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Date : 20150119


Dossier : IMM-2102-14

Référence : 2015 CF 73

Ottawa (Ontario), le 19 janvier 2015

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

NABIL HAMITOUCHE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Il s’agit d’une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [LIPR] d’une décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada rendue le 12 mars 2014 par le commissaire José wa Tshisungu Tshisungu qui a conclu que le demandeur n’est pas une personne à protéger ni un réfugié au sens de la Convention, en application des articles 96 et 97 de la LIPR. Le demandeur cherche à faire infirmer la décision de la SPR et retourner le dossier devant un autre commissaire.

[2]               Pour les raisons exposées ci-dessous, la demande sera refusée.

II.                Les faits

[3]               Le demandeur est citoyen d’Algérie, où il a occupé l’emploi de policier jusqu’à son départ pour le Canada en date du 7 avril 2012.

[4]               Le 17 octobre 2011, le demandeur est en poste à un point de contrôle à l’entrée de l’Algerie et sélectionne les voitures à être inspectées. De retour chez lui après sa journée de travail, son voisin l’avise que deux hommes portant la barbe et les vêtements islamiques étaient venus le voir à son domicile. Deux jours plus tard, il reçoit la visite d’un jeune homme avec une veste en cuir par-dessus sa tenue islamique, mais il ne répond pas à la porte. Le 22 octobre 2011, le demandeur reçoit un appel d’un individu membre d’un groupe terroriste sollicitant sa collaboration à faire passer une voiture au point de contrôle sans que l’inspection soit effectuée. L’individu en question possède des informations confidentielles connues seulement par les collègues du demandeur qui étaient présents le 17 octobre 2011 au contrôle d’entrée des voitures. Le demandeur informe son supérieur de sa crainte et lui indique qu’il se cachera chez son frère pour une semaine. Cependant, le 27 octobre 2011, il reçoit un appel de menaces de mort par l’entremise du téléphone de la maison de son frère, alors que son supérieur était le seul à connaître le lieu où il se trouvait.

[5]               Pendant les cinq mois précédant son départ, le demandeur se cache au poste de police et chez un ami commissaire de police. Le 28 février 2012, le demandeur obtient son visa canadien et le 7 avril 2012, le demandeur quitte l’Algérie. Le 13 avril 2012, le demandeur dépose une demande d’asile au Canada alléguant craindre la persécution en raison de son appartenance à un groupe social particulier, de ses opinions politiques et être exposé à un risque de traitements ou peines cruels et inusités et à un risque de torture.

III.             Décision en litige

[6]               La SPR a indiqué que le demandeur avait établi à sa satisfaction son identité et n’a pas remis en question sa crédibilité. La SPR a aussi conclu que les allégations du demandeur avaient trait à la « vengeance » et n’avaient en conséquence aucun lien avec l’un des cinq motifs de la Convention et a donc conclu que l’art. 96 de la LIPR n’était pas applicable en l’espèce. La SPR a donc examiné la demande du demandeur sous l’angle de l’alinéa 97(1)b) de la LIPR. Après avoir établi ce cadre d’analyse, la SPR s’est penchée uniquement sur la question de la protection de l’État et a conclu que le demandeur n’avait pas réfuté la présomption de la protection de l’État. La SPR a noté que la police avait mis le téléphone du demandeur sur écoute afin de le protéger, que rien n’indiquait que la police avait cessé ses démarches en vue de l’aider et que puisque le demandeur s’est abstenu de demander la protection de la police lorsqu’il a reçu l’appel de menaces du 27 octobre 2011, il ne pouvait démontrer à la SPR l’absence de protection de l’État.

IV.             Question en litige

[7]               Le présent dossier soulève la question suivante :

  1. Est-ce que la SPR a erré dans son évaluation de la protection de l’État?

V.                Norme de contrôle

[8]               La norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, s’agissant d’une question mixte de fait et de droit (Hinzman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration); Hughey c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 171 au para 38; Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au para 53 [Dunsmuir]). Conséquemment, la présente Cour s’attardera à vérifier si la décision de la SPR en l’espèce fait partie des issues possibles en regard des faits et du droit et si elle est justifiée de façon à satisfaire aux critères d’intelligibilité et de transparence du processus décisionnel (Dunsmuir au para 47).

VI.             Analyse

[9]               Le demandeur soutient que la preuve documentaire démontre que l’Algérie est loin d’être une « démocratie électorale », que de nombreuses attaques terroristes ont eu lieu contre les autorités algériennes, que l’administration de la justice présente de graves problèmes et qu’en conséquence, la présomption de protection de l’État n’est pas applicable en l’espèce.

[10]           Le demandeur allègue subsidiairement qu’il a réfuté la présomption de protection de l’État grâce à son témoignage jugé crédible par la SPR.

[11]           Je suis d’avis que le demandeur n’a pas renversé la présomption de la protection étatique. La preuve documentaire ne soutient pas les prétentions du demandeur que l’État algérien est incapable de protéger ses citoyens. Les autorités ont mis des mesures en place pour le protéger lorsqu’il les a avisés des menaces qu’il recevait et donc il aurait été raisonnable pour le demandeur de leur demander à nouveau de l’aide suite à l’appel de menaces du 27 octobre 2011. La protection étatique ne peut être parfaite et il suffit qu’elle soit adéquate. Il était aussi raisonnable pour la SPR de ne pas donner foi aux soupçons du demandeur quant à la présence d’un espion au sein de la police en l’absence de preuve à cet effet, et ce, malgré que le demandeur ait été jugé crédible.

[12]           À mon avis, le demandeur cherche à faire réévaluer la preuve par la Cour, alors qu’il ne s’agit pas de son rôle (Canada (Citoyenneté et immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au para 61). Autrement, je ne vois aucune erreur susceptible de révision qui justifierait l’annulation de la décision de la SPR. En somme, la décision de la SPR est raisonnable  selon les issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

VII.          Conclusion

[13]           En conséquence, la demande est rejetée. Aucune question n’est certifiée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est rejetée et aucune question n’est certifiée.

« Peter Annis »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2102-14

 

INTITULÉ :

NABIL HAMITOUCHE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 10 décembre 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ANNIS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 19 janvier 2015

 

COMPARUTIONS :

Me Mélanie Calisto Azevedo

 

pour le demandeur

 

Me Guillaume Bigaouette

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Mélanie Calisto Azevedo

Montréal (Québec)

 

pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

pour le défendeur

 

 

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