Date : 20141216
Dossier : T-1210-14
Référence : 2014 CF 1215
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 16 décembre 2014
En présence de madame la juge Simpson
ENTRE : |
KENNETH HENRY FILS, GARY ROBERTS, CECIL JAMES et EVELYN ALEXANDER, agissant à titre personnel ainsi qu’en leurs qualités respectives de chef et de conseillers élus en poste de la PREMIÈRE NATION ANISHINABE DE ROSEAU RIVER |
demandeurs |
et |
LE CONSEIL COUTUMIER DE LA PREMIÈRE NATION ANISHINABE DE ROSEAU RIVER ET ALFRED HAYDEN |
défendeurs |
et |
CHARLES NELSON |
intervenant |
JUGEMENT ET MOTIFS
I. LA DEMANDE
[1] Les demandeurs ont sollicité le contrôle judiciaire de la décision datée du 17 juin 2014 (la décision) par laquelle le conseil coutumier de la Première Nation Anishinabe de Roseau River (la PNARR) les a destitués de leurs postes de chef et de conseillers élus de la PNARR. Ils demandent entre autres que la décision soit annulée et que soit aussi déclarée nulle une élection partielle tenue le 29 juillet 2014 (l’élection partielle). Pour les motifs qui suivent, la demande sera accueillie.
II. L’INSTRUCTION
[2] La présente demande a été instruite à la réserve #2 de la PNARR.
III. LES PARTIES
[3] Les demandeurs, Ken Henry fils, Gary Roberts, Cecil James et Evelyn Alexander [collectivement les demandeurs], sont le chef et les trois conseillers de la PNARR destitués par suite de la décision. Une injonction provisoire leur a toutefois permis de demeurer en fonction. Leur mandat doit normalement prendre fin en mars 2015, et la PNARR devra alors tenir une élection générale. Les demandeurs, représentés par des avocats, ont déposé 14 affidavits dans le cadre de la présente instance.
[4] Le défendeur Alfred Hayden est le seul conseiller non destitué par suite de la décision. Il a déposé son propre affidavit ainsi que deux autres. L’intervenant, Charles Nelson, a été élu chef de la PNARR lors de l’élection partielle. Il n’a pas produit d’affidavit et, en raison de l’injonction provisoire, il n’est pas entré en fonction. MM. Hayden et Nelson sont représentés par le même avocat.
[5] Le conseil coutumier de la PNARR (le conseil coutumier) défendeur n’est pas représenté par un avocat et n’a produit aucun document. Son porte‑parole est sa présidente, Mme Roberts.
IV. LE CONTEXTE
[6] La PNARR est une tribu Ojibway qui possède de deux réserves dans le sud‑ouest du Manitoba. Environ la moitié des ses 1 800 membres résident dans la réserve indienne #2 de Roseau River. Il y a aussi 150 membres qui vivent dans la réserve #2A tandis que les autres vivent hors réserve, principalement à Winnipeg.
[7] La PNARR a décidé de devenir autonome en 1991. Elle a établi à cette fin deux organes dirigeants; l’un est constitué d’un chef et de quatre conseillers élus tandis que l’autre, un conseil coutumier, compte des représentants choisis par chacune des familles de la PNARR.
[8] Depuis 2003, le conseil coutumier a déjà destitué trois fois le chef et les conseillers élus de la PNARR. La Cour a rendu des décisions, décrites plus loin, sur le bien‑fondé de chacune de ces destitutions.
[9] Le présent différend a été déclenché lorsque, le 13 mai 2014, le conseil coutumier a tenu une réunion et adopté une motion prévoyant la destitution des demandeurs (la première motion). La première motion était un document dactylographié qu’on a fait circuler parmi les participants à la réunion pour qu’ils y apposent leur signature.
[10] Toutefois, le juge Beaudry a rendu le 16 mai 2014 une injonction provisoire (l’injonction) permettant aux demandeurs de conserver le poste qu’ils occupaient avant l’adoption de la première motion. Le conseil coutumier a par la suite annulé, le 20 mai 2014, la première motion.
[11] Le 21 mai 2014, le conseil coutumier a envoyé quatre lettres [les mises en demeure] aux demandeurs. On leur y demandait, en gros, de présenter un budget pour l’exercice 2014-15 et de communiquer les renseignements concernant les salaires et dépenses pour approbation par le conseil coutumier. On demandait aussi aux demandeurs d’assister à une réunion du conseil coutumier le 17 juin 2014. Il n’était pas précisé dans les mises en demeure qu’un vote serait tenu à la réunion pour décider s’il convenait de destituer ou non les demandeurs.
[12] Pour donner suite aux mises en demeure, les demandeurs ont remis, le 4 juin 2014, au conseil coutumier un dossier d’information d’environ 90 pages (le dossier d’information).
