Date : 20150218
Dossier : IMM-4605-13
Référence : 2015 CF 207
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 18 février 2015
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEBLANC
ENTRE : |
HAN LIU |
demanderesse |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
défendeur |
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
I. Introduction
[1] La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, rendue le 29 mai 2013, par laquelle la demande de protection de la demanderesse a été rejetée au motif que celle-ci n’est pas une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27 (la Loi).
[2] La demanderesse (ou Mme Liu) soutient que la SPR a commis une erreur susceptible de contrôle dans son évaluation de la documentation à l’appui de sa demande d’asile et qu’elle a enfreint son droit à une audience équitable en omettant d’identifier un problème qui en fin de compte faisait partie des motifs de décision.
[3] Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire de Mme Liu est rejetée.
II. Les faits
[4] Mme Liu est citoyenne de la Chine. Depuis 2002, elle étudiait au Japon et a fait de courtes visites à sa famille en Chine. En 2008, sa mère, qui habite toujours en Chine, a commencé à pratiquer le Falun Gong à la suite d’un accident vasculaire cérébral. Le Falun Gong est une discipline spirituelle pratiquée par des millions de personnes en Chine (et dans le monde). La mère de Mme Liu devait faire attention lorsqu’elle pratiquait le Falun Gong, car cette pratique est interdite en Chine. Pendant la semaine, la mère de Mme Liu pratiquait le Falun Gong toute seule à la maison mais, pendant les fins de semaine, elle pratiquait avec un groupe de 11 personnes dans un autre endroit.
[5] Alors qu’elle était au Japon, Mme Liu a vu bon nombre de personnes qui pratiquaient le Falun Gong en toute liberté. À la demande de sa mère, elle a recueilli des documents sur le Falun Gong et les a envoyés à sa mère en Chine par Internet. Sa mère voulait ces documents pour les donner aux membres de son groupe de Falun Gong, de manière à ce qu’ils puissent préparer des feuillets d’information à distribuer.
[6] Le 14 juin 2011, Mme Liu est arrivée au Canada en tant que touriste. Quelques semaines plus tard, le 10 juillet 2011, elle a reçu un coup de téléphone de sa sœur l’informant que le groupe de Falun Gong de leur mère avait fait l’objet d’une descente par le Bureau de la sécurité publique (le BSP) de la Chine et que certains membres du groupe avaient été arrêtés, mais que leur mère avait pu s’échapper. Le jour suivant, Mme Liu a appris que le BSP avait fait une descente dans la maison de sa mère et trouvé les documents sur le Falun Gong qu’elle lui avait envoyés du Japon. Le 12 juillet 2011, la mère de Mme Liu a reçu une sommation assortie d’un mandat d’arrestation. La sœur de Mme Liu lui a aussi dit que le BSP voulait l’arrêter elle, à son retour en Chine en raison de sa participation à des activités illégales, à savoir qu’elle avait envoyé des documents sur le Falun Gong à sa mère. C’est à ce moment-là que Mme Liu a présenté sa demande d’asile au Canada. Elle a apparemment choisi le Canada plutôt que le Japon en raison du paysage. Depuis ce temps-là, la mère de Mme Liu aurait été arrêtée et serait toujours en détention.
[7] La SPR a établi que les questions déterminantes du refus de la demande d’asile de Mme Liu étaient la crédibilité et le manque d’éléments de preuve corroborants fiables pour appuyer son témoignage.
