Dossier : IMM-3724-14
Référence : 2015 CF 624
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Toronto (Ontario), le 12 mai 2015
En présence de monsieur le juge Mosley
ENTRE : |
AMADU TEMA BALDE |
demandeur |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] Dans la présente demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR), Amadu Tema Balde conteste la décision de la Section d’appel des réfugiés (SAR), qui a rejeté son appel de la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés (SPR) a rejeté sa demande d’asile. Pour les motifs qui suivent, la demande sera accueillie.
I. Contexte
[2] Le demandeur est un citoyen de la Guinée-Bissau âgé de 25 ans. Son père, membre du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap‑Vert (PAIGC), siège à l’Assemblée législative. Le demandeur affirme qu’il a joint les rangs du PAIGC en 2009, mais qu’il a rapidement commencé à dénoncer sa participation à des actes de corruption et de trafic de drogues. Il a également prononcé des discours au cours desquels il a critiqué avec fougue l’armée et les services de police. En mai 2009, pendant qu’il militait à Bissau, la capitale, il a été la cible de menaces et il a été battu par trois militaires. Son père, craignant pour sa sécurité, l’a envoyé vivre chez un oncle dans la ville de Bafata.
[3] Le demandeur affirme avoir poursuivi ses activités militantes à Bafata. Des policiers l’ont menacé dans la rue à deux reprises. Une nuit d’octobre 2010, cinq hommes appartenant à l’armée ou à la police ont fait irruption dans la maison de son oncle, ont brisé du mobilier et l’ont sorti du lit pour le battre sauvagement.
[4] Le demandeur a cessé ses activités politiques pendant un certain temps après cet incident. En février 2011, il est retourné à Bissau, et il y a habité avec sa famille pendant deux ans. Par la suite, il a déménagé à Xitole, le village natal de son père. Là‑bas, le demandeur aurait continué à critiquer le gouvernement, l’armée et la police. Il organisait des tournois de soccer et prononçait des discours politiques devant des jeunes. Des cadres du PAIGC lui ont fait des menaces.
[5] En septembre 2011, le demandeur est retourné à Bissau. La situation politique se détériorait. Le demandeur affirme avoir participé à une manifestation en avril 2012. La police et l’armée ont fait feu en direction de la foule. Le demandeur soutient s’être réveillé à l’hôpital après avoir été sauvagement battu. Son père, ayant eu vent de rumeurs de son arrestation prochaine, l’a envoyé vivre chez un autre oncle, à Sao Domingos.
[6] Le demandeur dit s’être caché jusqu’à ce que son oncle fasse le nécessaire pour qu’il quitte le pays. Il s’est enfui le 13 mai 2013 et est arrivé au Canada trois jours plus tard. Il a demandé l’asile le 1er juin 2013.
[7] La SPR a entendu la demande le 3 septembre 2013. Dans une décision rendue le 18 décembre 2013, elle l’a rejetée.
[8] Le demandeur a interjeté appel auprès de la SAR. La décision contestée en l’espèce est celle du 14 avril 2014 par laquelle la SAR a rejeté l’appel.
[9] À proprement parler, la décision faisant l’objet du contrôle est celle rendue par la SAR. Cela dit, il semble logique de revenir sur la décision de la SPR. La SPR soutenait que la question déterminante était la crédibilité. Le demandeur était crédible lorsqu’il affirmait être citoyen de la Guinée‑Bissau, même si aucun document convaincant n’avait été présenté à l’appui, mais le tribunal a conclu que le récit de ses activités politiques n’était pas crédible.
[10] Le demandeur a affirmé être devenu membre du même parti politique que son père dans l’espoir de [traduction] « faire une différence ». Il a expliqué que la seule façon d’être pris au sérieux dans son pays était d’appartenir à un parti politique. Il est devenu membre du parti pour se faire entendre, sauf qu’il a commencé à le critiquer. La SPR n’a pas tiré de conclusion défavorable de cette explication. Selon elle, la principale question était celle de savoir quelles avaient réellement été ses activités politiques.
