondes, en liaison avec des services. Le registraire a signalé que, dans le même ordre d’idées, une marque de commerce figurant sur un menu n’est pas nécessairement montrée en liaison avec des services de restaurant.

[16]           Le registraire a conclu que rien dans la façon dont la marque « OUTRIGGER » était montrée ne permettait de penser qu’il fallait considérer qu’elle était employée en liaison avec des services de restauration plus généraux. Elle n’était montrée qu’en liaison avec un seul plat sur chacun des menus produits en tant que pièces. Il a ajouté que rien dans la preuve ne donnait à penser que Shoeless Joe’s employait la marque ailleurs que sur les menus produits en tant que pièces, c’est-à-dire dans des documents promotionnels, et il a noté que de tels documents n’avaient pas été produits en preuve, ou que les clients auraient été exposés à la marque en dehors des menus.

[17]           Le registraire a ensuite examiné la question de savoir si l’emploi des marques « OUTRIGGER » ou « OUTRIGGER SALAD » en liaison avec les marchandises constituait un emploi de la marque dans sa forme enregistrée.

[18]           Le registraire a invoqué la décision Canada (Registraire des marques de commerce) c Compagnie Internationale pour l’Informatique CII Honeywell Bull, [1985] 1 CF 406, à la page 525, 61 NR 286 (CAF) [Honeywell], dans laquelle est établi le critère applicable aux cas de dérogation :

[…] Le critère pratique qu’il faut appliquer pour résoudre un cas de cette nature consiste à comparer la marque de commerce enregistrée et la marque de commerce employée et à déterminer si les distinctions existant entre ces deux marques sont à ce point minimes qu’un acheteur non averti conclurait, selon toute probabilité, qu’elles identifient toutes deux, malgré leurs différences, des marchandises ayant la même origine.

[19]           Le registraire a également signalé, en citant la décision Honeywell :

Il faut répondre non à cette question sauf si la marque a été employée d’une façon telle qu’elle n’a pas perdu son identité et qu’elle est demeurée reconnaissable malgré les distinctions existant entre la forme sous laquelle elle a été enregistrée et celle sous laquelle elle a été employée.

[20]           Le registraire a aussi invoqué l’arrêt Promafil Canada Ltée c Munsingwear, Inc, [1992] ACF no 611, 142 NR 230 (CAF) [Promafil], signalant que, pour établir si la marque demeurait reconnaissable malgré les différences, il lui fallait examiner si les « caractéristiques dominantes » de la marque avaient été préservées. Il a ajouté que l’évaluation des caractéristiques dominantes et de la question de savoir si la dérogation est suffisamment minime pour que l’on puisse conclure à l’emploi de la marque dans la forme où elle a été enregistrée est une question de fait.

[21]           Le registraire a ensuite examiné l’affidavit de M. Lopreiato, qui précisait que le mot « OUTRIGGER » était l’« élément distinctif principal » de la marque et que les mots « STEAKHOUSE AND BAR » étaient « purement descriptifs ».

[22]           Le registraire a dit ne pas souscrire à l’observation de M. Lopreiato selon laquelle la dérogation par rapport à la marque dans sa forme enregistrée n’était pas importante. Il a conclu que les mots « STEAKHOUSE AND BAR », en tant qu’élément du tout, constituaient un élément dominant de la marque, ajoutant que « [l]a présence de ces mots donne lieu à une marque de commerce totalement différente, de sorte que, lorsqu’ils sont absents, l’identité de la [m]arque, telle qu’elle est enregistrée, s’en trouve modifiée ». Il a ajouté que, si la marque avait été montrée dans son entier (c’est-à-dire : « THE OUTRIGGER STEAKHOUSE AND BAR ») ou montrée en liaison avec de multiples plats figurant à proximité immédiate les uns des autres sur le menu, sa conclusion aurait pu être différente. Il a conclu qu’« il est évident, dans le contexte de la présente affaire, que le type d’affichage effectué et l’omission des mots “descriptifs” modifient l’identité de la marque au point de justifier la radiation de l’enregistrement ».

Les nouveaux éléments de preuve en appel

[23]           La demanderesse a déposé un nouvel affidavit de Fred Lopreiato, daté du 18 décembre 2014 [l’affidavit de 2014], en vue de répondre aux lacunes que le registraire avait relevées. Trois pièces y étaient jointes : la pièce 1 est un menu de Shoeless Joe’s, la pièce 2 est une affiche de grande taille annonçant un concours dont le prix est une activité appelée « Rickard’s Backyard BBQ » (ainsi qu’un poêle barbecue), et la pièce 3 est un document combiné comportant, d’un côté, un menu et, de l’autre, la même annonce du concours susmentionné.

[24]           M. Lopreiato affirme que les pièces 1 et 2 sont des documents promotionnels et qu’ils ont été employés dans tous les restaurants de la demanderesse, dans les zones « restaurant, bar et pub » ainsi que dans les zones publiques. L’affidavit atteste également que des documents promotionnels semblables ont été employés au cours de la période pertinente.

[25]           Il affirme de plus que les repas Outrigger étaient liés de près aux plats du restaurant, du bar et du pub. Il dit que le mot « Outrigger » faisait partie intégrante des noms de divers plats, comme des salades et une garniture à steak. Il confirme que de la nourriture était servie dans les sections « restaurant, bar et pub » du restaurant.

La position générale de la demanderesse

[26]           La demanderesse soutient qu’elle a produit en appel des éléments de preuve significatifs et importants qui comblent les lacunes que le registraire a signalées et qui auraient une incidence marquée sur sa décision. L’affidavit de 2014 traite des lacunes que le registraire a relevées à propos de la preuve d’emploi de la marque en liaison avec les services et de l’emploi de la marque dans le cadre de ses activités promotionnelles et de ses services. Elle soutient que cela justifie la tenue d’un examen de novo. Après avoir examiné la totalité des éléments de preuve, la Cour devrait conclure que la demanderesse a établi l’emploi de la marque.