[8] Au moment de résumer le témoignage de Mme Liu, la SPR a noté ce qui suit :
a. Que Mme Liu a fait 23 années d’études;
b. Qu’elle savait que les documents sur le Falun Gong qu’elle envoyait à sa mère étaient aussi destinés aux 11 personnes avec qui sa mère pratiquait le Falun Gong, même si elle a aussi indiqué que sa mère n’avait pas distribué les documents;
c. Que même si elle a reconnu qu’il était inévitable que ces documents puissent finir dans les mains du public, Mme Liu a admis qu’elle n’avait pas pris en considération les conséquences de ses actes, lesquels contrevenaient aux lois de la Chine;
d. Qu’aucune preuve corroborante n’avait été présentée au sujet de la détention continue de la mère de Mme Liu ou des cinq autres personnes du groupe de Falun Gong qui ont été arrêtées lors de la première descente effectuée par le BSP, notamment une photocopie du laissez-passer de visiteur que sa sœur a utilisé pour aller rendre visite à sa mère en prison, qu’elle n’a pas pensé fournir;
e. Que Mme Liu ne savait rien des allées et venues des six autres personnes qui, avec sa mère, s’étaient échappées;
f. Que lorsqu’on lui a demandé de quelle manière le BSP avait fait le lien entre elle-même et les documents sur le Falun Gong trouvés dans l’ordinateur de sa mère, Mme Liu a répondu que le BSP savait qu’elle était au Japon, mais qu’elle ne savait pas comment cela pouvait devenir une preuve suffisante pour l’associer à cette affaire;
g. Qu’aucune sommation n’avait été délivrée à l’encontre de Mme Liu personnellement, et que sa crainte d’être arrêtée si elle retournait en Chine ne reposait donc que sur les dires de sa sœur;
h. Que le BSP n’était pas revenu à la maison de sa mère depuis février 2012.
[9] La SPR a en outre précisé que la sommation prétendument délivrée à l’encontre de sa mère ne correspondait pas à la description fournie par un « expert invité » dans les éléments de preuve documentaire, ce qui indiquait aussi qu’il est facile d’obtenir des documents frauduleux en Chine. Pour cette raison, la SPR a accordé moins de force probante à la sommation et a remis en question la véracité du mandat d’arrestation.
[10] La SPR ne croyait pas qu’elle avait suffisamment de preuve devant elle pour être d’accord avec Mme Liu quant à la crainte de celle-ci de se faire arrêter par le BSP. Néanmoins, la SPR a envisagé une analyse additionnelle selon l’hypothèse que Mme Liu serait déclarée coupable au procès. À cet égard, la SPR a conclu que si Mme Liu devait retourner en Chine et être déclarée coupable au procès, cela résulterait de sanctions légitimes en Chine et, par conséquent, cela échappe à l’application de l’article 97 de la Loi, conformément à la sous-section 97(1)b)(iii). La SPR a ajouté que, même si les lois en Chine sont plus sévères que celles au Canada, et que les conditions carcérales ne répondent pas aux mêmes normes, cela ne constituait pas un motif suffisant pour justifier une réponse favorable à une demande présentée en vertu du paragraphe 97(1).
[11] La SPR a aussi conclu que, selon la prépondérance des probabilités, si Mme Liu devait être poursuivie par les autorités en Chine, ce serait parce qu’elle a violé des lois chinoises et non pas en raison d’une croyance particulière ou parce qu’elle s’oppose aux politiques du gouvernement. De plus, elle a conclu que les sanctions imposées à Mme Liu seraient des amendes, des menaces et du harcèlement, lesquels ne permettent pas de conclure qu’elle ferait l’objet de traitements ou peines cruels ou inusités et serait soumise à la torture. La SPR a conclu que, si Mme Liu retournait en Chine, elle risquait de faire l’objet d’une poursuite plus que d’une persécution. La SPR a aussi fait référence à une décision rendue par la juge Eleanor Dawson (tel était alors son titre) dans l’affaire Gong c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 600 au paragraphe 11, dans laquelle elle fait remarquer que rien ne prouve que les personnes qui s’associent ou sympathisent avec des adeptes du Falun Gong et qui sont arrêtées par la suite sont soumises à des traitements ou des peines cruels et inusités.
[12] Par conséquent, à la lumière de l’ensemble de la preuve, la SPR a conclu que Mme Liu ne s’était pas acquittée du fardeau de démontrer qu’elle s’exposait à une possibilité sérieuse de persécution ou qu’elle serait personnellement exposée à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités ou d’être soumise à la torture, comme le prévoit l’article 96 ou le paragraphe 97(1) de la Loi.