[13] Le 17 juin 2014, à la demande de l’avocat des demandeurs, le juge Mandamin a convoqué une conférence téléphonique. Le juge y a déclaré que l’injonction demeurait en vigueur. Mme Roberts n’était pas présente à la téléconférence.
[14] Toutefois, malgré la déclaration faite par le juge Mandamin à la téléconférence, Mme Roberts a annoncé plus tard le même jour, lors d’une réunion du conseil coutumier [la réunion], que l’injonction n’était plus en vigueur. Le conseil coutumier a ensuite décidé par vote la destitution des demandeurs [le vote sur la destitution et la destitution]. Aucun élément de preuve n’atteste de la compilation des résultats du vote ou des personnes présentes à la réunion.
[15] Le lendemain, soit le 18 juin 2014, les membres du conseil coutumier ont signé une résolution prévoyant la destitution des demandeurs (la résolution sur la destitution). Cette résolution est déposée en preuve. On y invoque, comme fondement de la destitution, la Constitution de la PNARR ainsi que l’article 14 (les alinéas a à f) de la Loi électorale de la PNARR (la Loi électorale).
[16] Le 23 juin 2014, le juge Mandamin a confirmé au moyen d’une directive que l’injonction était toujours en vigueur. Une copie de la directive a été transmise par télécopieur à l’avocate du conseil coutumier.
[17] Le 28 juillet 2014, malgré la directive du juge Mandamin, on a affiché dans la réserve #2 un avis concernant la tenue d’une élection partielle le lendemain. Les demandeurs soutiennent que le vote sur la destitution et la tenue de l’élection partielle témoignent du mépris du conseil coutumier à l’égard de l’injonction. Aucune procédure pour outrage n’a toutefois été introduite.
[18] Le 29 juillet 2014, l’intervenant a été élu chef de la PNARR. Les trois conseillers qui ont également été élus ce jour‑là ne sont pas parties à la présente demande.
[19] Le 27 août 2014, une vérification n’a révélé l’existence d’aucun paiement illégal ou indu fait par les demandeurs au cours de leur mandat. Comme les documents disponibles étaient insuffisants, les vérificateurs n’ont toutefois pas pu formuler une opinion sans réserve.
[20] Pour mettre l’affaire en contexte, je relève aussi que le conseil coutumier invoque les trois sources suivantes comme fondement de son pouvoir de destituer le chef et les conseillers élus de la PNARR :
i. Le projet de Constitution de la PNARR
[21] Les demandeurs soutiennent en l’espèce que le projet de Constitution de la PNARR [la Constitution] n’est pas en vigueur parce qu’il n’a jamais été ratifié. Ils reconnaissent toutefois qu’on y décrit avec justesse, à certains égards, le mode de gouvernance de la PNARR. Les demandeurs reconnaissent par exemple le pouvoir du conseil coutumier de les destituer en recourant aux dispositions sur la procédure de destitution de l’Article XVI de la Constitution, reproduites ci‑après :
[traduction]
Article 1 Procédure de destitution
i) Tout représentant élu ou nommé peut faire l’objet d’une procédure de destitution pour manquement délibéré au devoir, corruption, ivrognerie, incompétence, incapacité d’exercice des fonctions ou perpétration pendant le mandat d’une infraction dénotant la turpitude morale.
ii) La procédure de destitution est engagée par la présentation au ministère de la Justice d’une requête valide dûment signée par le conseil coutumier énonçant la cause d’action.
iii) Le représentant visé par des accusations a droit à une audience devant le conseil coutumier régie par les règles et la procédure prescrites par ce dernier.
iv) Le représentant visé par des articles relatifs à la procédure de destitution est suspendu de ses fonctions pendant le déroulement de ladite procédure.
v) Le conseil coutumier désigne un procureur chargé de lui présenter les accusations. Le procureur doit être un citoyen de la Première Nation Anishinabe de Roseau River qui ne travaille pas pour celle‑ci et qui n’occupe pas une charge au sein de celle‑ci.
vi) Le conseil coutumier siège comme tribunal pour toute procédure de mise destitution et sa décision est définitive.
vii) Le conseil coutumier prescrit les règles et la procédure requises pour donner effet aux dispositions du présent Article.
viii) L’unanimité des membres du conseil coutumier est requise pour procéder à la destitution d’un représentant. [Non souligné dans l’original.]
[22] Dans sa plaidoirie, la présidente du conseil coutumier a affirmé que la Constitution avait selon elle force obligatoire. Toutefois, aucune preuve ne montre que d’autres membres du conseil coutumier partagent ce point de vue, ni que la PNARR a ratifié la Constitution à quelque moment que ce soit.
