Dossier : T‑1573‑13
Référence : 2014 CF 1216
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 15 décembre 2014
En présence de monsieur le juge O’Reilly
ENTRE : |
GABRIEL LILLETHUN |
demandeur |
et |
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
I. Aperçu
[1] En 2012, M. Gabriel Lillethun est arrivé à l’Aéroport international Pearson en possession d’une somme de 20 000 $ US en espèces cachée dans ses vêtements et ses bagages. Il avait pris un vol en provenance du Brésil, via Panama. Aux douanes, il a déclaré qu’il n’importait pas de devises d’une valeur égale ou supérieure à 10 000 $. Un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a fouillé les effets personnels de M. Lillethun et y a trouvé de nombreuses liasses de billets de 100 $ US. L’agent a demandé à M. Lillethun combien de liasses il avait en sa possession et ce dernier a répondu qu’il l’ignorait.
[2] L’agent a conclu qu’il existait des motifs raisonnables de croire que les fonds pouvaient être des produits de la criminalité et il les a saisis. M. Lillethun a demandé une révision ministérielle de la saisie et, au cours des mois qui ont suivi, il a fourni de nombreux documents à l’ASFC dans le but de corroborer son allégation selon laquelle les fonds en question provenaient de la vente de matériel électronique et d’appareils photo, et qu’ils n’étaient pas des produits de la criminalité. Il a expliqué avoir omis déclarer les fonds en question parce qu’il s’inquiétait des répercussions fiscales de la divulgation d’un revenu non déclaré et de la réduction possible des prestations d’invalidité concernant son fils, calculées en fonction du revenu.
[3] Un arbitre de l’ASFC a pris connaissance des documents fournis par M. Lillethun et a conclu que ces derniers ne démontraient pas l’existence d’un lien entre les opérations mentionnées dans ceux‑ci et la somme d’argent que M. Lillethun avait tenté d’apporter au Canada. L’arbitre a accordé à M. Lillethun un certain nombre d’occasions de présenter de meilleurs éléments de preuve sur la provenance des fonds, mais finalement elle a recommandé à une déléguée du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile de conclure que M. Lillethun avait manqué à son obligation de déclarer les espèces importées, et de procéder à la confiscation des fonds (Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, LC 2000, c 17, art 12 et 29 – voir en annexe les dispositions citées).
[4] La déléguée du ministre a accepté la recommandation, et elle a refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire de restituer les espèces ou d’imposer une amende en lieu et place de la confiscation.
[5] M. Lillethun soutient que la déléguée du ministre a, de façon déraisonnable, confirmé la saisie de son argent. Plus précisément, il allègue qu’aucun élément de preuve ne démontre qu’il s’est livré à un comportement illégal ou que la somme d’argent en question était reliée d’une façon ou d’une autre à la criminalité. À son avis, les éléments de preuve qu’il a fournis établissent clairement qu’il exerçait des activités d’achat et de vente de matériel électronique et d’appareils photo. Il me demande d’ordonner à la déléguée du ministre de réexaminer la saisie ou de lui remettre une partie de la somme saisie.
[6] Je ne vois pas ce qui me permettrait de conclure que la décision de la déléguée du ministre était déraisonnable. Les éléments de preuve que M. Lillethun a fournis ne permettaient tout simplement pas d’établir un lien entre des opérations données et les fonds saisis. La preuve présentée établissait simplement qu’il achetait et vendait des marchandises, mais non la provenance de la somme de 20 000 $ qu’il avait tenté d’importer. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.
[7] La seule question à trancher consiste à savoir si la décision de la déléguée du ministre était déraisonnable.
A. Décision de la déléguée du ministre
[8] La déléguée a conclu que M. Lillethun n’a pas fourni de motif valable pour justifier l’omission de déclarer les espèces en sa possession. De plus, les éléments de preuve que M. Lillethun a fournis, bien qu’ils faisaient état d’opérations d’achat et de vente de marchandises, n’établissaient pas un lien entre lesdites opérations et la somme saisie.
[9] De plus, étant donné que M. Lillethun avait caché l’argent dans divers endroits, il existait des motifs supplémentaires de croire que la provenance de cet argent n’était pas légitime.