III. Questions en litige et norme de contrôle
[13] La présente affaire soulève les deux questions suivantes :
a. La SPR a-t-elle incorrectement évalué les documents présentés à l’appui de la demande, rendant la décision déraisonnable?
b. La SPR a-t-elle enfreint le droit de la demanderesse à l’équité procédurale en omettant de faire la distinction entre poursuite et persécution?
[14] Comme il est bien établi, les conclusions de faits et les conclusions en matière de crédibilité présentées par la SPR sont examinées selon la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick (Conseil de gestion), 2008 CSC 9, par. 47-50; Alliance Pipelines Ltd c Smith, 2011 CSC 7, par. 26-27; Pena c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2009 CF 455, par. 7) tandis qu’une norme de la décision correcte s’applique aux questions d’équité procédurale (Khosa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CSC 12, par. 12; Sketchley c Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, par. 53).
[15] Les parties ne contestent pas ce point.
IV. Analyse
A. La SPR a-t-elle incorrectement évalué les documents présentés à l’appui de la demande, rendant la décision déraisonnable?
[16] Comme je l’ai déjà indiqué, la SPR a rejeté la sommation produite en preuve par Mme Liu, car les marges ne correspondaient pas à la description d’une sommation apparaissant dans la preuve documentaire. Mme Liu prétend que cette conclusion comporte plusieurs lacunes.
[17] Premièrement, elle soutient que la SPR n’a pas mesuré les marges devant elle et n’a pas montré les marges de la sommation. Compte tenu de ce qui précède, elle fait valoir que la SPR n’a pas expliqué comment elle est arrivée à la conclusion selon laquelle la sommation ne concordait pas avec la description fournie dans la preuve documentaire. De plus, aucune information n’a été fournie concernant l’« expert invité » non identifié pour le qualifier de source d’information fiable. Mme Liu fait valoir que la SPR a commis une erreur de droit en acceptant de l’information non vérifiée provenant d’un soi-disant expert non identifié, particulièrement lorsqu’il y avait des éléments pertinents de preuve documentaire tendant à montrer le contraire.
[18] Deuxièmement, Mme Liu fait valoir que la SPR n’a pas tenu compte des renseignements pertinents se trouvant dans la réponse à une demande d’information au sujet de la variabilité des pratiques du BSP, ne faisant aucunement mention de ce renseignement dans les motifs de sa décision. Elle soutient que cette information était importante en ce qui a trait à la question de l’authenticité de la sommation en vue d’une arrestation et de l’avis d’arrestation et, par conséquent, qu’il devrait être déduit que la SPR a tiré une conclusion de fait erronée comme le prévoit le jugement de la présente Cour dans l’affaire Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF No 1425.
[19] Troisièmement, elle soutient que le seul autre motif donné par le tribunal pour justifier le rejet de la sommation et l’avis d’arrestation reposait sur la conclusion non fondée du tribunal selon laquelle Mme Liu aurait eu les moyens d’obtenir de faux documents pour appuyer sa demande d’asile au Canada.
[20] Mme Liu affirme que ces lacunes dans l’évaluation que la SPR a faite de ses pièces justificatives ont miné l’évaluation de sa crédibilité. Elle prétend que cette conclusion est contraire aux trois principes fondamentaux du droit des réfugiés qui suivent :
a. lorsqu’un revendicateur du statut de réfugié affirme la véracité de certaines allégations, ces allégations sont présumées véridiques sauf s’il existe des raisons de douter de leur véracité;
b. il convient de présumer que les documents étrangers sont authentiques et crédibles;
c. la SPR ne devrait pas faire de zèle lors de l’évaluation de la crédibilité d’un demandeur d’asile.
[21] Cet argument, j’en ai peur, ne réussit pas à démontrer que la décision de la SPR est dans l’ensemble déraisonnable.
[22] Premièrement, il existait des motifs de mettre en doute l’authenticité de la sommation, puisque les marges de la sommation ne correspondaient pas à la description contenue dans la preuve documentaire. Ce point distingue l’affaire en l’espèce de l’affaire Rasheed c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 587, par. 19, à laquelle Mme Liu a fait référence dans ses observations, où il n’y avait pas de raison de douter de l’authenticité des documents.