[23] Quoi qu’il en soit, je suis parvenue à la conclusion qu’il n’était pas nécessaire de décider si la Constitution était ou non en vigueur puisque, bien qu’on la cite comme fondement de la destitution dans la résolution sur la destitution, le conseil coutumier n’a pas recouru dans les faits aux dispositions sur la procédure de destitution.
ii. La Loi électorale de la PNARR
[24] Nul ne conteste que la Loi électorale a été ratifiée et est en vigueur. Le conseil coutumier estime que les articles 14 et 15 de la Loi électorale lui conféraient le pouvoir de tenir le vote sur la destitution. Les demandeurs ne sont pas d’accord, étant d’avis que ces articles n’accordent pas au conseil coutumier le pouvoir de destituer le chef et les conseillers élus. J’examinerai plus loin cette question.
iii. La procédure coutumière
[25] Dans son affidavit souscrit le 15 mai 2014 et déposé pour le compte des demandeurs, Dianne Alexander déclare que le conseil coutumier peut destituer le chef et les conseillers élus en suivant une certaine procédure coutumière (la procédure coutumière). Mme Alexander déclare qu’elle était la représentante de la famille Alexander au sein du conseil coutumier de 1991 à 1996. Elle décrit comme suit la procédure coutumière :
[traduction]
Les membres de la tribu, et en particulier les représentants auprès du conseil coutumier et le président et le vice‑président du conseil, savent et comprennent bien qu’avant que les représentants puissent voter sur une question aussi importante que la destitution du chef ou des conseillers :
a. L’acte répréhensible allégué doit équivaloir à un manquement grave du chef ou des conseillers aux devoirs de leur charge prévu dans la Loi électorale ou la Constitution avant qu’il ne puisse même exister un motif de destitution par le conseil coutumier.
b. Les allégations d’acte répréhensible doivent être véridiques. C’est uniquement lorsque ces allégations s’avèrent manifestement véridiques, sans qu’il subsiste de doute à leur sujet, qu’il peut exister des motifs de destitution du chef ou des conseillers élus (s’il y a application régulière de la loi).
c. Pour satisfaire à la norme applicable à la destitution du chef ou des conseillers élus, il faut que les membres du conseil coutumier soient convaincus non seulement que les manquements allégués se sont produits, mais aussi qu’il n’existait aucune excuse raisonnable, et qu’il y a des motifs impérieux de croire que la destitution est le seul moyen de remédier aux motifs de plainte établis.
d. Le chef ou les conseillers accusés d’un acte répréhensible doivent être informés des allégations précises portées contre eux par le conseil coutumier, et avoir l’occasion de se faire entendre et de présenter une défense avant qu’une décision ne soit rendue.
e. Les représentants auprès du conseil coutumier ne peuvent prendre de décision unilatérale à l’égard de questions aussi capitales que la destitution du chef ou des conseillers, sans que chacun d’eux ne soit d’abord retourné auprès de sa famille pour en discuter et en débattre, en vue d’obtenir des directives, fruits d’un consensus, quant à la façon de procéder.
[26] Je relève qu’on ne précise pas dans cette description combien de membres du conseil coutumier doivent voter en faveur de la destitution pour qu’une résolution en ce sens soit adoptée.
[27] Les demandeurs sollicitent dans leur avis de demande modifié une déclaration portant qu’on peut destituer le chef et les conseillers élus en recourant à cette procédure coutumière. Toutefois, comme le conseil coutumier n’a pas approuvé cette procédure, que le défendeur et l’intervenant n’en ont pas traité dans leur preuve ou leurs observations, que la description donnée semble être incomplète et qu’aucune preuve ne montre qu’on y ait jamais recouru, je ne suis pas disposée à conclure à l’existence de la procédure coutumière. En tout état de cause, comme cette procédure n’a pas été suivie en l’espèce, il ne sera pas nécessaire d’examiner davantage la question.
V. LES QUESTIONS EN LITIGE
[28] Vu l’urgence de l’affaire, j’ai décidé de n’examiner que trois des nombreuses questions soulevées dans la présente demande :
1. Y avait‑il quorum lorsque le conseil coutumier a tenu son vote sur la destitution le 17 juin 2014?
2. Le conseil coutumier a‑t‑il procédé à la destitution des demandeurs dans le respect des principes de justice naturelle?
3. Le conseil coutumier avait‑il le pouvoir de destituer les demandeurs en vertu de la Loi électorale ?
VI. LA NORME DE CONTRÔLE
[29] La norme de la décision correcte servira au contrôle des questions 1 et 2, et celle de la décision raisonnable, au contrôle de la question 3 puisque le conseil coutumier interprétait sa propre législation.
Question I – Le quorum
[30] Les demandeurs affirment que la décision est invalide parce que trop peu de représentants admissibles des familles étaient présents lors de la tenue du vote sur la destitution. Les parties conviennent du fait que le quorum est constitué de 10 membres du conseil coutumier, n’incluant pas son président [le quorum]. Il est également mentionné à l’article 2 de l’Article VIII de la Constitution que le quorum est de 10 membres pour les réunions du conseil coutumier.