[27]           La demanderesse soutient par ailleurs que le registraire a commis une erreur au sujet des faits et du droit concernant l’emploi de la marque en liaison avec des services, notamment le caractère suffisant des éléments de preuve, l’emploi de la marque sous sa forme enregistrée, ainsi que le droit relatif à la modification des marques de commerce par rapport à leur forme enregistrée.

La position générale du défendeur

[28]           Le défendeur reconnaît que le fardeau ou le seuil de preuve qui incombe à la demanderesse pour ce qui est d’établir l’emploi de la marque est faible et il soutient que cette dernière ne l’a même pas atteint.

[29]           Le défendeur fait valoir que les nouveaux éléments de preuve de la demanderesse ne sont pas significatifs ou importants, mais plutôt répétitifs. Ces éléments n’auraient pas eu d’effet sur la conclusion du registraire. Il y aurait donc lieu de contrôler la décision de ce dernier en fonction de la norme de la raisonnabilité et de conclure que cette décision est raisonnable.

[30]           À titre subsidiaire, le défendeur fait valoir que, si la Cour conclut que les nouveaux éléments de preuve sont importants et si elle procède à un examen de novo, il lui faudrait quand même arriver à la conclusion que la demanderesse n’est pas parvenue à établir l’emploi de la marque de commerce dans sa forme enregistrée.

[31]           Selon le défendeur, la décision du registraire de radier la marque de commerce est à la fois raisonnable et correcte. Aucune preuve ne lui a été soumise en vue de montrer que la marque de commerce « The Outrigger Steakhouse and Bar » était employée. Le mot « Outrigger » est employé séparément, et uniquement avec des plats, et cela ne constitue qu’un emploi en liaison avec des produits (c’est-à-dire, des marchandises) et non avec des services.

La norme de contrôle applicable

[32]           Dans un appel interjeté sous le régime de la Loi à l’égard d’une décision du registraire, lorsqu’aucun nouvel élément de preuve n’est produit, la norme de contrôle applicable est la raisonnabilité. Cependant, si des éléments de preuve additionnels sont produits en appel et si ces éléments auraient eu une incidence marquée sur la décision du registraire, la Cour se doit de procéder à un examen de novo et de décider si l’emploi a été établi ou non. Si les éléments de preuve n’auraient pas eu une incidence marquée sur la décision du registraire, la Cour contrôlera cette décision en fonction de la norme de la raisonnabilité, en prenant pour base les éléments de preuve dont disposait le registraire.

[33]           Ce principe bien connu a été énoncé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Brasseries Molson c John Labatt Ltée, [2000] 3 RCF 145, au paragraphe 51, [2000] ACF no 159 (CAF) :

Je pense que l’approche suivie dans les affaires Benson & Hedges c. St. Regis Tobacco Corp. et McDonald’s Corp. c. Silverwood Industries Ltd. est conforme à la conception moderne de la norme de contrôle. Même s’il y a, dans la Loi sur les marques de commerce, une disposition portant spécifiquement sur la possibilité d’un appel à la Cour fédérale, les connaissances spécialisées du registraire sont reconnues comme devant faire l’objet d’une certaine déférence. Compte tenu de l’expertise du registraire, et en l’absence de preuve supplémentaire devant la Section de première instance, je considère que les décisions du registraire qui relèvent de son champ d’expertise, qu’elles soient fondées sur les faits, sur le droit ou qu’elles résultent de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, devraient être révisées suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter. Toutefois, lorsqu’une preuve additionnelle est déposée devant la Section de première instance et que cette preuve aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l’exactitude de la décision du registraire.

[34]           Dans l’arrêt Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, aux paragraphes 35 et 37, [2006] 1 RCS 772 [Mattel], la Cour suprême a soumis à une analyse relative à la norme de contrôle le processus administratif établi par la Loi et a réitéré que la norme de contrôle de la décision du registraire dépend de la teneur des éléments de preuve supplémentaires qui sont produits au titre du paragraphe 56(5) de la Loi, et que les nouveaux éléments de preuve peuvent donner lieu à une nouvelle audition; la Cour suprême a fait remarquer, au paragraphe 35 :

L’article 56 laisse croire que le législateur voulait qu’il soit procédé à un réexamen complet, non seulement des questions de droit, mais aussi des questions de fait et des questions mixtes de fait et de droit, y compris la probabilité de confusion. Voir en général Brasseries Molson c. John Labatt Ltée, [2000] 3 C.F. 145 (C.A.), par. 46‑51; Novopharm Ltd. c. Bayer Inc., [2000] A.C.F. no 1864 (QL) (C.A.F.), par. 4, et Garbo Group Inc. c. Harriet Brown & Co., [1999] A.C.F. no 1763 (QL) (1re inst.).

[35]           La Cour suprême a fait remarquer que, malgré la possibilité que l’on tienne une nouvelle audition, l’expertise du registraire demeure un facteur pertinent, au paragraphe 37 :

[L]a décision du registraire ou de la Commission [traduction] « ne devrait pas être annulée à la légère, compte tenu des connaissances spécialisées dont disposent ces instances décisionnelles » : McDonald’s Corp. c. Silcorp Ltd. (1989), 24 C.P.R. (3d) 207 (C.F. 1re inst.), p. 210, conf. par [1992] A.C.F. no 70 (QL) (C.A.). L’admission d’un nouvel élément de preuve pourrait évidemment (selon sa nature) affaiblir le fondement factuel de la décision rendue par la Commission et lui enlever le poids que lui confère l’expertise de la Commission. Toutefois, le pouvoir dont dispose le juge des requêtes d’admettre et d’examiner un nouvel élément de preuve n’empêche pas en soi que l’expertise de la Commission constitue un facteur pertinent : Lamb c. Canadian Reserve Oil & Gas Ltd., [1977] 1 R.C.S. 517, p. 527‑528.

