Date : 20141217
Dossier : IMM-1858-14
Référence : 2014 CF 1228
Ottawa (Ontario), le 17 décembre 2014
En présence de monsieur le juge Harrington
ENTRE : |
KADE DIARRA FELICITE MARIAM THEA MAURICE MAMADI THEA |
demandeurs |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] Madame Diarra, la demanderesse principale, est citoyenne de la République de Guinée. Elle est arrivée au Canada en avril 2009. Quelques semaines plus tard, elle donne naissance à sa fille Jeannette. Au cours des mois suivants, ses enfants Maurice et Félicité viennent tour à tour la rejoindre. La demanderesse principale et ces derniers réclament alors l’asile. La Section de la protection des réfugiés rejette leur demande au motif du manque de crédibilité de Mme Diarra. Leur demande d’Examen de risque avant renvoi est également rejetée.
[2] Ceci est le contrôle judiciaire de la décision d’un agent d’immigration rejetant la demande de résidence permanente des demandeurs, au Canada même, pour considérations d’ordre humanitaire.
[3] Le paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiées permet à une personne qui ne répond pas aux critères d’admissibilité de faire une demande de résidence permanente de l’intérieur du Canada si elle peut démontrer qu’elle fera face à des difficultés inhabituelles, injustifiées ou démesurées si l’on exige que la demande soit faite de l’extérieur du Canada. Il s’agit d’une mesure exceptionnelle.
[4] Si Mme Diarra n’avait pas d’enfant, il va sans dire que cette Cour n’aurait aucune hésitation à rejeter la présente demande. Toutefois, les considérations d’ordre humanitaire doivent être axées sur les deux filles de la demanderesse principale : Félicité, 13 ans, née aux États-Unis et Jeannette, 5 ans, née au Canada. Ni l’une ni l’autre ne peuvent être envoyées en Guinée. Quel genre de vie mènerait alors Félicité si renvoyée aux États-Unis sans sa mère? Et quel genre de vie mènerait Jeannette si elle vivait au Canada sans sa mère?
[5] La demanderesse principale soulève sa crainte de la menace d’excision qui plane sur ses deux filles advenant qu’elles se retrouvent en Guinée avec elle. Le décideur en reconnait la possibilité, mais en minimise la gravité, du moins en partie, au motif du manque de crédibilité de Mme Diarra. Elle est musulmane. Elle allègue que son père est un iman radical. Elle a épousé un homme chrétien. Ce mariage cause de grandes difficultés au sein de la famille.
[6] Néanmoins, la preuve non contredite des conditions dans le pays indique que plus de 90% des femmes sont victimes d’excision. Bien qu’elle est interdite, l’excision est pratiquée tant dans les communautés musulmanes que chrétiennes à travers le pays.
[7] Mme Diarra fait face à un choix impossible – soit qu’elle retourne en Guinée et laisse ses enfants au Canada et aux États-Unis, ou soit qu’elle les apporte avec elle en Guinée où ses filles risquent l’excision, et où les trois enfants auraient de la difficulté à s’intégrer à une culture qu’ils ne connaissent pas. Il serait raisonnable de conclure, sur la prépondérance des probabilités, que Félicité et Jeannette seront victimes de mutilation génitale féminine si elles accompagnent leur mère en Guinée.
[8] Une décision récente en matière de demande de résidence permanente pour considérations d’ordre humanitaire est celle du juge Diner dans Bautista c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1008. Il souligne au paragraphe 22 :
Quant au « choix » parental, il n’a jamais été envisageable qu’une mère célibataire comme Mme Bautista abandonne sa fille au Canada. Aucun parent responsable n’abandonnerait son enfant à des milliers de kilomètres.
[9] Il cite également de la jurisprudence appuyant la position « que l’intérêt supérieur de l’enfant consiste à demeurer avec son principal dispensateur de soins », voir : para 24. Dans la présente affaire, Mme Diarra est la principale dispensatrice de soins. Le père des enfants réside toujours en Guinée.
[10] Dans sa décision, l’agent d’immigration se réfère au Rapport de Mission préparé par les gouvernements français, belge et suisse. Il souligne que : « […] selon un récent rapport consulté, des experts en santé ont constaté une diminution du taux de prévalence des mutilations génitales féminines dans les dernières années. » Cependant, le même rapport note que :
Selon une enquête démographique et de santé réalisée en 2005, le taux de prévalence de mutilations génitales féminines (MGF) est de 96% en Guinée. Faute d’étude plus récente, aucune nouvelle donnée chiffrée n’est disponible.
[11] Dans les circonstances, l’analyse de l’intérêt supérieur des enfants directement touchés n’a pas été faite conformément au paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiées. La décision n’était pas raisonnable.
JUGEMENT
POUR CES MOTIFS;
LA COUR STATUE que :
1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.
2. La présente affaire est renvoyée à un nouvel agent d’immigration pour qu’il rende une nouvelle décision.
3. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.
« Sean Harrington »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
IMM-1858-14
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INTITULÉ : |
KADE DIARRA ET AL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
Montréal (Québec)
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DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 4 décembre 2014
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JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE HARRINGTON
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DATE DES MOTIFS : |
LE 17 DÉCEMBRE 2014 |
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COMPARUTIONS :
Anne Castonguay Myriam Roy-L’Écuyer, stagiaire
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POUR LES DEMANDEURS
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Edith Savard |
pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Étude légale Stewart Istvanffy Montréal (Québec)
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POUR LES DEMANDEURS
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William F. Pentney Sous-procureur général du Canada Montréal (Québec)
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pour le défendeur |