Date : 20150120
Dossier : IMM-8015-13
Référence : 2015 CF 77
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Winnipeg (Manitoba), le 20 janvier 2015
En présence de monsieur le juge Zinn
Dossier : IMM-8015-13 |
ENTRE : |
Ugo Okoroafa NNAH |
Kelechi Solomon NNAH |
Anointing Chime NNAH |
Divine Akachiso NNAH |
Winner Somtochi NNAH |
demandeurs |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] Les demandeurs sollicitent l’annulation de la décision de la Section d’appel des réfugiés [SAR] rejetant leur appel et confirmant une décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] selon laquelle ils ne sont pas des personnes à protéger.
[2] Je conviens avec les demandeurs que la SAR a, de toute évidence, examiné la décision de la SPR en fonction de la norme de la raisonnabilité, ce qui, selon la plupart des juges de la Cour, n’est pas la bonne norme sur laquelle se fonder pour instruire un appel d’une décision de la SPR.
[3] Les demandeurs soutiennent que cette erreur est en soi suffisante pour justifier d’accueillir la demande et de renvoyer l’appel des demandeurs à la SPR. Le défendeur soutient que le résultat aurait été le même si la SAR avait appliqué la norme de contrôle énoncée dans des décisions comme Huruglica c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 799 [Huruglica], et que, par conséquent, la Cour ne devrait pas renvoyer l’affaire. Bien que les demandeurs n’aient pas les arguments les plus solides au vu des faits, je ne crois pas qu’il soit impossible qu’un tribunal différemment constitué de la SAR tire une conclusion différente. Par conséquent, la présente demande sera accueillie.
[4] La demande soulève une deuxième question qui devra également être examinée par la SPR. Il pourrait s’avérer utile que la Cour formule quelques brefs commentaires au sujet de cette question, à savoir celle de l’absence de transcription.
[5] La SAR ne disposait d’aucune transcription. Elle n’avait que l’enregistrement audio de l’audience devant la SPR. L’avocat des demandeurs a avisé la SAR que l’enregistrement audio de l’audience devant la SPR n’était pas parfaitement audible. La SPR a fourni un deuxième enregistrement audio. L’avocat a soutenu une fois de plus que l’enregistrement n’était pas parfaitement audible. Un analyste de la SAR a conclu que l’enregistrement était audible.
[6] Selon les Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012‑257 :
3(3) Le dossier de l’appelant comporte les documents ci-après, sur des pages numérotées consécutivement, dans l’ordre qui
suit :
…
(b) la transcription complète ou partielle de l’audience de la Section de la protection des réfugiés, si l’appelant veut l’invoquer dans l’appel, accompagnée d’une déclaration signée par le transcripteur dans laquelle celui-ci indique son nom et atteste que la transcription est fidèle;
[7] Les demandeurs ont soutenu auprès de la SPR qu’il y avait eu un manquement à l’équité procédurale compte tenu de l’absence d’un fichier audio convenable ou d’une transcription. La SAR a maintenu qu’il n’y avait eu aucun manquement de la sorte puisque l’enregistrement audio était audible.
[8] Il n’est pas mentionné dans les Règles de la Section d’appel des réfugiés qui est responsable de fournir la transcription, et il n’existe aucune jurisprudence sur ce sujet précis. Dans ses motifs, la SAR cite un Résumé de l’étude d’impact de la réglementation [REIR] selon lequel :
On ne s’attend pas à ce que les parties exigent une transcription dans le cadre de chaque appel. Contrairement à ce qui était indiqué dans le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (REIR) joint aux Règles de la SPR et aux Règles de la SAR au moment de leur publication préalable dans la Gazette du Canada, Partie I, le 2 juillet 2011, la CISR n’adoptera pas comme pratique de fournir aux parties la transcription de l’audience de la SPR pour interjeter un appel à la SAR.