[36]           Dans la décision Brouillettte Kosie Prince c Orange Cove-Sanger Citrus Association, 2007 CF 1229, au paragraphe 9, 322 FTR 212, le juge Martineau a passé en revue la jurisprudence et a résumé les principes relatifs à la norme de contrôle qui s’applique dans les cas où de nouveaux éléments de preuve ont été produits en appel; il a fait remarquer ce qui suit, au paragraphe 9 :

Toutefois, lorsque la Cour est saisie d’une preuve additionnelle qui aurait pu avoir un effet sur les conclusions de fait du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Cour doit trancher la question de novo après avoir pris en considération l’ensemble de la preuve dont elle dispose. Ainsi, la Cour substituera sa propre opinion à celle du registraire sans qu’il lui soit nécessaire de trouver une erreur dans le raisonnement de ce dernier. Afin de déterminer si la nouvelle preuve suffit à justifier une décision de novo, la Cour doit examiner la mesure dans laquelle la preuve additionnelle a une force probante plus grande que celle des éléments dont disposait le registraire. Si les nouveaux éléments ont peu de poids et ne consistent qu’en une simple répétition de la preuve déjà présentée, sans accroître la force probante de celle-ci, la question sera de savoir si la décision du registraire peut survivre à un examen assez poussé.

[37]           La demanderesse et le défendeur ont également invoqué d’autres décisions et arrêts dans lesquels les mêmes principes ont été exposés et appliqués.

Les questions en litige

[38]           Compte tenu des principes qui régiront la norme de contrôle et des observations de la demanderesse, les questions que soulève le présent contrôle judiciaire sont les suivantes :

1)                  Les nouveaux éléments de preuve de la demanderesse auraient-ils eu une incidence marquée sur les conclusions de fait du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire?

2)                  Dans l’affirmative, dans le cadre d’un examen de novo, la demanderesse a-t-elle établi l’emploi de la marque?

3)                  Dans la négative, la décision du registraire est-elle raisonnable pour ce qui est de l’emploi de la marque en liaison avec des services et de l’emploi de la marque dans sa forme enregistrée?

Les nouveaux éléments de preuve de la demanderesse auraient-ils eu une incidence marquée sur les conclusions de fait du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire?

Les observations de la demanderesse

[39]           La demanderesse note les principes applicables et soutient que, lorsque de nouveaux éléments de preuve significatifs et importants sont déposés en appel, ce qui est le cas de son affidavit de 2014, le juge doit procéder comme s’il s’agissait d’une nouvelle audition, en se fondant sur le dossier élargi (Mattel, au paragraphe 35; Maison Cousin (1980) Inc c Cousins Submarines Inc, 2006 CAF 409, au paragraphe 7).

[40]           La demanderesse soutient que l’affidavit de 2014 comble les lacunes que le registraire a relevées : il présente une affiche publicitaire annonçant la tenue d’un concours dont le prix est une activité de type barbecue et comportant la mention « Outrigger Surf and Turf » [assiette Terre-mer Outrigger], il comporte un menu spécialisé, caractéristique d’un menu qui aurait été offert dans la période pertinente, il démontre que les affiches étaient apposées dans le bar et à d’autres endroits, et il atteste l’emploi de la marque depuis 2005. Elle signale par ailleurs que la marque a été enregistrée pour des services de restaurant, de bar et de pub. L’affidavit de 2014 précise que l’on sert de la nourriture tant dans le bar que dans le restaurant.

[41]           La demanderesse signale que le registraire a déclaré que si la marque avait été employée avec de multiples plats sa décision aurait été différente, et elle soutient qu’une telle preuve a maintenant été fournie.

[42]           La demanderesse soutient en outre que l’affidavit de 2014 n’est pas contesté, car le défendeur n’a pas contre-interrogé le déposant.

Les observations du défendeur

[43]           Le défendeur prend acte des principes susmentionnés et souligne que la Cour, pour évaluer si les nouveaux éléments de preuve ont une incidence marquée sur les conclusions de fait du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, doit se demander si ces nouveaux éléments ont plus de valeur probante que ceux dont le registraire a été saisi. Si ces nouveaux éléments n’ajoutent rien d’important et ne font que répéter les éléments de preuve existants, sans en améliorer la cohérence, c’est la norme de la raisonnabilité qui s’applique (Fairweather Ltd c Canada (Registraire des marques de commerce), 2006 CF 1248, au paragraphe 26, [2006] ACF no 1573).

[44]           En réponse à l’argument de la demanderesse selon laquelle les nouveaux éléments de preuve ne sont pas contestés, le défendeur signale qu’il n’a pas contre-interrogé le déposant parce que cela était inutile. La décision du défendeur de ne pas contre-interroger M. Lopreiato ne veut pas dire qu’il admet que ces éléments de preuve satisfont au critère.

[45]           Le défendeur soutient que l’affidavit de 2014 ne fait que répéter ce qui existe déjà et qu’il n’aurait pas eu une incidence marquée sur les conclusions de fait du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

[46]           Les nouveaux éléments de preuve ne démontrent pas l’emploi de la marque en liaison avec des services par opposition à un plat unique, et n’établissent pas que la marque était employée sous sa forme enregistrée. Il signale que les mots « Outrigger Salad » ou « Outrigger Topper » ne sont pas la marque. Une seule brochure et une seule affiche faisant toutes deux référence à un plat en particulier – « Outrigger Surf and Turf » – ne sont pas suffisantes pour montrer qu’on a employé la marque dans sa forme enregistrée.

[47]           Malgré deux tentatives pour montrer que la marque était employée dans sa forme enregistrée, la demanderesse n’est pas parvenue à établir un seul emploi de cette marque en liaison avec les services mentionnés dans l’enregistrement.

[48]           Le défendeur reconnaît que de nouveaux éléments de preuve répondent à l’observation que le registraire a faite à propos des documents promotionnels, mais il soutient que ce dernier n’a pas décidé de radier la marque à cause du manque de documents promotionnels. Il a simplement fait remarquer que rien ne montrait que la marque avait été employée sur des documents promotionnels parce que l’affidavit de 2012 n’était étayé par aucune preuve de cette nature.

[49]           Le défendeur soutient que les nouveaux éléments de preuve ne montrent pas que l’on a employé la marque en liaison avec des services de restaurant, de bar et de pub, par opposition à un plat particulier. Dans chacune des nouvelles pièces produites, la marque est employée en liaison avec un plat particulier, isolément d’autres plats.