[10] Dans les circonstances, la déléguée a refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire de restituer la somme confisquée.
B. La décision de la déléguée du ministre était‑elle déraisonnable?
[11] M. Lillethun soutient que la déléguée n’a pas tenu compte comme il se devait des éléments de preuve établissant que les fonds provenaient de ses activités d’achat et de vente de matériel.
[12] Je ne suis pas d’accord.
[13] Il incombait à M. Lillethun de prouver que les fonds n’étaient pas des produits de la criminalité en établissant qu’ils provenaient d’une source légitime (Sellathurai c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CAF 255, aux paragraphes 49 et 50). M. Lillethun se trouve donc dans une situation fâcheuse. Il a réussi à démontrer qu’il achetait et vendait du matériel, mais les éléments de preuve qu’il a fournis n’ont pas permis d’établir la provenance réelle de la somme d’argent qu’il avait tenté d’importer.
[14] Par conséquent, je ne peux pas conclure que, selon la preuve au dossier, la décision de la déléguée du ministre était déraisonnable.
II. Conclusion et dispositif
M. Lillethun a été incapable de démontrer que les fonds qu’il a apportés au Canada provenaient d’une source légitime. Par conséquent, je ne peux pas conclure que la décision d’ordonner leur confiscation était déraisonnable. Je suis donc d’avis de rejeter la présente demande de contrôle judiciaire, avec dépens.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée, avec dépens.
« James W. O’Reilly »
Juge
Traduction certifiée conforme
Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.
Annexe |
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Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, LC 2000, c 17 |
Proceeds of Crime (Money Laundering) and Terrorist Financing Act, SC 2000, c 17 |
Déclaration 12. (1) Les personnes ou entités visées au paragraphe (3) sont tenues de déclarer à l’agent, conformément aux règlements, l’importation ou l’exportation des espèces ou effets d’une valeur égale ou supérieure au montant réglementaire. |
Currency and monetary instruments 12. (1) Every person or entity referred to in subsection (3) shall report to an officer, in accordance with the regulations, the importation or exportation of currency or monetary instruments of a value equal to or greater than the prescribed amount. |
Cas de contravention 29. (1) S’il décide qu’il y a eu contravention au paragraphe 12(1), le ministre peut, aux conditions qu’il fixe : |
If there is a contravention 29. (1) If the Minister decides that subsection 12(1) was contravened, the Minister may, subject to the terms and conditions that the Minister may determine, |
a) soit restituer les espèces ou effets ou, sous réserve du paragraphe (2), la valeur de ceux‑ci à la date où le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux est informé de la décision, sur réception de la pénalité réglementaire ou sans pénalité; |
(a) decide that the currency or monetary instruments or, subject to subsection (2), an amount of money equal to their value on the day the Minister of Public Works and Government Services is informed of the decision, be returned, on payment of a penalty in the prescribed amount or without penalty; |
b) soit restituer tout ou partie de la pénalité versée en application du paragraphe 18(2); |
(b) decide that any penalty or portion of any penalty that was paid under subsection 18(2) be remitted; or |
c) soit confirmer la confiscation des espèces ou effets au profit de Sa Majesté du chef du Canada, sous réserve de toute ordonnance rendue en application des articles 33 ou 34. |
(c) subject to any order made under section 33 or 34, confirm that the currency or monetary instruments are forfeited to Her Majesty in right of Canada. |
Le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, dès qu’il en est informé, prend les mesures nécessaires à l’application des alinéas a) ou b). |
The Minister of Public Works and Government Services shall give effect to a decision of the Minister under paragraph (a) or (b) on being informed of it. |
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
T‑1573‑13
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INTITULÉ : |
GABRIEL LILLETHUN c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
Toronto (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 29 OCTOBRE 2014
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JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE O’REILLY
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DATE DES MOTIFS : |
LE 15 DÉCEMBRE 2014
|
COMPARUTIONS :
Mitchell Worsoff
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POUR LE demandeur
|
Sharon McGovern
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POUR LE défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Worsoff Law Firm Avocats Toronto (Ontario)
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POUR LE demandeur
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William F. Pentney Sous‑procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LE défendeur
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