[31] Il est aussi clairement énoncé à l’Article IX de la Constitution que procès‑verbal doit être dressé des réunions du conseil coutumier, et la preuve révèle qu’habituellement, des procès‑verbaux sont dressés et peuvent être consultés. Le procès‑verbal de la réunion du 13 mai 2014 du conseil coutumier est versé au dossier de la Cour. On y précise quels représentants des familles étaient présents à la réunion ainsi que le nombre de votes favorables et défavorables à l’égard de la première motion.
[32] L’avis de demande modifié a été déposé le 23 juillet 2014 dans la présente affaire, et on y demandait le procès‑verbal de la réunion du 17 juin 2014 (le procès‑verbal). Cette demande a été réitérée dans une lettre de rappel datée du 24 septembre 2014. Le conseil coutumier n’a toutefois pas produit ce procès‑verbal dans le cadre de la présente instance.
[33] Deux jours avant l’instruction, j’ai donné une directive enjoignant à Mme Robert d’amener le procès‑verbal avec elle à l’audience. Elle l’a fait, en expliquant qu’elle venait tout juste de le recevoir, même si elle l’avait demandé deux mois plus tôt. Cela n’explique pas de manière crédible, selon moi, le défaut du conseil coutumier de produire en temps utile un document essentiel. Faute d’explication satisfaisante, j’ai refusé d’admettre le procès‑verbal. J’estime raisonnable d’inférer qu’on n’a pas communiqué le document parce qu’il ne révélait pas la présence d’un quorum des membres du conseil coutumier admissibles à voter lors du vote sur la destitution.
[34] La tenue du vote sur la destitution lors de la réunion n’est pas contestée, mais le dossier de la Cour ne renferme aucun document attestant du nombre de votes exprimés en faveur et à l’encontre de la destitution, ni montrant qui était présent ou si une motion ou résolution datée du 17 juin 2014 a été signée à la réunion.
[35] Il y a toutefois dans le dossier de la Cour un document intitulé [traduction] « résolution du conseil coutumier », daté du 18 juin 2014, soit le lendemain du vote sur la destitution. Le document est signé par les représentants de 14 familles. On déclare dans des dispositions liminaires que l’objet du document est d’aviser le ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien de la destitution des demandeurs et du déclenchement de l’élection partielle. Voici un extrait de la résolution :
[traduction]
IL EST PAR CONSÉQUENT RÉSOLU QUE le conseil coutumier de la Première Nation Anishinabe de Roseau River, lors d’une réunion dûment convoquée tenue le 17 juin 2014, a procédé tel que mentionné précédemment à la destitution de leurs postes de chef et de conseillers les (anciens) chef Ken Henry fils et conseillers Gary Roberts, Cecil Bruce James et Evelyn Alexander, avec prise d’effet immédiate ce 17 juin 2014.
[36] Toutefois, d’autres éléments de preuve présentés à la Cour montrent qu’il n’y avait pas quorum au conseil coutumier lors de la tenue du vote sur la destitution. Il s’agit de lettres des personnes présentes à la réunion (les lettres des participants), qui figurent à la pièce 2 jointe à l’affidavit du 6 octobre 2014 de Sherelyn Hayden.
[37] Il ressort de l’examen des lettres des participants que les quatre personnes mentionnées ci‑dessous ont voté à la réunion, chacune au nom de sa famille. La liste des membres du conseil coutumier datée du 1er mai 2014 (la liste), qui figure à titre de pièce C jointe à l’affidavit du 15 mai 2014 de Sandra Hayden, confirme en outre que ces personnes ont qualité pour voter à titre de représentant de la famille, de substitut ou d’aîné.
[38] L’examen de l’ensemble des lettres des participants et de la liste révèle que les membres suivants du conseil coutumier autorisés à voter étaient présents lors de la tenue du vote sur la destitution :
Gloria Antonie
Maryann Patrick
Lorraine Martin
David Seenie
[39] La preuve par affidavit révèle également que Dianna French et Sherelyn Hayden étaient présentes et ont voté et que Stan James fils était présent. Leur nom figure sur la liste. Il ne ressort toutefois pas de la preuve, même en comptant ces personnes, que le quorum était atteint.
[40] Le problème est de savoir s’il convient de considérer les lettres des participants, non assermentées, ou la résolution de destitution, datée du lendemain de la réunion et dont les signataires n’étaient pas non plus assermentés, comme meilleure preuve quant à la présence ou non de 10 participants admissibles à voter lors de la réunion.