[9] Je souscris à l’argument des demandeurs selon lequel il ne ressort pas de ce résumé que la SPR ne fournira jamais de transcription. Chaque demande doit être examinée au cas par cas et en fonction des faits allégués. Par exemple, un appelant sourd et démuni pourrait avoir besoin d’une transcription pour participer activement à l’audience.
[10] En l’espèce, la lecture attentive de la correspondance entre l’avocat et la SAR révèle que l’avocat n’a pas été en mesure d’utiliser la version gratuite du programme VIQ Player recommandée pour écouter l’enregistrement audio puisque cette version n’est pas compatible avec Windows 8, le système d’exploitation qu’il utilise. Il n’y a aucune preuve que l’avocat n’a pas été en mesure d’écouter l’enregistrement à l’aide du programme RC Player ou du lecteur Windows Media qui fait partie de Windows 8. Rien ne prouve donc qu’il n’a pas pu écouter l’enregistrement à l’aide d’un autre logiciel.
[11] Si une demande est déposée lors du nouvel examen en vue d’obtenir une transcription, la SAR devra trancher, à la lumière des faits présentés, y compris ceux qui ont été susmentionnés, si cette responsabilité lui incombe ou incombe aux appelants. Ce n’est pas à la Cour de trancher cette question maintenant au vu du petit dossier dont elle dispose.
[12] L’avocat des demandeurs a proposé trois questions aux fins de certification :
1. Dans le contexte du cadre législatif de la Section d’appel des réfugiés [SAR] où les appels sont instruits sur le fondement du dossier d’instance de la Section de la protection des réfugiés [SPR], de quel degré de retenue, le cas échéant, la SAR doit‑elle faire preuve à l’égard des conclusions de fait ou des conclusions mixtes de fait et de droit tirées par la SPR?
2. Quelle est la portée de l’examen de la Section d’appel des réfugiés lors d’un appel d’une décision de la Section de la protection des réfugiés?
3. [traduction] La Commission de l’immigration et du statut de réfugié est‑elle tenue, de par l’obligation d’équité, de fournir à un appelant devant la Section d’appel des réfugiés une transcription de l’audience de la Section de la protection des réfugiés lorsque l’appelant soulève une question qui peut être tranchée uniquement à la lumière de ce qui a été dit à l’audience?
[13] Le défendeur s’oppose à la certification de la première question ainsi que de la troisième question. La deuxième question a été certifiée par le juge Phelan dans Huruglica, et j’estime, à la lumière de la décision de la Cour relativement à cette demande et compte tenu de la portée générale de cette question, qu’elle est à certifier. Vu les autres conclusions de la Cour, la troisième question proposée ne serait pas déterminante de l’issue de la présente demande, et la première question s’inscrit, à mon avis, dans la deuxième.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la présente demande est accueillie, que la décision de la SAR est annulée, que l’appel est renvoyé à un tribunal différemment constitué en vue d’un nouvel examen et que la question suivante est certifiée :
Quelle est la portée de l’examen de la Section d’appel des réfugiés lors d’un appel d’une décision de la Section de la protection des réfugiés?
« Russel W. Zinn »
Juge
Traduction certifiée conforme
Stéphanie Pagé, traductrice
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
IMM-8015-13
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INTITULÉ : |
UGO OKOROAFA NNAH, KELECHI SOLOMON NNAH, ANOINTING CHIME NNAH, DIVINE AKACHISO NNAH, WINNER SOMTOCHI NNAH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
Winnipeg (Manitoba)
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DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 19 jANVIER 2015
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT : |
LE JUGE ZINN
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DATE DES MOTIFS : |
Le 20 JANVIER 2015
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COMPARUTIONS :
Nalini Reddy
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POUR LE DÉFENDEUR
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David Matas |
POUR LES DEMANDEURS
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
William F. Pentney Sous‑procureur général du Canada Ottawa (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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David Matas Avocat Winnipeg (Manitoba)
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POUR LES DEMANDEURS
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