[50]           Le défendeur fait valoir de plus qu’il ne ressort pas des nouveaux éléments de preuve que la marque a été employée dans sa forme enregistrée. Bien que ces éléments puissent démontrer l’emploi des mots « OUTRIGGER » ou « OUTRIGGER SURF AND TURF » en liaison avec des marchandises, c’est-à-dire les plats, ils ne démontrent pas qu’on a employé « THE OUTRIGGER STEAKHOUSE AND BAR » en liaison avec des services de restaurant, de bar et de pub.

[51]           Le défendeur soutient que les nouveaux éléments de preuve ne sont pas importants ou probants et ne justifient pas la tenue d’un examen de novo. C’est donc la norme de la raisonnabilité qui s’applique; la Cour doit évaluer si la décision est justifiée, transparente et intelligible, et si elle appartient aux issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Jose Cuervo SA de CV c Bacardi & Company Limited, 2009 CF 1166, au paragraphe 55, [2009] ACF no 1469; Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190).

[52]           Toutefois, le défendeur soutient que, si la Cour retient ces nouveaux éléments de preuve et procède à un examen de novo, même d’après la norme de la décision correcte, la décision du registraire est bien fondée.

Les nouveaux éléments de preuve de la demanderesse n’auraient pas eu une incidence marquée sur les conclusions de fait du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire

[53]           Le registraire a fondé sa décision sur deux conclusions clés :

                     la marque n’avait pas été employée en liaison avec des services de restaurant;

                     la marque n’avait pas été employée dans sa forme enregistrée, soit : « THE OUTRIGGER STEAKHOUSE AND BAR ».

[54]           Les nouveaux éléments de preuve n’ont pas plus de valeur probante que les éléments dont le registraire a été saisi en 2012. Ils ne font que répéter ceux qui existaient déjà et ne sont pas plus convaincants que les éléments de preuve originaux qui ont été déposés. Jusqu’à un certain point, ils le sont moins, étant donné que trois nouvelles pièces ne font référence qu’une fois chacune au même plat.

[55]           La pièce 1 est un menu qui inclut un plat portant le nom d’« Outrigger » – ce qui fait référence à « Outrigger Surf and Turf ».

[56]           La pièce 2 est une affiche de grande taille qui annonce le concours dont le prix est une activité de type barbecue et un poêle barbecue commandités par Rickards et qui inclut dans le coin supérieur droit la mention suivante : [traduction] « Goûtez à notre nouveau menu spécial incluant notre fameuse assiette Terre-Mer Outrigger ».

[57]           La pièce 3 est un document combinant un menu et un avis de concours de type barbecue qui ne fait référence qu’à un seul plat, appelé « Outrigger », qui fait là encore référence à l’[traduction] « assiette Terre-Mer Outrigger ».

[58]           L’affidavit de 2014 et les pièces qui y sont jointes ne montrent pas de manière suffisante que la marque a été employée en liaison avec des services de restaurant plus généraux, mais uniquement que l’[traduction] « assiette Terre-Mer Outrigger » était un plat particulier.

[59]           De plus, à mon avis, la référence que le registraire a faite au manque de documents promotionnels n’a pas été un facteur important dans sa décision. Il a fait remarquer que la demanderesse n’avait fourni aucune preuve des « documents promotionnels » dont il était question dans l’affidavit de 2012. Il s’agissait simplement d’une observation, et non d’une indication qu’une telle preuve aurait eu une incidence sur l’évaluation que le registraire a faite de l’emploi de la marque.

[60]           Rien dans les nouveaux éléments de preuve n’aurait eu une incidence marquée sur la décision du registraire concernant l’emploi de la marque dans sa forme enregistrée. Les nouveaux éléments de preuve comprennent un menu qui, selon ce qui est dit, est caractéristique de ceux qui étaient offerts dans la période pertinente. Cependant, comme il a été mentionné plus tôt, le menu ne mentionne qu’une seule fois l’[traduction] « assiette Terre-Mer Outrigger » et ne comporte pas plusieurs plats portant la marque, que la demanderesse a décrits comme des plats caractéristiques ou spécialisés. Le registraire a signalé que, si de multiples plats avaient été affichés à proximité immédiate les uns des autres sur le menu, sa conclusion aurait pu être différente. Cependant, les nouveaux éléments de preuve ne font pas état de multiples plats; le même plat n’est mentionné qu’une seule fois dans les nouvelles pièces.

[61]           La demanderesse n’a fourni aucun nouvel (ou ancien) élément de preuve montrant que l’Outrigger Steakhouse and Bar avait déjà été exploité sous forme d’entité ou avait déjà employé la marque dans sa forme enregistrée.

[62]           C’est donc dire que les nouveaux éléments de preuve ne satisfont pas au critère préliminaire d’une valeur probante supérieure à celle des éléments dont le registraire a été initialement saisi, et la Cour n’est pas tenue de soumettre à un examen de novo les éléments de preuve nouveaux et antérieurs pour établir si la demanderesse a démontré l’emploi de la marque dans sa forme enregistrée au cours de la période pertinente.

[63]           La norme de contrôle qui s’applique aux conclusions de fait du registraire ou à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire est donc la raisonnabilité.

La décision du registraire est-elle raisonnable?

Les observations de la demanderesse

[64]           En ce qui concerne la conclusion du registraire selon laquelle l’emploi de la marque en liaison avec des services de restaurant n’a pas été établi par la présence de cette marque sur un menu, la demanderesse soutient que le registraire s’est fondé sur des considérations erronées au sujet des faits et du droit.

[65]           La demanderesse soutient qu’elle a employé la marque comme l’exige le paragraphe 4(2) de la Loi : « [u]ne marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services ».

[66]           La demanderesse fait valoir que le menu est la façon dont sont exécutés les services de restaurant, de bar et de pub. Le client fait son choix à partir du menu, et le restaurant exécute les services en servant le plat demandé.