[41] J’ai conclu que les lettres de participants étaient plus fiables parce qu’on y faisait expressément état de la présence à la réunion de leurs auteurs. J’ai écarté la résolution sur la destitution parce qu’on l’a rédigée le lendemain de la réunion, et parce qu’aucune preuve ne montre que ses signataires sont aussi les personnes qui ont voté le jour précédent. Des éléments de preuve laissent d’ailleurs croire que tous les signataires de la résolution sur la destitution n’étaient pas présents lors de la réunion. J’ai également écarté la résolution sur la destitution parce que, comme je l’ai dit, le procès‑verbal n’a pas été produit.
[42] Enfin, l’absence d’une motion écrite datée du 17 juin 2014 me laisse perplexe parce qu’à la réunion du 13 mai 2014, on avait fait circuler la première motion parmi les participants pour qu’ils la signent. Il semble donc étrange qu’aucune preuve n’indique le recours à une procédure semblable lors de la réunion du 17 juin. L’absence de motion me donne à croire qu’il n’y avait pas quorum lors du vote sur la destitution.
Question 2 – A‑t‑on enfreint les principes de justice naturelle?
[43] Les demandeurs affirment que le conseil coutumier devait :
i. les aviser de la tenue du vote sur la destitution,
ii. leur fournir l’occasion de comprendre les allégations précises portées contre eux et d’y répondre.
[44] J’estime que le conseil coutumier n’a pas avisé les demandeurs que la question de leur destitution serait mise aux voix le 17 juin 2014. Les demandeurs reconnaissent qu’ils avaient entendu des rumeurs sur la tenue d’un tel vote, mais on expliquait dans les mises en demeure que la réunion était convoquée pour leur permettre de présenter, pour discussion, leur dossier d’information. On décrivait le déroulement général de la réunion dans les lettres de mise en demeure, sans rien mentionner d’un éventuel vote sur la destitution.
[45] De même, le conseil coutumier n’a pas avisé les demandeurs de ses préoccupations précises. La résolution sur la destitution n’est pas utile à cet égard parce qu’on y dit que la destitution se fondait sur l’article 14 (alinéas a à f), reproduit ci‑après, de la Loi électorale de la PNARR :
[traduction]
DESTITUTION
14. Une fois qu’ils sont dûment élus par les membres de la tribu, le chef et les conseillers représentent tous les membres de la tribu et sont donc responsables devant ceux-ci; le chef et les conseillers peuvent être destitués :
a) s’ils ne respectent pas les normes de conduite énoncées aux alinéas 12a) à j) inclusivement de la présente loi;
b) s’ils omettent d’assister, sans motif valable, à deux (2) réunions consécutives;
c) s’ils jettent le discrédit ou le déshonneur sur eux‑mêmes, leur charge ou d’autres membres de la tribu par une ou des actions qui leur sont attribuables;
d) s’ils sont déclarés coupables d’un acte criminel;
e) s’ils se livrent à des actions ou des comportements qui les empêchent de respecter la déclaration et les normes de conduite énoncées dans la présente loi;
f) s’ils commettent des actes frauduleux ou criminels et en sont reconnus coupables.
[46] L’article 12 de la Loi électorale prévoit pour sa part ce qui suit :
[traduction]
NORMES DE CONDUITE DE LA PART DU CHEF ET DES CONSEILLERS
12. Le chef et les conseillers élus sont tenus, en tant que fiduciaires de tous les membres de la tribu et dépositaires de leur culture, leur langue, leurs traités et leurs terres de réserve :
a) de faire respecter la déclaration citée dans la présente loi;
b) d’exercer un leadership fort et crédible que la majorité des membres de la bande respecteront et appuieront;
c) de communiquer avec les membres du conseil tribal, les consulter, écouter leurs préoccupations relativement aux questions qui touchent les membres de la tribu et donner suite à ces préoccupations;
d) de faire preuve d’équité, d’honnêteté et de courage;
e) de faire preuve d’honneur, de respect et de justice et d’avoir une conduite acceptable en tout temps;
f) d’encourager l’honnêteté et contribuer à l’élimination des rumeurs, de la duperie, de la déformation des faits et des conflits pendant qu’ils occupent leur charge;
g) d’améliorer et sauvegarder les traités et les droits issus de traité;
h) de veiller à ce que toutes les lois tribales soient respectées et soient compatibles avec les droits inhérents ainsi que l’esprit et l’objet des droits issus de traités;
i) de communiquer avec les membres de la tribu et les tenir bien informés sur toutes les questions, les mettre au courant des diverses initiatives et obtenir leur approbation par la communication de rapports trimestriels;
j) d’assister, pendant toute leur durée, à toutes les réunions officielles convoquées par les membres de la tribu, le conseil coutumier ou le chef et les conseillers.
[47] Le fait qu’on ait mentionné dans la résolution sur la destitution tous les motifs imaginables de destitution n’est pas indicateur du fait que les demandeurs auraient été effectivement avisés des préoccupations du conseil coutumier, ni ne permet de savoir quelles préoccupations ont servi à justifier la destitution.
