Date : 20141218
Dossier : IMM-3904-13
Référence : 2014 CF 1217
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 18 décembre 2014
En présence de monsieur le juge Zinn
ENTRE : |
RAFE HOSNY TAHA SHAKIBAN |
demandeur |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] La Cour conclut que la décision rendue par l’agent d’examen des risques avant renvoi [ERAR] était raisonnable et que la présente demande doit par conséquent être rejetée.
Le contexte
[2] Le demandeur est un citoyen de l’Égypte. Il a renoncé à l’observance de l’islam et il s’est exprimé contre cette religion devant certaines personnes, nonobstant le fait que son père est un imam. Il affirme avoir subséquemment reçu l’étiquette de non‑croyant et d’apostat. Il affirme qu’il craint d’être tué en Égypte.
[3] Le demandeur est entré au Canada le 21 janvier 1998, muni d’un visa d’étudiant, et ce, malgré le fait qu’il n’a jamais fait d’études. Il a présenté une demande d’asile six ans plus tard, en juillet 2004. Cette demande a été rejetée le 26 avril 2005, et la Cour ne lui a pas accordé l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de cette décision.
[4] La demande d’ERAR du demandeur a été rejetée le 16 mars 2009. La Cour a rejeté une demande visant le contrôle judiciaire de cette décision le 18 novembre 2009. Le demandeur a déposé une deuxième demande d’ERAR le 21 mai 2009. Cette demande fut elle aussi rejetée, et c’est ce rejet qui fait l’objet de la demande dont je suis saisi.
[5] L’allégation du demandeur selon laquelle il était exposé à un risque en Égypte en raison de son statut d’apostat et du fait qu’il s’est exprimé contre l’islam constitue le fondement de sa demande d’ERAR.
[6] L’agent d’ERAR a examiné les documents produits par le demandeur, notamment les observations de son avocat datées du 14 mai 2009 ainsi qu’un témoignage d’expert livré par un révérend égyptien au sujet de la persécution en Égypte, lequel est daté du 11 mai 2009. Les rapports sur la situation dans le pays, datés de 2004 à 2009 ont aussi été produits, mais seuls les documents postérieurs au rejet de la demande d’ERAR datée du 16 mars 2009 ont été considérés.
[7] L’agent d’ERAR a conclu que le demandeur n’avait pas réussi à démontrer qu’il était exposé à plus qu’une simple possibilité que sa crainte d’être persécuté soit fondée, ou qu’il était personnellement exposé à un danger, à la torture, à une menace à sa vie ainsi qu’au risque de traitements ou peines cruels et inusités.
[8] L’agent d’ERAR s’est fondé, pour son appréciation de la situation des personnes qui critiquent l’islam en Égypte, sur les rapports du département d’État des États‑Unis datés du 30 juillet 2012 et du 19 avril 2013, ainsi que d’un rapport de l’organisme Freedom House, lequel est daté du 1er février 2013. L’agent d’ERAR s’est aussi fondé sur deux décisions rendues par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié en 2006 pour conclure que le Canada ne divulgue pas de renseignements au pays d’origine des demandeurs d’asile déboutés et qu’il n’y a eu aucun cas signalé à l’ambassade canadienne portant que des demandeurs d’asile déboutés ont été détenus ou torturés après leur retour en Égypte.
[9] L’agent d’ERAR a conclu que, bien qu’il existe une preuve objective démontrant que les chrétiens sont exposés à des problèmes en Égypte, le demandeur n’a pas démontré qu’il sera victime de persécution ou qu’il sera exposé à un risque, parce qu’il n’est pas chrétien (il est un « musulman laïc », ou un ancien musulman), pas plus qu’il n’a produit de preuve selon laquelle les personnes qui critiquent l’islam en privé sont exposées aux mêmes problèmes que les chrétiens ou les personnes qui critiquent l’islam en public.