[67]           La demanderesse soutient que le registraire n’a pas pris en considération le fait que la marque est illustrée avec le symbole ®, ce qui signifie une marque de commerce déposée, sur l’un des plats présentés en 2012.

[68]           La demanderesse soutient également que la conclusion selon laquelle la présence de la marque sur le menu ne faisait pas état d’un emploi en liaison avec des services était une conclusion juridique, et non une conclusion factuelle, et qu’elle ne relève pas de la compétence du registraire dans une instance engagée au titre de l’article 45 de la Loi (Gesco Industries, Inc c Sim & McBurney, [2000] ACF no 1766, au paragraphe 5, 195 DLR (4th) 239 [Gesco]).

[69]           La demanderesse invoque l’arrêt Gesco, qu’elle considère comme analogue. Dans cette affaire, le produit visé par la marque de commerce était employé avant la vente du produit fini au client. La Cour a conclu que la question de savoir si les services s’appliquaient avant ou après la vente n’avait pas d’incidence sur celle de savoir si la marque était employée en liaison avec des marchandises ou des services. Par analogie, un restaurant se sert du menu pour décrire et exécuter des services. La demanderesse soutient que le registraire a commis une erreur de droit en tirant la conclusion juridique que la référence faite sur le menu ne constituait pas des services.

[70]           La demanderesse conteste également la conclusion du registraire selon laquelle l’emploi des mots « OUTRIGGER » et « OUTRIGGER SALAD » ne constituent pas un emploi de la marque dans sa forme enregistrée parce que les mots « STEAKHOUSE AND BAR » constituent un élément dominant de la marque déposée. Elle estime que le registraire a commis une erreur en interprétant le droit relativement aux modifications.

[71]           La demanderesse signale l’article 2 de la Loi, où le mot « marque de commerce » est défini ainsi : « marque employée par une personne pour distinguer, ou de façon à distinguer, les produits fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués ou les services loués ou exécutés, par elle, des produits fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués ou des services loués ou exécutés, par d’autres ».

[72]           Aux dires de la demanderesse, le critère pratique en matière de dérogation qui a été établi dans la décision Honeywell (à la page 525) a été modifié par la Cour d’appel dans l’arrêt Promafil pour devenir le critère de l’impression commerciale uniforme. Il n’est pas nécessaire que la marque employée et la marque déposée soient identiques, à la condition que l’impression commerciale demeure la même. La demanderesse signale que de nombreux facteurs peuvent mener à la modification d’une marque, dont le besoin de mettre à jour les styles à mesure que les temps changent.

[73]           La demanderesse soutient que cette norme nouvelle ou modifiée a été citée avec approbation et appliquée par la Cour dans la décision Alibi Roadhouse Inc c Grandma Lee’s International Holdings Ltd, [1997] ACF no 1329, 136 FTR 66 [Alibi], où il a été conclu que les mots « Bar & Grill » n’étaient pas une caractéristique dominante.

[74]           En l’espèce, la demanderesse soutient que le registraire a commis une erreur en appliquant le critère énoncé dans la décision Honeywell et en mettant l’accent sur le fait de savoir si la marque, dans sa forme employée, avait la même identité. Elle soutient que l’emploi du mot « OUTRIGGER » seul, comme dans la décision Alibi, est la caractéristique dominante, n’a pas changé et donne la même impression commerciale uniforme.

[75]           La demanderesse signale que dans l’arrêt Promafil le dessin de la marque – un pingouin – avait changé et était passé d’un pingouin corpulent à un pingouin maigre. Elle soutient que les circonstances dont il est question en l’espèce sont analogues. Dans l’affaire Promafil, le pingouin avait perdu du poids et était toujours identifiable et, en l’espèce, le mot « OUTRIGGER » avait perdu un groupe de mots descriptifs superflus (« STEAKHOUSE AND BAR ») et demeurait identifiable et reconnaissable.

[76]           La demanderesse soutient que l’emploi de la marque dans la période pertinente a été l’emploi de la partie dominante de la marque déposée et que le client reconnaîtrait vraisemblablement cette dernière et ne serait pas troublé ou trompé.

Les observations du défendeur

[77]           Le défendeur soutient que le registraire a conclu de manière raisonnable que l’exposition de la marque en liaison avec un plat particulier ne constitue pas un emploi de la marque en liaison avec des services de restaurant.

[78]           En réponse à l’observation de la demanderesse selon laquelle le registraire est allé au‑delà d’une [traduction] « conclusion factuelle » et a tiré une [traduction] « conclusion juridique » en décidant que rien dans la façon dont la marque était montrée ne donnait à penser qu’elle était employée en liaison avec des services de restaurant, de bar et de pub, le défendeur fait valoir que le registraire n’a pas tiré une conclusion juridique, contrairement à celle qui a été tirée dans l’arrêt Gesco. Le registraire a reconnu que l’on pourrait considérer qu’une marque de commerce apparaissant sur un menu est montrée dans l’exécution ou l’annonce de services de restaurant, mais que cette conclusion dépendra des faits de chaque affaire. Il a conclu qu’au vu des faits de l’espèce, la marque n’était employée qu’en liaison avec un plat particulier.

[79]           Le défendeur soutient que le registraire n’a pas commis d’erreur en concluant que les mots « STEAKHOUSE AND BAR » constituaient un élément dominant de la marque et que leur omission portait un coup fatal à l’enregistrement de cette dernière. Il signale que la demanderesse n’a pas précisé à quel moment elle avait substitué « OUTRIGGER » à « THE OUTRIGGER STEAKHOUSE AND BAR » et il réitère qu’elle n’a pas établi qu’elle avait déjà utilisé la marque dans son intégralité. La demanderesse ayant rarement, sinon jamais, montré la marque dans sa forme enregistrée, les clients n’auraient jamais eu connaissance de la marque dans son intégralité.