[48] Néanmoins, selon la preuve qu’ils ont présentée, les demandeurs étaient au courant de l’insatisfaction du conseil coutumier à leur endroit. En mai, le conseil coutumier a adopté la première motion, qui visait à les destituer, et, même si la motion a ensuite été annulée, les sujets de préoccupation ont ainsi fait l’objet de discussions à l’époque. Toutefois, les demandeurs ont par la suite fourni le dossier d’information. Ainsi, selon moi, l’équité exigeait que le conseil coutumier formule à nouveau et de manière précise ses sujets de préoccupation en tenant compte de l’information figurant dans le dossier d’information, idéalement par écrit. Le conseil coutumier devait aussi fournir un délai raisonnable aux demandeurs pour qu’ils répondent aux préoccupations soulevées. Or, ni l’une ni l’autre exigence n’a été respectée.
Question 3 – Le conseil coutumier a‑t‑il le pouvoir de destituer le chef et les conseillers élus en vertu de la Loi électorale?
[49] Invoquant l’article 15 et le début de l’article 14 de la Loi électorale reproduits ci‑après, les défendeurs affirment que le conseil coutumier dispose d’un tel pouvoir :
[traduction]
POUVOIRS DU CHEF ET DES CONSEILLERS
15. Le conseil coutumier est l’organe principal et le représentant de l’ensemble des membres de la tribu. Le conseil coutumier se compose de dirigeants qui aident, soutiennent et conseillent le chef et les conseillers dans l’exercice de leurs fonctions énoncées dans la Déclaration et à l’article 12 de la présente loi.
DESTITUTION
14. Une fois qu’ils sont dûment élus par les membres de la tribu, le chef et les conseillers représentent tous les membres de la tribu et sont donc responsables devant ceux-ci; le chef et les conseillers peuvent être destitués :
[…]
[50] Comme on l’a vu, la Cour a déjà instruit trois affaires de destitution du chef et des conseillers élus de la PNARR par le conseil coutumier. Les défendeurs et l’intervenant soutiennent que les décisions rendues par la Cour confirment le pouvoir du conseil coutumier de destituer le chef et les conseillers élus en vertu de la Loi électorale. J’examinerai tour à tour chacune de ces décisions.
[51] Dans Première Nation Anishinabe de Roseau River c Première Nation Anishinabe de Roseau River (Conseil), 2003 CFPI 168, le juge Kelen a jugé que le conseil coutumier disposait, en vertu de l’article 19 de la Loi électorale, du pouvoir de modifier cette loi et de faire passer de quatre à deux ans la durée du mandat des représentants élus de la tribu. La modification à la loi effectuée avait eu pour résultat de destituer les représentants élus demandeurs. La Cour a conclu à l’existence d’un devoir d’équité envers les demandeurs mais, comme ces derniers savaient que la modification proposée entraînerait la tenue d’une élection et qu’ils avaient eu l’occasion de s’exprimer sur la modification à des réunions du conseil coutumier, elle a estimé qu’il avait été satisfait à ce devoir.
[52] Dans cette affaire, le conseil coutumier n’avait toutefois pas tenu un vote sur la destitution en vertu de l’article 14 de la Loi électorale, et il n’avait pas affirmé disposer d’un pouvoir de destitution fondé sur les articles 14 et 15 de cette loi. Le juge Kelen a décrit comme suit les questions en litige, au paragraphe 4 de sa décision :
1. Le conseil coutumier est-il un « office fédéral » au sens de l’article 2 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7?
2. Le conseil coutumier a-t-il négligé de suivre la procédure fixée dans la Loi électorale lorsqu’il a prétendu modifier la Loi?
3. Le conseil coutumier avait-il un devoir d’équité envers les demandeurs et a-t-il manqué à ce devoir?
4. Si la modification a été validement adoptée, s’appliquait‑elle rétroactivement et mettait‑elle fin au mandat du Conseil Hayden?
[53] On peut constater à la lecture de la liste de questions que le juge Kelen n’a pas examiné si les articles 14 et 15 de la Loi électorale conféraient au conseil coutumier le pouvoir de destituer les représentants élus de la PNARR.
[54] Dans ce contexte, les observations suivantes du juge Kelen (aux paragraphes 22 et 28 de la décision) sont manifestement des obiter dicta :
22. Cette reconnaissance [du conseil coutumier comme « conseil de bande » à l’alinéa 2b) de la Loi sur les Indiens] donne au conseil coutumier le pouvoir de gérer et de gouverner les affaires de la bande. Le conseil coutumier se compose de personnes « qui aident, soutiennent et conseillent » le chef et les conseillers dans l’accomplissement de leurs tâches. Il appartient donc au conseil coutumier d’exercer le pouvoir du conseil de bande d’administrer l’argent de la bande et les terres de la réserve, et d’exercer les autres pouvoirs que lui confère la Loi sur les Indiens. Sa décision de destituer de leurs fonctions le chef et le conseil élus est une manifestation de ce pouvoir.