[11] Le demandeur a affirmé avoir prononcé différents discours d’environ une demi‑heure devant des centaines de personnes. Lorsqu’on lui a demandé de révéler la teneur de ces discours, il a fourni une description générale de quelques minutes. Lorsqu’on lui a offert du temps pour élaborer sur le sujet, à l’audience, le demandeur a dit se sentir « opprimé ». Son avocat a tenté de l’aider, le pressant de mettre ses sentiments de côté et de raconter ce qu’il avait réellement dit. Malgré cela, selon la SPR, le demandeur « n’a pas été en mesure de donner plus qu’une description brève et générale du contenu de ses discours ».
[12] Selon la SPR, les discours étaient au cœur de la demande. Selon les allégations, le demandeur avait des convictions si fermes sur les sujets abordés qu’il s’est mis en grand danger en s’exprimant. Ses discours ont marqué un tournant dans sa vie, et ils l’ont obligé à fuir son pays. Si le tribunal ne s’attendait pas à ce qu’il reprenne chaque discours mot pour mot, il a conclu qu’il était déraisonnable de la part du demandeur de ne fournir qu’une description générale de quelques minutes. Selon lui, le demandeur n’avait pas fait de compte rendu clair de la teneur des discours allégués. La SPR a rejeté la demande pour ce motif.
[13] La décision de la SAR commence par une longue analyse de la norme de contrôle. Se fondant sur la décision Newton c Criminal Trial Lawyers’ Association, 2010 ABCA 399, au paragraphe 43, le commissaire de la SAI établit que les conclusions de la SPR concernant les faits et la crédibilité sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.
[14] Le demandeur a fait valoir que la SPR avait commis une erreur en affirmant que son témoignage était général, puisqu’il avait donné le nom de deux militaires de haut rang ayant été la cible de ses critiques. La SAR rappelle que la décision de la SPR doit être considérée dans son ensemble. Le demandeur s’est décrit comme un militant passionné ayant prononcé des discours dans différentes villes, lors de rassemblements de petite ou grande envergure, chez les gens et lors de tournois de soccer. Ses discours duraient 30 minutes environ. Selon la SAR, il était raisonnable de la part de la SPR de demander quels avaient été ses propos exacts. Il a fourni des réponses succinctes, et ce n’est qu’après des demandes répétées qu’il a consenti à en dire un peu plus au sujet des discours.
[15] La SAR souligne que la SPR a accordé au demandeur plusieurs occasions de fournir un témoignage détaillé. Le demandeur soutient que la SPR a commis une erreur en ne tentant pas d’obtenir plus de détails et qu’elle est passée à autre chose après la pause. La SAR n’est pas d’accord. Après la pause, la SPR a continué d’interroger le demandeur au sujet de ses activités politiques, et elle lui a donné l’occasion de fournir des détails.
[16] Étant donné que la demande repose sur des opinions politiques, la SPR s’attendait raisonnablement à ce que le demandeur puisse fournir des détails sur ses discours, plutôt que de se contenter de réponses succinctes. Le demandeur était incapable de s’exprimer avec l’éloquence qu’on attendrait d’un militant politique. Il n’a parlé que pendant quelques minutes, sans donner de détails et sans grande conviction. Selon la SAR, la SPR a présenté des motifs solides, intelligibles et transparents pour établir un lien entre ses conclusions en matière de crédibilité et l’incapacité du demandeur de fournir des détails sur ses discours.
[17] Le demandeur a sollicité la tenue d’une audience conformément au paragraphe 110(6) de la LIPR. La SAR explique que ce paragraphe prévoit la tenue d’une audience devant la SAR lorsque de nouveaux éléments de preuve d’un certain type sont présentés. En l’espèce, aucun nouveau document n’a été soumis par le demandeur, c’est pourquoi il n’y avait pas lieu de tenir une nouvelle audience.