[23] La jurisprudence citée par le défendeur établit que la conclusion de la SPR selon laquelle une sommation de la Chine est probablement frauduleuse n’est pas déraisonnable lorsque certains éléments de preuve corroborent cette possibilité (Lin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 183, par. 20-21; Jing c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 609, par. 17; Zhuo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 790, par. 4-6, 9).
[24] Mme Liu a fait référence à l’affaire Lin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 157, par. 53-54, dans laquelle la Cour a statué que la preuve de l’existence de documents frauduleux ne suffit pas pour déclarer que les documents sont frauduleux et que la SPR a l’obligation de déterminer s’ils sont authentiques ou non dans des circonstances particulières. En l’espèce, c’est exactement ce que la SPR a fait. La SPR s’est fondée sur la preuve documentaire de la réponse à la demande d’information, pour conclure que les marges de la sommation ne correspondaient pas à la description, ce qui a mené à la conclusion que la sommation et l’avis d’arrestation n’étaient pas authentiques. Il est important de souligner que la SPR a fourni à l’avocat de Mme Liu l’occasion de présenter des observations par écrit sur cette question particulière. L’avocat a préféré présenter des observations de vive voix.
[25] Mme Liu fait également état de l’affaire Veres c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 CF 124, par. 19 et 20, selon laquelle la SPR ne peut pas juste appeler « preuve documentaire » n’importe quel élément de preuve et s’y fier lorsqu’il y a d’autres éléments de preuve qui indiquent le contraire. Cependant, en l’espèce, la situation est différente. Les renseignements sur lesquels la SPR s’est fondée provenaient de la réponse à la demande d’information. Ce genre de renseignements devrait être considéré comme fiable étant donné qu’il se trouve sur le site Web de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, qu’on encourage les décisionnaires à utiliser cette information, et qu’elle est régulièrement utilisée dans le contexte des audiences relatives à l’immigration et aux réfugiés. Les renseignements sur lesquels la SPR s’est fondée en l’espèce ont été fournis par un spécialiste de la faculté de droit de l’Université chinoise de Hong Kong qui possède une vaste expérience de la recherche en ce qui a trait au système de justice chinois et à la détention administrative.
[26] Deuxièmement, même s’il est vrai que la Cour a conclu qu’il existe une variabilité des pratiques du BSP chinois (Chen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 545, par. 7) et que ce facteur joue en faveur de Mme Liu, cela n’est pas suffisant, si on prend en considération les autres aspects qui appuient une conclusion de documents frauduleux et plus important, l’autre conclusion au sujet de la crédibilité faite par la SPR, pour conclure que la décision rendue par la SPR est déraisonnable.
[27] En effet, un autre principe important du droit des réfugiés est que la SPR est la mieux placée pour évaluer la crédibilité d’un récit et tirer les inférences qui s’imposent (Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 160 NR 315 (CAF), par. 4). Il faut faire montre d’une grande déférence à l’égard de la SPR, étant donné qu’il est de sa compétence d’apprécier la preuve et d’évaluer la crédibilité de celle-ci (Chen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 95, par. 31; Sinan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 87).
[28] Par conséquent, les conclusions non contestées sur la crédibilité doivent être présumées véridiques (Su c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 518, par. 14; Jiang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1067, par. 20-22; Cienfuegos c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1262, par. 25-26). Par conséquent, même si je statue que la SPR n’avait pas le droit de conclure que la sommation et le mandat d’arrestation étaient frauduleux, il y avait d’autres conclusions quant à la crédibilité qui seraient présumées véridiques.
[29] Voici les conclusions qui seraient présumées véridiques :
a. Mme Liu a témoigné qu’elle aurait voulu que sa mère ne distribue pas la documentation relative au Falun Gong, mais dans son Formulaire de renseignements personnels, elle a déclaré qu’elle convenait d’envoyer les documents pour aider à préparer des dépliants à distribuer;
b. Mme Liu a témoigné que le BSP a fait le lien avec elle, car il savait qu’elle était au Japon, mais la SPR n’a pas jugé que son témoignage établissait qu’elle avait en fait été impliquée;
c. Rien ne prouve que les cinq membres qui ont été arrêtés étaient toujours en détention;
d. Il n’y avait aucune preuve démontrant que la mère de Mme Liu est toujours en détention aujourd’hui;
e. Mme Liu a témoigné qu’elle n’avait pas pensé fournir une copie du laissez-passer de visiteur (de la prison) de sa sœur à titre de preuve corroborante de la détention de sa mère;
f. Les autorités chinoises ne sont pas retournées à la maison familiale depuis février 2012.