La question en litige
[10] Le demandeur ne soulève qu’une seule question en litige, soit celle de savoir si [traduction] « l’agent d’ERAR a commis une erreur de droit en omettant d’apprécier la demande d’ERAR comme une demande fondée sur le risque « sur place », compte tenu des changements rapides et significatifs qui sont survenus en Égypte en 2012, des changements significatifs survenus en Égypte en 2012 et de l’incertitude actuelle importante à l’endroit des fonctionnaires actuels de l’État, du contrôle exercé par l’État central et du traitement des personnes qui retournent au pays à partir de l’Ouest, du fait que le demandeur n’est pas en Égypte depuis 1998 et qu’il est donc exposé au risque d’être perçu comme un opposant au régime actuel, surtout en raison de son témoignage dans lequel il affirme qu’il a critiqué ouvertement l’islam ».
Analyse
[11] L’observation principale du demandeur est celle selon laquelle l’agent d’ERAR aurait dû considérer la demande d’ERAR comme une demande présentée sur place, compte tenu des changements dans la situation en Égypte et du fait que le demandeur est au Canada depuis la révolution et l’élection en Égypte. En résumé, un gouvernement des Frères musulmans a été élu en Égypte en juin 2012, pendant que l’agent d’ERAR était à rédiger la décision. Le demandeur prétend que cela avait une influence déterminante quant à l’analyse relative à l’ERAR, compte tenu du fait que la demande d’asile du demandeur est fondée sur sa critique de l’islam et des musulmans. Il s’ensuit qu’il fait valoir que la demande d’ERAR aurait dû être considérée comme une demande sur place.
[12] Il n’est pas contesté que le demandeur n’a pas formulé une demande d’asile sur place du fait qu’il a mis à jour ses observations pour les besoins de l’ERAR lorsque l’élection a eu lieu. Le ministre soutient qu’il incombe au demandeur de produire des éléments de preuve à l’appui de sa demande d’asile : Corona c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 759; Ormankaya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1089, et Marte c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 930.
[13] En plus des risques auxquels le demandeur allègue être exposé en raison de la religion, il affirme aussi qu’il sera exposé à de la persécution parce qu’il a été au Canada pendant une très longue période, notamment au cours de la révolution égyptienne de 2011. Il affirme que cela conduira d’autres personnes à croire qu’il appuyait le régime Mubarak. Je conviens avec le ministre que cette observation est sans fondement, parce que le demandeur a présenté sa demande d’asile pendant que M. Mubarak était au pouvoir et qu’il n’y avait pas vraiment de preuve à l’appui de l’allégation. Il ne s’agit que d’une simple conjecture.
[14] En ce qui concerne la prétendue demande par laquelle il allègue être un réfugié sur place, la Cour a conclu qu’il incombe au demandeur de faire valoir une telle demande. Comme l’a mentionné le juge Lagacé dans la décision Sani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 913 : « Et encore aurait-il fallu que le demandeur non seulement allègue être un “réfugié sur place”, mais aussi qu’il fasse la preuve de faits permettant à l’agent d’ERAR de conclure qu’il devait être considéré comme un “réfugié sur place”, ce qu’il n’a pas fait ».
[15] Quoi qu’il en soit, même si l’agent d’ERAR avait procédé à l’examen proposé à ce stade‑ci, rien au dossier dont disposait l’agent ou la Cour ne donne à penser que le risque auquel le demandeur est exposé s’est accru ou qu’il soit différent depuis l’élection de M. Morsi. Par conséquent, rien ne laisse croire que le résultat aurait été différent si une analyse relative à l’ERAR en fonction d’une demande sur place avait été effectuée.
[16] Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question à des fins de certification, et la présente affaire n’en soulève aucune.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la demande est rejetée et qu’aucune question n’est certifiée.
« Russel W. Zinn »
Juge
Traduction certifiée conforme
Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
IMM-3904-13
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INTITULÉ : |
RAFE HOSNY TAHA SHAKIBAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
Toronto (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 10 DÉcembRe 2014
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JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE ZINN
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DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS : |
LE 18 DÉCEMBRE 2014
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COMPARUTIONS :
Robert I. Blanshay
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POUR LE DEMANDEUR
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Nicole Rahaman
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Robert I. Blanshay Avocat Toronto (Ontario)
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POUR LE DEMANDEUR
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William F. Pentney Sous‑procureur général du Canada Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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