28. Un bon exemple du modèle de gouvernement par consensus est l’article 14 de la Loi électorale. Cet article prévoit plusieurs motifs pour lesquels le conseil coutumier pourra décider de révoquer un conseil élu. Cependant, ce qui manque nettement dans la Loi électorale, c’est une procédure formelle de mise en accusation devant être suivie par le conseil coutumier. On compte plutôt que le chef et les conseillers se désisteront si le conseil coutumier demande leur destitution.
[55] En résumé, le principe directeur de la décision du juge Kelen est uniquement que le conseil coutumier a le pouvoir de modifier la Loi électorale, peu importe s’il en résulte ou non la destitution de représentants élus.
[56] Notons enfin que le juge Kelen a fait remarquer, au paragraphe 65 de sa décision, que le conseil coutumier avait modifié la durée du mandat des représentants élus sur le fondement de la Loi électorale car « il ne disposait d’aucun autre moyen de […] révoquer [les membres du Conseil Hayden] quand ils ne démissionnaient pas volontairement ». Ces propos dénotent que le conseil coutumier ne croyait pas disposer d’un pouvoir de destitution, comme composante de son pouvoir de gérer et de gouverner les affaires de la bande ni en vertu de l’article 14 de la Loi électorale, pouvoir dont le juge Kelen a laissé entendre l’existence en obiter dans ces deux cas.
[57] Dans la deuxième affaire, instruite par le juge Phelan, deux demandes de contrôle judiciaire étaient réunies (voir Conseil Coutumier de la Première nation Anishinabe de Roseau River c Première Nation Anishinabe de Roseau River, 2009 CF 655) et, entre autres questions examinées, le conseil coutumier demandait que la Cour déclare valide la résolution par laquelle il avait destitué le chef et les conseillers élus de la PNARR.
[58] Le conseil coutumier avait procédé à la destitution parce qu’il se préoccupait de la mauvaise gestion et du détournement de fonds de la part du chef et des conseillers et que ces derniers n’avaient pas assisté à certaines de ses réunions. Pour trancher la question, la Cour a examiné si le conseil coutumier disposait du pouvoir de destitution. Aux paragraphes 57 et 62, le juge Phelan a souscrit aux conclusions tirées aux paragraphes 22 et 28 de la décision du juge Kelen, sans toutefois relever le caractère obiter de ces conclusions, et sans procéder à une nouvelle analyse.
[59] À mon avis, l’absence d’une nouvelle analyse était compréhensible parce qu’il ressort de la décision qu’on n’avait pas fait valoir que le conseil coutumier n’avait pas de pouvoir de destitution. La question n’avait pas été débattue. Le chef et les conseillers élus ont simplement fait valoir l’invalidité de la résolution les ayant destitués au motif que le président et la vice‑présidente du conseil coutumier et certains représentants des familles n’avaient pas été validement nommés et qu’il y avait eu manquement à l’équité procédurale.
[60] La troisième décision est Première nation Anishinabe de Roseau River c Nelson, 2013 CF 180, rendue par le juge Russell. Dans cette affaire, les demandeurs sollicitaient des déclarations portant que les défendeurs avaient cessé d’être en fonction et que le chef et les conseillers nouvellement élus étaient légitimement au pouvoir. Ils sollicitaient également une ordonnance de quo warranto interdisant aux anciens chef et conseillers de se déclarer toujours en poste.
[61] La Cour a conclu que les anciens chef et conseillers avaient été validement destitués et que leurs tentatives d’adopter des résolutions en vue d’annuler la décision du conseil coutumier étaient illégales. Lorsqu’il a examiné si le conseil coutumier disposait d’un pouvoir de destitution, le juge Russell s’est fondé sur la décision du juge Phelan et a conclu, à l’alinéa 54 a) et au paragraphe 55, qu’il était habilité à destituer les défendeurs sous le régime de l’article 14 de la Loi électorale.
[62] Le juge Russel a toutefois clairement indiqué, au paragraphe 71 de sa décision, qu’on n’avait pas contesté la légalité de la décision de destituer du conseil coutumier. Il s’ensuit qu’une fois encore, la question du pouvoir de destitution du conseil coutumier sous le régime de la Loi électorale n’a pas été débattue.
[63] Après examen de ces décisions, je dois conclure qu’elles ne sont pas utiles en l’espèce parce que la Cour n’a jamais véritablement eu à décider si la Loi électorale conférait au conseil coutumier le pouvoir de destituer le chef et les conseillers élus de la PNARR. Le juge Kelen a traité de la question en obiter et cette question n’a été débattue ni devant le juge Phelan ni devant le juge Russell.