II. Questions en litige
[18] La présente demande soulève trois questions :
1. La SAR a‑t‑elle commis une erreur dans son analyse relative à la norme de contrôle?
2. La SAR a‑t‑elle commis une erreur en ne tenant pas d’audience?
3. La SAR a‑t‑elle commis une erreur dans son appréciation de la crédibilité?
III. Norme de contrôle
[19] La jurisprudence de la Cour n’est pas constante en ce qui a trait à la norme de contrôle devant s’appliquer à l’égard du choix d’une norme de contrôle par la SAR. Dans la décision Huruglica c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 799, aux paragraphes 25 à 34, le juge Phelan a retenu la norme de la décision correcte, soulignant que le choix d’une norme de contrôle de la part de la SAR était une question de droit présentant un intérêt général pour le système juridique. Dans d’autres affaires, la Cour a retenu la norme de la décision raisonnable, concluant qu’il s’agissait d’une question de droit faisant partie du domaine d’expertise du décideur : voir notamment Akuffo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1063, et Djossou c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1080.
[20] Selon moi, il n’est pas nécessaire que j’exprime une opinion à cet égard en l’espèce. Comme la décision Huruglica a été portée en appel, la Cour d’appel aura bientôt l’occasion de se prononcer sur la question. Quoi qu’il en soit, la question de la norme de contrôle devant être appliquée par la Cour à l’égard de la décision de la SAR ne change rien en l’espèce, étant donné que la décision de la SAR de retenir une norme de contrôle faisant appel à la déférence était à la fois correcte et raisonnable, comme je l’explique ci‑après.
[21] La deuxième question est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable, car elle repose sur l’interprétation que fait la SAR de sa loi constitutive : Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 53 et 54.
[22] La SAR n’a pas tiré de conclusions distinctes au sujet de la crédibilité. De fait, elle a confirmé les conclusions tirées par la SPR à cet égard. Pour ce faire, elle devait apprécier les faits à la lumière de sa loi constitutive. Ainsi, encore une fois, la décision de la SAR est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.
IV. Analyse
A. La SAR a‑t‑elle commis une erreur dans son analyse relative à la norme de contrôle?
[23] La SAR n’a pas commis d’erreur en faisant preuve de retenue à l’égard des conclusions tirées par la SPR sur les questions de fait. Le demandeur a mentionné le débat qui a lieu à la Cour concernant la norme de contrôle devant être appliquée. Or, la Cour n’a jamais affirmé que la SAR devait appliquer la norme de la décision correcte aux conclusions concernant les faits ou la crédibilité. La Cour a toujours eu comme principe que la SAR devait faire preuve de retenue à l’égard des conclusions de la SPR concernant les faits ou la crédibilité, mais aussi que la SAR devait soumettre ces conclusions à sa propre analyse.
[24] La Cour a déjà renvoyé pour réexamen des affaires dans lesquelles la SAR avait fait preuve de retenue à l’égard de différentes questions. Par exemple, dans l’affaire Huruglica, la SAR avait fait preuve de déférence à l’égard de la SPR en ce qui avait trait à l’analyse de la protection de l’État. Dans Alyafi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 952, la SAR s’en était remise aux conclusions de la SPR concernant la plausibilité et le risque généralisé – lequel était une question mixte de fait et de droit.
[25] Dans ces deux affaires, la Cour avait interprété la procédure de la SAR soit comme une procédure hybride s’apparentant à un appel de novo, soit comme un appel véritable s’apparentant à un appel formé auprès d’une cour d’appel. Quoi qu’il en soit, ces deux points de vue admettent le principe voulant que les conclusions concernant la crédibilité appellent la déférence, étant donné que la SAR ne tient généralement pas d’audience et qu’elle est par conséquent désavantagée par rapport à la SPR.
[26] Dans l’affaire Huruglica, le juge Phelan, invoquant la décision Newton, exprime l’opinion selon laquelle la procédure de la SAR fonctionne comme un appel de novo. Or, il reconnaît qu’il convient de faire preuve de retenue lorsqu’il est question de la crédibilité (au paragraphe 37). Par ailleurs, il souligne que la norme de contrôle applicable à la crédibilité n’est pas l’« erreur manifeste et dominante » (paragraphes 54 et 55). Selon mon interprétation, il retient implicitement la norme de la décision raisonnable, laquelle est la norme déférente la plus courante dans notre droit.