[30] Étant donné les préoccupations en matière de crédibilité, la SPR avait le droit, selon moi, d’accorder peu de valeur probante à la preuve corroborante de Mme Liu et pouvait raisonnablement conclure, en se fiant à ces préoccupations, que Mme Liu ne satisfaisait pas à la définition d’un réfugié au sens de la Convention ou à celle d’une personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi. Par conséquent, dans un tel contexte, la SPR n’a pas commis d’erreur en n’expliquant pas la raison pour laquelle elle n’a accordé aucun poids aux documents qui étayent censément les allégations jugées non crédibles (Huang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 288, par. 21-22; Ahmad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 471, par. 26).
[31] La conclusion concernant l’absence de crédibilité est déterminante et l’omission de faire la preuve qu’elle est déraisonnable suffit pour faire échec à une demande d’asile (Aguebor, précité, par. 4). Par conséquent, l’argument de Mme Liu selon lequel la SPR n’a pas examiné à fond les documents justificatifs, ce qui rendait sa décision déraisonnable, doit être rejeté.
B. La SPR a-t-elle enfreint le droit de la demanderesse à l’équité procédurale en omettant de faire la distinction entre poursuite et persécution?
[32] Le défendeur ne conteste pas le fait que la question de savoir si Mme Liu ferait l’objet de poursuites ou serait persécutée si elle retournait en Chine n’a pas été soulevée ni dans le cadre du Formulaire d’examen initial du dossier de la SPR avant l’audience, ni au cours de l’audience. Cependant, le défendeur soutient que cette question n’est pas déterminante quant à la demande d’asile de Mme Liu.
[33] Je suis d’accord. Si cette question avait été déterminante quant à la demande de Mme Liu, l’omission de la part de la SPR de la soulever avant ou au cours de l’audience pour donner la possibilité à Mme Liu d’y répondre aurait constitué une violation évidente du droit de Mme Liu à une audience équitable et aurait constitué un motif suffisant pour infirmer la décision de la SPR. Mais ce n’était pas le cas.
[34] Comme nous l’avons dit précédemment, les questions déterminantes à trancher en l’espèce étaient la crédibilité et la preuve corroborante. En d’autres termes, Mme Liu a été jugée non crédible par la SPR. La SPR n’avait pas par conséquent à se lancer dans une discussion quant à savoir si Mme Liu avait plus de chance de faire l’objet de poursuites que d’être persécutée si elle retournait en Chine, étant donné que la SPR avait déjà conclu que Mme Liu n’avait pas établi de manière crédible qu’il y avait un risque en cas de retour en Chine.
[35] Pour ces motifs, je suis d’avis que l’erreur de la SPR à cet égard ne justifie pas l’intervention de la Cour.
[36] Le deuxième moyen de Mme Liu à l’encontre de la décision de la SPR doit également être rejeté.
[37] Aucune partie n’a proposé une question de portée générale. Aucune ne sera certifiée.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée et qu’aucune question ne soit certifiée.
« René LeBlanc »
Judge
Traduction certifiée conforme
Caroline Tardif, LL.B., B.A.Trad.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
IMM-4605-13 |
INTITULÉ : |
HAN LIU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
LIEU DE L’AUDIENCE : |
Toronto, Ontario |
DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 9 octobrE 2014 |
JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE LEBLANC |
DATE DES MOTIFS : |
LE 18 fÉVrIER 2015 |
COMPARUTIONS :
Mark Rosenblatt |
pour lA demanderESSE |
Norah Dorcine |
pour le défendeur |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Mark Rosenblatt Avocat Toronto (Ontario) |
pour lA demanderESSE |
William F. Pentney Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
pour le défendeur |