Date : 20150108
Dossier : IMM-1385-13
Référence : 2015 CF 25
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 8 janvier 2015
En présence de monsieur le juge O’Reilly
ENTRE : |
SUKIRTHAN MAYILVAGANAM |
demandeur |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
|
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
I. Aperçu
[1] M. Sukirthan Mayilvaganam, un Tamoul du Nord du Sri Lanka, affirme craindre d’être persécuté par le Parti démocratique populaire de l’Eelam (PDPE), qui l’a questionné en 2010 sur les liens qu’il pouvait avoir eus avec les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (TLET). Redoutant d’autres problèmes avec le PDPE, M. Mayilvaganam a quitté le Sri Lanka à l’automne 2010 et a traversé différents pays avant d’arriver à la fin de 2011 au Canada, où il a demandé l’asile.
[2] Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande d’asile de M. Mayilvaganam au motif qu’il ne présentait pas le profil de ceux qui risquaient d’être persécutés ou de subir de graves préjudices au Sri Lanka. Plus particulièrement, la Commission a conclu que ceux qui étaient soupçonnés d’avoir des liens avec les TLET risquaient davantage d’être persécutés. La Commission n’était pas convaincue que M. Mayilvaganam serait d’une quelconque façon associé aux TLET et a donc rejeté sa demande d’asile.
[3] M. Mayilvaganam soutient que la décision de la Commission était déraisonnable, parce que la Commission n’a pas reconnu qu’un nombre anormalement élevé d’hommes tamouls étaient détenus, questionnés et maltraités par les autorités sri‑lankaises et d’autres groupes. De plus, la Commission a fait abstraction du fait qu’il risquait d’être questionné encore par le PDPE, une organisation connue pour procéder à des détentions arbitraires qui l’avait déjà soupçonné d’avoir des liens avec les TLET. Enfin, M. Mayilvaganam affirme que la Commission n’a pas procédé à une analyse adéquate des risques au titre de l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2002, c 27 [LIPR]. Il demande à la Cour d’annuler la décision de la Commission et d’ordonner qu’un autre tribunal examine à nouveau sa demande d’asile.
[4] Je ne vois aucune raison d’infirmer la décision de la Commission. La Commission a procédé à un examen approfondi de la preuve documentaire concernant les personnes à risque au Sri Lanka. Sa conclusion selon laquelle il était peu probable que M. Mayilvaganam soit exposé à un risque de persécution ou de mauvais traitements au Sri Lanka n’était pas déraisonnable à la lumière de cette preuve. Dans les circonstances, une analyse distincte au titre de l’article 97 n’était pas nécessaire.
[5] Il y a deux questions en litige :
1. La décision de la Commission était‑elle déraisonnable?
2. La Commission aurait‑elle dû procéder à une analyse distincte au titre de l’article 97 de la LIPR?
II. Première question – La décision de la Commission était‑elle déraisonnable?
[6] M. Mayilvaganam soutient que la Commission a omis de façon déraisonnable de reconnaître que les hommes tamouls sont plus susceptibles d’être arrêtés arbitrairement au Sri Lanka et qu’ils risquent de subir de mauvais traitements lors de leur détention. À son avis, cette situation équivaut en soi à un risque de persécution.
[7] De plus, affirme M. Mayilvaganam, la Commission n’a pas suffisamment tenu compte du fait que le PDPE avait dit qu’il retournerait le questionner encore; il risque donc d’être détenu et maltraité par le PDPE, qui considère manifestement qu’il a des liens quelconques avec les TLET.
[8] M. Mayilvaganam ajoute que la Commission a fixé la barre trop haut quand elle a rejeté sa demande d’asile. La Commission a conclu qu’il ne présentait pas le profil d’une personne prise pour cible dans le passé de sorte qu’il ne serait pas pris pour cible dans l’avenir. Toutefois, les demandeurs ont simplement le fardeau d’établir qu’ils sont exposés à plus qu’une simple possibilité de persécution – ils n’ont pas à prouver qu’ils seront effectivement pris pour cible dans l’avenir. Par conséquent, M. Mayilvaganam soutient que la Commission a mal énoncé le fardeau de la preuve.
[9] Les observations de M. Mayilvaganam ne me convainquent pas.
[10] La Commission a examiné soigneusement la preuve documentaire, qui mentionnait systématiquement le risque de persécution auquel étaient exposées les personnes soupçonnées d’avoir ou d’avoir eu des liens avec les TLET. La Commission a conclu de manière raisonnable que M. Mayilvaganam ne faisait pas partie de cette catégorie de personnes. Il avait bien été questionné à cet effet par le PDPE auparavant, mais il avait été relâché indemne. Le PDPE avait peut‑être dit qu’il retournerait questionner encore le demandeur, mais rien ne montre qu’il a par la suite cherché le demandeur ou essayé de communiquer avec le reste de la famille du demandeur au Sri Lanka.
[11] La Commission a conclu en définitive que la demande d’asile de M. Mayilvaganam n’était pas objectivement fondée. L’énoncé contesté par M. Mayilvaganam exprime simplement la conclusion de la Commission selon laquelle le fait que le demandeur avait été questionné dans le passé ne signifiait pas nécessairement qu’il serait pris pour cible dans l’avenir. D’après mon interprétation, la Commission n’énonçait pas le fardeau qui incombait à M. Mayilvaganam; elle tirait simplement une conclusion de fait.
[12] Par conséquent, au regard du droit et des faits, je conclus que la décision de la Commission représente une issue pouvant se justifier.
III. Deuxième question – La Commission aurait‑elle dû procéder à une analyse distincte au titre de l’article 97 de la LIPR?
[13] M. Mayilvaganam soutient que la Commission a commis une erreur en n’examinant pas s’il était exposé à un risque de mort, ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités aux termes de l’article 97 de la LIPR.
[14] Je ne suis pas d’accord.
[15] La conclusion de la Commission selon laquelle il était peu probable que M. Mayilvaganam soit exposé à un risque de persécution au Sri Lanka suffisait à trancher la question de savoir s’il était exposé à un risque de mort, ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités. La Commission n’avait donc pas besoin de tirer une conclusion distincte.
IV. Conclusion et dispositif
[16] La Commission a procédé à un examen approfondi de la preuve documentaire pertinente et conclu qu’il était peu probable que M. Mayilvaganam soit exposé à un risque de persécution ou de mauvais traitements s’il était renvoyé au Sri Lanka. Cette conclusion n’était pas déraisonnable à la lumière de la preuve. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question de portée générale à certifier, et aucune n’est énoncée.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE :
1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
2. Aucune question de portée générale ne sera énoncée.
« James W. O’Reilly »
Juge
Traduction certifiée conforme
Johanne Brassard, trad. a.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
IMM-1385-13
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INTITULÉ : |
SUKIRTHAN MAYILVAGANAM c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
Toronto (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 24 SeptembRE 2014
|
JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE O’REILLY
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DATE DES MOTIFS : |
LE 8 JanVIER 2015
|
COMPARUTIONS :
Michael Crane |
POUR LE DEMANDEUR
|
Christopher Ezrin
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Michael Crane Avocat Toronto (Ontario)
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POUR LE DEMANDEUR
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William F. Pentney Sous‑procureur général du Canada Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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