[80]           Le défendeur soutient que le registraire a appliqué à juste titre la décision Honeywell et l’arrêt Promafil. La demanderesse s’est fondée à tort sur la décision Alibi à l’appui de son argument selon lequel les mots « STEAKHOUSE AND BAR » peuvent être omis. Cette décision peut être distinguée de la présente affaire, car il y était question de l’élément dominant d’un dessin (dans lequel le mot-sujet dominait le centre du dessin) et que la question en litige était la comparaison entre « Alibi Roadhouse » et « Alibi Bar & Grill ». Le défendeur fait remarquer qu’en l’espèce la question en litige est l’emploi du mot « OUTRIGGER » par opposition aux mots « THE OUTRIGGER STEAKHOUSE AND BAR » par un restaurant d’un nom différent, soit Shoeless Joe’s.

[81]           Le défendeur fait remarquer que, dans l’arrêt Promafil, la Cour d’appel a prévenu que, dans le cas de toute modification, on « joue avec le feu », mais qu’il est possible de recourir, dans certaines limites, à des modifications prudentes (aux paragraphes 38 et 39). Même si le maintien d’une identité absolue entre la marque dans sa forme enregistrée et la marque dans sa forme employée n’est pas requis, il faut que l’on maintienne son caractère reconnaissable.

[82]           Pour ce qui est de l’argument de la demanderesse selon lequel le critère relatif aux modifications a été remplacé par celui de l’impression commerciale uniforme, le défendeur signale que, même si le critère a changé, il n’existe aucun restaurant connu sous le nom d’Outrigger Steakhouse and Bar, de sorte qu’il n’y a pas d’impression commerciale uniforme. L’emploi du mot « Outrigger » sur le menu n’amène pas le client à penser qu’il s’agit d’une marque de commerce visant des services de restaurant, de bar ou de pub, même si le symbole ® est présent.

[83]           Le défendeur soutient aussi que les faits dont il est question dans l’arrêt Promafil ne sont pas analogues. Même si le pingouin original et le pingouin modifié étaient d’une taille différente, il s’agissait toujours du même pingouin, et ses traits étaient les mêmes. En l’espèce, il y a nettement plus de différences entre les marques.

[84]           Selon le défendeur, le registraire a conclu de manière raisonnable que les mots « STEAKHOUSE AND BAR » représentent une marque de commerce tout à fait différente, et leur omission change l’identité de la marque dans la forme où elle a été enregistrée.

[85]           En réponse à l’argument de la demanderesse selon lequel elle s’est désistée du droit d’employer les mots « STEAKHOUSE AND BAR » et qu’il ne faudrait donc pas considérer qu’ils constituent un élément dominant de la marque, le défendeur signale que la demanderesse a mal interprété l’effet du désistement que prévoit l’article 35 de la Loi. Cette mesure empêche simplement l’inscrivant de revendiquer le « droit à l’usage exclusif » des mots faisant l’objet du désistement, soit « STEAKHOUSE AND BAR », en dehors de la marque de commerce (aux termes de l’article 35). Cela veut dire qu’elle ne peut pas revendiquer l’emploi exclusif des mots « STEAKHOUSE AND BAR », mais cela n’a pas d’incidence sur le fait de savoir si les mots ayant fait l’objet d’un désistement peuvent constituer un élément dominant de la marque.

La décision du registraire est raisonnable

[86]           Le registraire n’a pas commis d’erreur de droit en concluant que la marque n’a pas été employée en liaison avec des services de restaurant, de bar et de pub. Contrairement à la conclusion tirée dans l’arrêt Gesco, il ne s’agissait pas d’une « conclusion juridique ». Le registraire a pour tâche de décider si une marque est montrée en liaison avec des marchandises ou des services. Dans la présente affaire, tout en reconnaissant que l’exposition d’une marque de commerce sur un menu peut être considérée comme un emploi dans l’annonce ou l’exécution de services de restaurant, le registraire a conclu qu’au vu des faits de l’espèce la marque n’était employée qu’en liaison avec un plat particulier. Il s’agissait là d’une conclusion raisonnable, car il n’y avait que quelques références occasionnelles à des plats qui n’affichaient que le mot descripteur « Outrigger ».

[87]           Il est inutile de conclure, de manière plus générale, qu’une référence à une marque de commerce sur un menu peut constituer un emploi de cette marque en liaison avec des services, par opposition à des produits ou à des marchandises. Le registraire a signalé qu’une telle référence pourrait le faire mais que, compte tenu des faits, ce n’était pas le cas.

[88]           La situation est différente de celle dont il était question dans l’affaire Gesco, où la Cour d’appel a conclu que la registraire avait rendu une décision juridique implicite en concluant que les services n’incluaient que ceux que l’on appliquait à un produit après sa vente au public (au paragraphe 5). La Cour d’appel a expliqué que la registraire avait commis « une erreur sur une question fondamentale d’interprétation législative dont l’importance dépass[ait] les faits de l’espèce et à l’égard de laquelle la Cour [avait] le droit d’intervenir » (au paragraphe 5). Dans le cas présent, le registraire n’a pas interprété la loi et a clairement fait savoir que la décision se limitait aux faits de l’affaire.

[89]           Le registraire n’a pas fondé sa décision sur le manque de documents promotionnels. Il a souligné qu’il s’agissait là de l’un des facteurs à l’appui de sa conclusion selon laquelle rien dans la façon dont la marque était présentée ne montrait qu’elle était employée en liaison avec les services de restaurant de nature plus générale de la licenciée. Le registraire a souligné qu’aucun document promotionnel n’avait été fourni avec l’affidavit de 2012.

[90]           L’affidavit de 2014 comporte deux pièces qui sont de nature promotionnelle, mais les nouveaux éléments de preuve, comme il a été souligné ci-dessus, n’auraient pas eu une incidence marquée sur la conclusion du registraire quant au fait que rien dans la façon dont la marque était montrée ne dénotait qu’il fallait considérer qu’elle était employée en liaison avec les services de restaurant de nature plus générale de la licenciée, parce qu’elle ne faisait référence qu’à un seul plat en particulier.

[91]           Quant au fait que la marque n’avait pas été employée dans la forme où elle avait été enregistrée, soit : « THE OUTRIGGER STEAKHOUSE AND BAR », le registraire a tiré une conclusion raisonnable et n’a pas commis d’erreur en interprétant ou en appliquant la jurisprudence concernant les modifications d’une marque.