[64] J’estime pour ma part que l’article 14 crée bien un pouvoir de destitution, mais qu’il le confère à tous les membres de la tribu parce que les dirigeants élus sont, aux termes de cet article, [traduction] « responsables » devant eux. Une telle affirmation de responsabilité figure également dans la déclaration à l’article 1 de la Loi électorale. Pour ce motif, je suis parvenue à la conclusion qu’un référendum ou un autre type de vote serait nécessaire pour procéder à une destitution pour permettre à tous les membres de la PNARR de se prononcer.
[65] En outre, l’article 19 de la Loi électorale prévoit que le conseil coutumier peut apporter des modifications à cette loi par voie de résolution. Autrement dit, lorsque la Loi électorale confère un pouvoir au conseil coutumier, elle le fait en termes clairs. Or, aucune disposition comparable ne prévoit que le conseil coutumier peut procéder à une destitution par voie de résolution.
[66] L’article 15 de la Loi électorale ne confère pas non plus un tel pouvoir. Il y est simplement question du soutien que le conseil coutumier doit apporter au chef et aux conseillers élus dans l’exercice de leurs fonctions. À mon avis, le fait que le conseil coutumier soit décrit comme l’ [traduction] « organe principal » et le [traduction] « représentant de l’ensemble des membres de la tribu » au regard du soutien qu’ils apportent aux représentants élus ne veut pas dire qu’il a le pouvoir de destituer ces représentants.
[67] Pour tous ces motifs, je suis arrivée à la conclusion qu’il était déraisonnable de la part du conseil coutumier de conclure que la Loi électorale lui conférait le pouvoir de destituer le chef et les conseillers élus.
VII. CONCLUSIONS
[68] La demande de contrôle judiciaire sera accueillie pour les motifs suivants :
i. il n’y avait pas quorum lors du vote sur la destitution,
ii. il y a eu un manquement à l’équité procédurale avant la tenue du vote sur la destitution, et
iii. les articles 14 et 15 de la Loi électorale ne confèrent pas au conseil coutumier le pouvoir de destituer les chefs et conseillers élus.
[69] L’ordonnance prévoira que l’élection partielle est nulle et que les demandeurs ainsi que le défendeur Alfred Hayden continuent d’occuper les postes de chef et de conseillers de la PNARR. Aucuns dépens ne seront adjugés puisque les demandeurs ont fait savoir qu’ils ne sollicitaient pas de dépens.
JUGEMENT
LA COUR :
i. accueille la demande;
ii. annule la décision du 17 juin 2014 du conseil coutumier de destituer les demandeurs;
iii. annule la résolution sur la destitution du 18 juin 2014 du conseil coutumier;
iv. déclare que les demandeurs et le défendeur Alfred Hayden sont le chef et les conseillers en poste de la PNARR;
v. déclare que l’élection partielle du 29 juillet 2014 est nulle et que le chef et les conseillers élus lors de cette élection partielle ne sont pas en fonction.
« Sandra J. Simpson »
Juge
Traduction certifiée conforme
Sandra de Azevedo, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
T-1210-14
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INTITULÉ : |
KENNETH HENRY FILS, GARY ROBERTS, CECIL JAMES et EVELYN ALEXANDER, agissant à titre personnel ainsi qu’en leurs qualités respectives de chef et de conseillers élus en poste de la PREMIÈRE NATION ANISHINABE DE ROSEAU RIVER c. LE CONSEIL COUTUMIER DE LA PREMIÈRE NATION ANISHINABE DE ROSEAU RIVER ET ALFRED HAYDEN ET CHARLES NELSON
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
ROSEAU RIVER (Manitoba)
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DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 26 NOVEMBRE 2014
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JUGEMENT ET MOTIFS: |
LA JUGE SIMPSON
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DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS : |
LE 16 DÉCEMBRE 2014
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COMPARUTIONS :
Harley Schachter and Kaitlyn Lewis
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POUR LES DEMANDEURS
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Lynda Roberts
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POUR LE défenseur CONSEILCOUTUMIER DE LA PREMIÈRE NATION ANISHINABE DE ROSEAU RIVER
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S. Norman Rosenbaum |
POUR LE DÉFENDEUR ALFRED HAYDEN ET POUR L’INTERVENANT CHARLES NELSon |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Duboff Edwards Haight & Schachter Law Corp. Winnipeg (Manitoba)
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POUR LE DEMANDEUR
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Conseil coutumier de la Première Nation Anishinabe de Roseau River Ginew (Manitoba)
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POUR LE défendeur CONSEILCOUTUMIER DE LA PREMIÈRE NATION ANISHINABE DE ROSEAU RIVER
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Merchant Law Winnipeg (Manitoba) |
POUR LE DÉFENDEUR ALFRED HAYDEN ET POUR L’INTERVENANT CHARLES NELSon |