[27] Dans l’affaire Spasoja c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 913, au paragraphe 39, le juge Roy est d’avis que la SAR fonctionne comme un tribunal d’appel et il s’appuie à cet égard sur le cadre d’analyse fourni dans l’affaire Barreau (Québec) c Québec (Tribunal des professions), 2011 QCCA 1498. Lorsqu’il est question des conclusions en matière de crédibilité, la SAR doit appliquer la norme de l’« erreur manifeste et dominante ».
[28] Ce débat revêt un caractère hautement théorique, étant donné qu’aucune des parties ne convient avec le demandeur que la norme de la décision correcte s’applique. Je conviens avec le ministre qu’il est difficile d’imaginer comment un tribunal administratif instruisant un appel fondé sur le dossier papier pourrait appliquer la norme de la décision correcte aux conclusions liées à la crédibilité.
[29] Quoi qu’il en soit, la réponse à cette question n’est pas déterminante, étant donné que je suis d’avis que la SPR a fait une appréciation déraisonnable de la crédibilité du demandeur. Ainsi, il n’était pas loisible à la SAR de retenir la conclusion de la SPR, qu’elle ait choisi d’appliquer la norme de la décision correcte ou l’une des normes déférentes connues en droit.
B. La SAR a‑t‑elle commis une erreur en ne tenant pas d’audience?
[30] Dans ses observations écrites, le demandeur affirme que la SAR a commis une erreur dans son interprétation du paragraphe 110(6) de la LIPR. Il a fait valoir que l’emploi du terme « peut » signifie qu’il est loisible à la SAR de tenir une audience même lorsque les conditions énumérées dans la disposition ne sont pas remplies.
[31] À juste titre, le demandeur n’a pas insisté sur cet argument à l’audience. En effet, par défaut, la SAR instruit les appels en se fondant sur les dossiers papier. Le paragraphe 110(3) énonce clairement que « [s]ous réserve des paragraphes (3.1), (4) et (6), la section procède sans tenir d’audience ». Le paragraphe 110(6) prévoit une exception à cette règle, énonçant que la SAR « peut » tenir une audience si certaines conditions sont remplies.
[32] Le terme « peut » employé au paragraphe 110(6) accorde à la SAR la possibilité de tenir ou non une audience lorsque ces conditions sont remplies. Lorsque les conditions ne sont pas remplies, comme c’était le cas en l’espèce, la SAR n’a pas de choix à faire. Elle ne peut pas tenir d’audience.
C. La SAR a‑t‑elle commis une erreur dans son appréciation de la crédibilité?
[33] Il est bien connu en droit que le tribunal saisi d’un contrôle judiciaire doit faire preuve d’une grande retenue à l’égard des conclusions ayant trait à la crédibilité : voir notamment Triana Aguirre c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 571, aux paragraphes 13 et 14. Cela dit, « la retenue n’est pas un chèque en blanc » : Njeri c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 291. Lorsqu’un tribunal tire, au sujet de la crédibilité, une conclusion qui n’est ni intelligible ni justifiée au regard des faits, y compris les observations écrites du demandeur et la transcription de l’audience, la Cour doit intervenir. Ainsi intervient la fonction constitutionnelle de la Cour, qui est de veiller à ce que les décisions administratives s’inscrivent dans les limites de la légalité.
[34] Selon moi, la Cour doit intervenir en l’espèce. La SPR a conclu que le demandeur n’était pas crédible, au motif seul qu’il n’avait pas fourni de description aussi détaillée qu’elle l’aurait souhaité des discours prononcés en Guinée-Bissau. La SPR a conclu qu’il avait seulement fourni une « brève description générale », ou « une description générale de quelques minutes ». La SAR a endossé ces conclusions, affirmant qu’il était raisonnable que la SPR ne soit pas convaincue par les réponses succinctes du demandeur.