[92]           Le registraire a fait référence au critère énoncé dans la décision Honeywell, à la page 525, pour évaluer si la marque avait conservé son identité et demeurait reconnaissable, c’est-à-dire : « déterminer si les distinctions existant entre ces deux marques sont à ce point minimes qu’un acheteur non averti conclurait, selon toute probabilité, qu’elles identifient toutes deux, malgré leurs différences, des marchandises ayant la même origine ».

[93]           L’argument de la demanderesse selon lequel la décision Honeywell a été modifiée par l’arrêt Promafil en vue de créer un critère d’« impression commerciale uniforme », comme il a été mentionné plus tôt, oblige à examiner de plus près plusieurs passages de l’arrêt Promafil, plutôt que des extraits isolés.

[94]           Aux paragraphes 32 à 34, la Cour d’appel a noté avec intérêt l’évolution de la législation américaine qui permet d’apporter des modifications à une marque.

[95]           Au paragraphe 34, la Cour d’appel a conclu que le juge du procès avait commis une erreur :

Si je considère les faits de cet arrêt dans le cadre du droit canadien, qui met l’accent sur le maintien de l’identité et du caractère reconnaissable de la marque et sur la conservation de ses traits dominants, il me faut, avec égards, conclure que le juge de première instance a commis une erreur manifeste et dominante en concluant que l’effet visuel des deux dessins est considérablement différent. Ma conclusion ne serait pas affaiblie si je tenais compte de la norme américaine de la « même impression commerciale uniforme ».

[96]           La Cour d’appel a ensuite conclu que, même si les deux dessins étaient différents, les différences étaient « insignifiantes » et l’impression dominante ainsi que les traits dominants étaient les mêmes. Elle a conclu que le « pingouin corpulent [est] une simple modification du pingouin maigre puisqu’il préserve les mêmes traits dominants » (au paragraphe 36).

[97]           Après être arrivée à cette conclusion, la Cour d’appel a donné d’autres indications au sujet des modifications, aux paragraphes 38 à 40 :

De toute évidence, lors de chaque modification, le propriétaire de la marque de commerce joue avec le feu. Selon les termes du juge Maclean, « la pratique de s’éloigner de la forme précise d’une marque de commerce enregistrée ... constitue un grand danger pour l’auteur de l’enregistrement. » Mais des modifications prudentes peuvent être apportées sans conséquences fâcheuses si les mêmes traits dominants sont préservés et si les différences sont si insignifiantes qu’elles ne trompent pas l’acheteur non averti.

Les légères et insignifiantes distinctions entre différents dessins s’expliquent par les différents tissus sur lesquels les pingouins utilisés en liaison avec la vente de chemisettes doivent être attachés et, par le fait même, par les diverses techniques utilisées pour les attacher. Comparons, par exemple, la marque figurant sur le sac de plastique dans lequel des chemisettes peuvent être emballées et celles que l’on voit sur la poche avant brodée d’une chemisette de coton ou sur le matériel cousu d’une collerette ou le plastique dur d’une étiquette volante et sur la texture rugueuse d’un papier-journal et la texture douce d’une revue. Ce qu’il est possible de dessiner et ce qu’il est possible de coudre peut différer dans une certaine mesure, particulièrement dans les plus menus détails. Ce qui ressort clairement malgré les photocopies de mauvaise qualité dans le dossier en l’espèce, c’est que l’appelante avait utilisé, et souvent simultanément, des dessins de pingouins légèrement différents. Je ne vois là aucune erreur inhérente nous contraignant à conclure à l’abandon, à condition que l’impression commerciale uniforme demeure la même.

Le droit doit tenir compte des réalités économiques et techniques. La loi relative aux marques de commerce n’exige pas, pour éviter l’abandon, le maintien de l’identité absolue des marques, ni ne considère les différences insignifiantes afin de prendre en faute le propriétaire d’une marque de commerce enregistrée agissant de bonne foi en fonction de la mode et des autres tendances. Elle exige seulement une identité qui maintienne le caractère reconnaissable de la marque et qui évite la confusion chez les acheteurs non avertis.

[Non souligné dans l’original.]

[98]           Je ne partage pas le point de vue de la demanderesse, à savoir que le fait que la Cour d’appel fasse référence à la législation américaine concernant le concept de l’impression commerciale uniforme dénote que l’on s’écarte du critère énoncé dans la décision Honeywell pour s’orienter vers un critère fondé sur l’impression commerciale uniforme.

[99]           Bien qu’attirée par cette option en tant que moyen additionnel ou subsidiaire de considérer les modifications apportées à une marque, la Cour d’appel a appliqué le droit canadien en matière d’identité et de caractère reconnaissable. Elle a comparé les marques et a conclu que les traits dominants n’étaient pas différents et que les différences entre le pingouin corpulent et le pingouin maigre étaient insignifiantes. Comme il a été mentionné plus tôt, une identité absolue n’est pas exigée, et des différences minimes peuvent être tolérées en vue de répondre aux tendances du jour.

[100]       La conclusion n’a pas été fondée simplement sur une impression commerciale uniforme, mais sur le manque de différences dans les traits dominants des marques. La Cour d’appel a fait remarquer qu’elle serait arrivée à la même conclusion si l’impression commerciale uniforme avait été le critère applicable, mais elle a clairement dit qu’elle appliquait le droit canadien.

[101]       À mon sens, les indications que la Cour d’appel a données dans l’arrêt Promafil ne donnent pas à penser qu’il y a lieu d’adopter le concept de l’impression commerciale uniforme comme critère relatif à la modification d’une marque, à l’exclusion du critère énoncé dans la décision Honeywell.

[102]       Dans la décision Alibi, la Cour a cité l’arrêt Promafil et, au paragraphe 33, a qualifié en ces termes la décision de la Cour d’appel :

[La Cour d’appel] a conclu que, si les mêmes caractéristiques principales sont utilisées, sous réserve uniquement de différences mineures qui ne sont pas de nature à créer de la confusion chez un acheteur non averti ou à tromper celui-ci, la marque déposée demeure employée. La Cour d’appel cherchait à déterminer si « l’impression commerciale uniforme demeur[ait] la même ».