[35] Au regard de la preuve, il n’était pas loisible à la SAR de s’en remettre aux conclusions tirées par la SPR au sujet de la crédibilité. La transcription officielle de l’audience de la SPR ne figurait pas dans le Dossier certifié du tribunal. Ce dernier comprenait seulement une transcription de certains passages tirés de l’enregistrement audio, laquelle a été effectuée par un agent embauché par le demandeur. Le demandeur a joint cette transcription au dossier d’appel déposé devant la SAR. Il a également copié certains passages dans son mémoire des faits et du droit déposé devant la Cour. Comme le ministre n’a pas contesté l’exactitude de cette transcription, la Cour peut l’accepter comme élément de preuve fiable.
[36] Cette transcription révèle que le demandeur a fourni une description de la teneur de ses discours qui ne saurait raisonnablement être qualifiée de générale ou de succincte. Le demandeur a fourni plus de détails chaque fois que le commissaire de la SPR l’a invité à le faire. Il a expliqué avoir reproché au gouvernement, à l’armée et à la police des violations des droits de l’homme et des actes de corruption et de trafic de drogues. Il a nommé deux généraux qu’il a critiqués. Il a fourni des détails sur un incident au cours duquel des personnes ont pris une cargaison de drogue abandonnée pour de la nourriture. Il a dit avoir dénoncé la collaboration de l’armée avec les « Colombiens » qui importaient de la drogue en Guinée‑Bissau.
[37] Je souligne que la SPR n’a pas remis en doute le récit ni le comportement du demandeur. Elle n’a pas non plus relevé quelque contradiction que ce soit dans l’exposé circonstancié ou dans l’exposé oral. Elle ne croyait tout simplement pas au témoignage du demandeur en raison d’un manque prétendu de détails, ce qui, selon moi, n’était pas raisonnable au regard de l’information fournie par le demandeur. En approuvant cette analyse, la SAR a commis une erreur susceptible de contrôle.
[38] Selon moi, la SAR a manqué de sensibilité en exigeant que le demandeur donne plus de détails sur ses discours. Il est compréhensible que le demandeur ait été plus à l’aise de prononcer des discours enflammés en Guinée‑Bissau, dans sa langue natale, devant des personnes bien au fait des problèmes sociaux qu’il dénonçait – plutôt que de fournir des éléments de preuve à un tribunal, dans un pays étranger, par l’entremise d’un interprète. Il n’était pas raisonnable de s’attendre à un degré équivalent, ou quasi équivalent, de détails et de fougue dans ces deux contextes.
[39] La SAR a également commis une erreur en affirmant qu’après la pause, la SPR avait accordé au demandeur des occasions de fournir des détails concernant les discours. La transcription révèle qu’il n’a nullement été question des discours après la pause. La SAR est passée à d’autres aspects de la demande, par exemple : la contradiction dans le fait que le demandeur était membre du PAIGC et qu’il le critiquait; le temps écoulé entre l’incident d’avril 2012 et son départ de la Guinée-Bissau; le temps écoulé entre son arrivée au Canada et la présentation de sa demande; les opinions politiques de son père. Aucune de ces préoccupations n’est mentionnée dans la décision de la SPR.
[40] Pour les motifs qui précèdent, la SAR n’a pas rendu de décision appartenant « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47. Cela ne signifie pas pour autant que la demande d’asile doive être acceptée. Cela dit, la décision définitive doit reposer sur une appréciation raisonnable des faits.
[41] La demande est accueillie. Aucune question n’est certifiée.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE que la demande soit accueillie. Aucune question n’est certifiée.
« Richard G. Mosley »
Juge
Traduction certifiée conforme
Geneviève Tremblay, trad. a.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
IMM-3724-14 |
INTITULÉ : |
AMADU TEMA BALDE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
LIEU DE L’AUDIENCE : |
Toronto (Ontario) |
DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 11 MAI 2015 |
JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE MOSLEY |
DATE DES MOTIFS : |
LE 12 MAI 2015 |
COMPARUTIONS :
Jack Davis |
POUR LE DEMANDEUR |
Stephen Jarvis |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Davis & Grice Avocats Toronto (Ontario) |
POUR LE DEMANDEUR |
William F. Pentney Sous‑procureur général du Canada
|
POUR LE DÉFENDEUR |