[103]       Là encore, je ne suis pas d’avis que cette référence dénote l’adoption d’un critère modifié. Je ne conviens pas non plus que, dans l’arrêt Promafil, la Cour d’appel se souciait davantage de l’impression commerciale uniforme que du maintien des traits dominants.

[104]       Je signale de plus que l’argument de la demanderesse à propos de l’impression commerciale uniforme est affaibli par le fait qu’il n’y avait aucune impression commerciale originale de « THE OUTRIGGER STEAKHOUSE AND BAR », étant donné que rien ne prouve que cette entité a déjà été exploitée en tant que restaurant et bar, que rien ne prouve que la marque a été employée dans sa forme enregistrée et que la demanderesse ne peut pas préciser à quel moment elle a adopté le mot « Outrigger » employé seul pour faire référence à des plats particuliers.

[105]       Le mot « Outrigger » employé seul ne permet pas de savoir s’il est question d’une grilladerie (steakhouse), d’un restaurant ou de quelque chose d’autre (p. ex., un type d’embarcation) et, plus particulièrement, comme il n’existe aucune preuve qu’un Outrigger Steakhouse and Bar a déjà existé, il est difficile de conclure qu’il y aurait une impression commerciale uniforme, si tant est qu’il y ait eu une impression commerciale au départ.

[106]       L’omission des mots « Steakhouse and Bar » n’est pas due à une actualisation ou à une modernisation de la marque en vue de répondre aux tendances du jour.

[107]       Pour ce qui est de l’argument de la demanderesse selon lequel les faits dont il était question dans l’affaire Promafil sont quelque peu analogues parce que, dans cette dernière, le pingouin s’était débarrassé d’un surpoids inutile et que, en l’espèce, « OUTRIGGER » s’était débarrassé de mots descriptifs inutiles, je ne conviens pas que cette analogie est valable. Premièrement, dans l’affaire Promafil, la marque originale était un pingouin mince et la marque modifiée était un pingouin « corpulent », ce qui veut dire que le pingouin ne s’était pas débarrassé d’un surpoids inutile. Deuxièmement, dans l’affaire Promafil, le pingouin avait conservé la totalité de ses traits distinctifs et singuliers en dépit de son physique plus corpulent, et il a été conclu que les différences étaient insignifiantes. Si l’impression commerciale uniforme du pingouin demeurait la même, c’était parce qu’on avait conservé les traits distinctifs de la marque, telle qu’elle avait été enregistrée.

[108]       En l’espèce, le registraire n’a pas commis d’erreur en interprétant le droit et en appliquant les principes de la jurisprudence. Il a cité à la fois la décision Honeywell et l’arrêt Promafil et a noté avec raison que la jurisprudence l’enjoignait à se pencher sur la question de savoir si les traits dominants de la marque avaient été préservés et qu’il s’agissait là d’une question de fait. Il a conclu d’une manière raisonnable que les mots « STEAKHOUSE AND BAR » forment une marque de commerce tout à fait différente et que leur omission change l’identité de la marque dans sa forme enregistrée.

[109]       Je conviens aussi avec le défendeur que le désistement de la demanderesse relativement aux mots « STEAKHOUSE AND BAR » est peu pertinent pour ce qui est d’établir s’ils constituent un trait dominant de la marque. Le registraire n’a pas commis d’erreur en omettant de traiter du fait que les ces mots avaient fait l’objet d’un désistement. Le désistement empêche uniquement la demanderesse de revendiquer le droit à l’emploi exclusif des mots génériques « STEAKHOUSE AND BAR » de façon isolée, en dehors de la marque de commerce dans sa forme enregistrée.

[110]       La décision du registraire appartient aux issues raisonnables justifiées par les faits et le droit et, en l’espèce, elle commande donc la déférence.

[111]       Subsidiairement, si j’avais conclu que les nouveaux éléments de preuve présentés dans l’affidavit de 2014 avaient une valeur probante et auraient eu une incidence marquée sur la décision du registraire, dans le cadre d’un examen de novo, ma conclusion aurait été la même. La demanderesse n’a pas établi l’emploi de la marque dans sa forme enregistrée.

[112]       La présence du mot « Outrigger » à côté d’un plat sur, d’une part, de petites et de grandes affiches annonçant un concours dont le prix est une activité de type barbecue et sur, d’autre part, un menu n’établit pas qu’il est employé en liaison avec des services de restaurant et de pub. Dans le même ordre d’idées, les menus présentés en 2012 ne font référence qu’à des plats particuliers portant le nom descripteur « Outrigger », ce qui n’établit pas son emploi en liaison avec des services de restaurant, de bar et de pub, et ce, même si l’affidavit explique que l’on servait de la nourriture à la fois dans le restaurant et dans le bar/pub.

[113]       Il n’existe aucune preuve que la marque « THE OUTRIGGER STEAKHOUSE AND BAR », dans sa forme enregistrée, a déjà été employée.

[114]       La demande est rejetée et les dépens sont adjugés au défendeur. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur les dépens, le défendeur pourra présenter des observations d’une longueur maximale de trois pages, en plus de son mémoire de dépens, dans les quatorze jours suivant la date de la décision. La demanderesse pourra quant à elle présenter des observations en réponse, d’une longueur maximale de trois pages, dans les quatorze jours suivants.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est rejetée, les dépens étant adjugés au défendeur.

« Catherine M. Kane »

Juge

Traduction certifiée conforme

M.-C. Gervais


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T -1909-14

 

INTITULÉ :

PADCON LTD. c GOWLING LAFLEUR HENDERSON s.e.n.c.r.l., s.r.l.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 juin 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE KANE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 5 août 2015

COMPARUTIONS :

Kenneth D. McKay

 

pour la demanderesse

 

Jennifer E. McKay

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sim Lowman Ashton & McKay LLP

Toronto (Ontario)

 

pour la demanderesse

 

Perley-Robertson,

Hill & McDougall LLP/s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE défendeur

 

 

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